Quelle confiance dans le crowdlending en 2019 ?

Quelle confiance dans le crowdlending en 2019 ?

Frappé par la faillite d'Unilend et les critiques de l'UFC-Que Choisir, le crowdlending a traversé de sérieuses turbulences à la fin de l'année 2018. Faut-il croire encore dans ce type de placements ? Retour sur les signaux d'alerte et les raisons d'adhérer.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 10 Avril 2019

Faut-il encore croire au Crowdlending ?

Un point sur la finance participative en France

La France compte près de 175 plateformes dont l’activité