Crowdlending : Investbook ou démocratiser le financement par l'obligation

Crowdlending : Investbook ou démocratiser le financement par l'obligation

Investbook est la première plateforme de crowdlending des PME par l'obligation. Jean Carvajal, président fondateur d'Invesbook présente la plateforme à banques-en-ligne.fr
Banques en ligne

Rédigé par Stéphane LORMEAU

le 22 Mars 2017

Jean Carvajal président fondateur Invesbook

" Le principal intérêt du crowdfunding obligataire est que l’investisseur connait les entreprises sur lesquelles il investit. : Jean Carvajal

Banques-en-ligne.fr (BEL) : Votre plateforme propose des financements par émission d’obligations. Pouvez-vous nous présenter votre offre ?

Jean Carvajal (JC) : Investbook a le statut de Conseiller en Investissements Participatifs régulé par l’Autorité des marchés financiers. Notre activité consiste à analyser et sélectionner des PME qui vont se financer par emprunt obligataire sur notre plateforme puis Investbook propose ces obligations à sa communauté d’investisseurs obligataires. Rappelons qu’une obligation est un titre financier représentatif d’une dette pour l’entreprise qui se finance, c’est une créance pour l’investisseur qui y souscrit. Les obligations versent des intérêts fixes, les coupons, et des remboursements annuels tout au long de la vie des titres.

L’offre Investbook est donc double. D’une part, nous permettons aux PME de diversifier leurs sources de financement grâce à l’emprunt obligataire, en complément de leurs fonds propres et/ou de leurs ressources bancaires. Cela leur donne accès à une profondeur de financement supplémentaire pour accompagner leur croissance. Notre offre s’adresse aux PME ayant entre 1 et 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, pour un financement moyen terme (généralement entre 3 et 5 ans) compris entre 100.000 et 2.500.000 euros. Nous offrons aux PME un service complet et clés en main. Analyse, conseil, structuration de l’opération, promotion auprès de notre communauté d’investisseurs et exécution. L’emprunt obligataire que nous proposons est privé, c’est-à-dire que les obligations émises ne sont pas cotées et ne constituent pas un appel public à l’épargne. Le principal avantage d’un emprunt obligataire est qu’il offre aux PME diversification, souplesse et flexibilité dans la structuration du prêt (taux, échéances, remboursements, objet de financement, possibilité de ne pas prévoir de cautions ou de garanties).

D’autre part, nous permettons à des investisseurs particuliers ou même des personnes morales de diversifier leurs placements financiers sur des sous-jacent identifiés. En effet, le principal intérêt du crowdfunding obligataire est que l’investisseur connait les entreprises sur lesquelles il investit, il a accès à toutes les informations lui permettant de prendre une décision d’investissement sur chacune des entreprises que nous avons auditées et sélectionnées.

" Après avoir ouvert le marché, nous souhaitons accélérer notre développement en offrant plus d’opportunités à nos membres et en nous adressant à des PME de taille plus conséquente " : Jean Carvajal

BEL : Voici un an que votre plateforme, Investbook, a été lancée. Quel bilan tirez-vous sur une année d’activité ?

JC : Nous avons lancé nos premières émissions obligataires début 2016 et avons financé 5 sociétés pour un montant total de 582.000€. Cela nous a permis de valider notre modèle économique et de renforcer nos procédures. Investbook a été la première plateforme de crowdfunding obligataire en France à avoir reçu son agrément AMF. Nous avons ouvert le marché et poursuivons notre rôle de sensibilisation auprès des dirigeants de PME qui pensaient que l’émission d’obligations n’était réservé qu’aux très grandes entreprises. Or beaucoup de chefs d’entreprise sont ravis de savoir qu’il existe un outil de diversification quant à leur politique de financement, c’est une solution qui leur permet de passer un cap dans leur développement.

Concernant les épargnants, nous avons enregistré plus de 800 membres inscrits sur notre plateforme, beaucoup d’entre eux s’intéressent de près à cette nouvelle forme d’investissement qui leur donne accès à des obligations dès 1.000€. De la même manière, les épargnants n’avaient jusqu’alors que peu ou pas d’offre de placement en direct sur des obligations de PME. Nous avons aussi à ce niveau ouvert le marché et constatons que nos membres sont demandeurs de ce type de produit financier. L’investissement PME est clairement une alternative qu’ils affectionnent et qu’ils découvrent avec enthousiasme.
Après avoir ouvert le marché, nous souhaitons accélérer notre développement en offrant plus d’opportunités à nos membres et en nous adressant à des PME de taille plus conséquente.

BEL : A quel type d’épargnant vous adressez-vous ? Doivent-ils avoir un profil d’investisseur confirmé ? Quel capital de départ doivent-ils investir ?

JC : Les épargnants qui s’inscrivent sur notre plateforme ont une surface financière relativement large, avec un patrimoine établi et une situation confortable. Nos membres sont en quête de diversification de leur portefeuille de placements, ils cherchent à dynamiser leurs rendements et à investir de manière concrète et utile sur des PME françaises. Tous nos membres ont une bonne compréhension des produits de placement financier, l’obligation est un produit qu’ils connaissent généralement et qu’ils apprécient pour leur simplicité. Le ticket d’investissement minimum est fixé à 1.000€, c’est la valeur nominale standard d’une obligation sur notre plateforme. Une majorité de nos membres investissent entre 2.000 et 5.000€ mais nous avons également de plus en plus de personnes physiques relativement aisées et des personnes morales en quête de placement de trésorerie qui souscrivent entre 10.000 et 50.000 euros par émission. Nous recommandons généralement d’investir sur au moins 5 émissions obligataires pour commencer.

" Le suivi des entreprises (...) est pour nous primordiale dans notre stratégie d’offrir à nos membres un service au plus proche de leurs attentes " : Jean Carvajal

BEL : Quelle visibilité vos clients ont-ils sur leur épargne ? Quel outils pour gérer ?

JC : Notre back-office a été développé de sorte à offrir à nos membres une visibilité claire et précise sur leur portefeuille d’obligations. Chaque investisseur a accès à son tableau de bord lui permettant de visualiser pour chaque investissement le rendement perçu, les coupons payés et à venir, l’échéancier des remboursements, la maturité restante de ses titres, le rapport annuel que nous préparons tous les ans pour chaque dossier, les données financières à jour etc. Le suivi des entreprises que nous finançons et la relation entre investisseurs et émetteurs tout au long de la durée de vie des obligations est pour nous primordiale dans notre stratégie d’offrir à nos membres un service au plus proche de leurs attentes.

BEL : Quels avantages les épargnants peuvent-ils trouver en souscrivant à votre offre ?

JC : Le premier avantage de notre offre est que les épargnants ont une visibilité sur leur portefeuille de placements. Ce sont les épargnants qui choisissent les PME sur lesquelles ils souhaitent investir, cela leur donne un accès direct à des PME identifiées contrairement aux placements classiques de type fonds communs de placement qui regroupent une multitude d’actifs dont il est difficile d’en connaitre précisément la composition.

Le second avantage est que l’investissement sur des obligations de PME permet aux épargnants d’accéder à des actifs concrets, les PME, c’est une contribution et un soutien direct aux entreprises qui font la force de notre tissu économique. Les PME que nous présentons sont accessibles, il est possible de les rencontrer, de les questionner et de connaitre toutes les informations relatives à leurs chiffres et à leur activité. La transparence est au cœur de notre modèle.

Enfin, contrairement aux actions, le crowdfunding obligataire permet aux investisseurs de connaitre dès le départ le rendement attendu et l’horizon de placement car le contrat obligataire propre à chaque entreprise présentée définit en amont le taux d’intérêt fixé, la maturité et les échéances de remboursement. C’est l’intérêt numéro 1 d’une obligation : avant d’investir, chaque épargnant connait le rendement attendu de son investissement.

BEL : Comment informez et sensibilisez-vous les épargnants sur le risque ?

JC : Il est important de rappeler qu’un investissement en obligations ou même en actions n’est pas sans risque notamment si une société se retrouve en faillite et dans l’incapacité d’honorer sa dette. Les placements que nous proposons ne sont pas garantis. Cette prise de risque se traduit par le niveau attractif des taux d’intérêt que nous proposons, le taux d’intérêt rémunère le risque. Il est donc important de raisonner en couple rendement/risque et d’optimiser la diversification de son portefeuille d’investissements.

Chaque personne qui s’inscrit sur notre plateforme est informée, lors du renseignement de son profil, qu’il existe des risques de perte en capital et de liquidité. Puis il est nécessaire de renseigner un questionnaire d’adéquation. Celui-ci comporte 16 questions visant à nous assurer de la situation financière de l’épargnant, de son objectif de placement, de son aversion au risque et de sa bonne compréhension de l’investissement en obligations. Sans validation de ce questionnaire, l’épargnant ne pourra pas investir sur notre plateforme. Notre algorithme nous permet de vérifier la cohérence des réponses renseignées, et si nous constatons que le profil de l’épargnant n’est pas en adéquation avec notre offre, nos systèmes bloquent automatiquement les accès. Environ 5% de nos membres se sont vu leur accès refusé sur notre plateforme.

Par la suite sur les pages de chaque PME que nous présentons et lors de chaque souscription, il est expressément rappelé aux investisseurs qu’il existe des risques. Nous avons également un échange régulier avec nos membres que ce soit par email ou par téléphone. Cela nous permet de vérifier à nouveau leurs objectifs et de nous assurer que nos offres correspondent à leurs attentes.

" Depuis fin 2015, nous avons reçu plus de 360 candidatures d’entreprises " : Jean Carvajal

BEL : Comment sélectionnez-vous les projets des entreprises ?

JC : Depuis fin 2015, nous avons reçu plus de 360 candidatures d’entreprises. Nous en avons étudiés 30%, celles qui nous paraissaient les plus pertinentes, pour en accepter finalement moins de 5%. Nous avons une double démarche de réception de candidatures d’entreprises sur notre site et de prospection directe selon notre politique de sélection et nos critères d’éligibilité. Notre rôle consiste à auditer les entreprises, à les rencontrer et à vérifier la robustesse de leur situation financière et de leur modèle économique. Nous ne visons pas les start-ups mais bien les PME matures qui ont à minima 3 bilans et plus d’un million d’euros de chiffre d’affaires. Notre modèle de notation interne et l’étude des dossiers par nos analystes financiers visent à sélectionner des entreprises qui présentent un profil adéquat et sain. Nous attachons une grande importance à l’analyse fondamentale et à la rencontre avec les dirigeants.

BEL : Des projets viennent de se clôturer fin février. Pouvez-vous nous en parler ?

JC : Nous avons récemment clôturé une émission d’obligations pour la société Ameublys, spécialiste de la location de meubles pour les propriétaires de biens immobiliers et pour les promoteurs de logements neufs. Cette opération résume parfaitement notre positionnement sur une solution de diversification offerte aux PME. La société Ameublys est en plein développement, et pour cela il lui fallait des financements à la hauteur de ses ambitions. Le dirigeant a parfaitement compris qu’une bonne diversification de ses financements lui permettrait de ne pas être en situation de dépendance. La société a ainsi eu recours à un prêt BPI pour le développement sur-mesure de son logiciel de facturation, à des fonds propres pour assoir sa base financière et à un financement obligataire lui permettant d’acheter de nouveaux meubles pour ainsi répondre à la croissance forte de son activité.

" Il est possible que nous ouvrions notre capital, de sorte à renforcer notre position et à accélérer notre développement en France comme à l’international " : Jean Carvajal

BEL : Comment vous situez-vous sur le marché du crowdlending et des FinTech ? Que pensez-vous de la loi qui permet de financer avec des minibons ?

JC : Nous sommes sur un marché de niche, entre le crowdlending qui a vocation à financer des TPE pour des montants maximums de 1.000.000€ grâce à la foule au sens large qui est limité à 2.000€ par prêt, et le crowdequity qui finance essentiellement de jeunes entreprises à fort potentiel et pour lesquels les investisseurs sont prêts à prendre le risque de ne pas avoir de visibilité sur la revente de leurs actions.

Le crowdfunding obligataire a pour vocation de financer des entreprises matures (PME voire ETI) et qui souhaitent passer un cap de taille. Les financements autorisés vont jusqu’à 2.500.000 euros, et les investisseurs sont davantage confirmés, leur souhait étant de diversifier leur patrimoine financier sur des taux rémunérateurs et pour des sommes relativement importantes (supérieures à 10.000€). Le crowdfunding obligataire est en plein essor en Europe, nous pensons que la pérennité et la crédibilité du crowdfunding se joue sur ce segment, sur le financement des PME qui ne sont souvent pas sous les feux des projecteurs, contrairement aux start-up ou aux grandes entreprises qui ont accès à une multitude d’options de financement.

Concernant les minibons, outil qui est ni un prêt ni un titre financier, nous pensons que cela a le mérite d’exister pour offrir une option supplémentaire dans le panel de financement des TPE. Mais il nous semble évident que cela ne peut pas remplacer le formalisme et la crédibilité que peut représenter une obligation pour une PME qui a vocation à sophistiquer sa politique de financement.

BEL : Quelles nouveautés pour 2017 ?

JC : En 2017, nous prévoyons de renforcer nos outils technologiques en poussant davantage l’automatisation de certains processus tout en gardant un aspect humain fort. Continuer à offrir aux PME et à nos membres un service sur mesure et de proximité est pour nous une stratégie forte, la confiance de nos membres représente notre plus grand actif. Notre rôle de Conseiller en Investissements Participatifs est primordial dans notre volonté d’offrir un service haut de gamme. Notre ambition est de présenter plus de projets à nos membres en sélectionnant progressivement des PME plus grandes et des financements proches de 1 ou 2 millions d’euros. Pour cela, nous prévoyons de nouveaux recrutements et bien que nous soyons encore l’une des rares plateformes indépendantes, il est possible que nous ouvrions notre capital, de sorte à renforcer notre position et à accélérer notre développement en France comme à l’international.



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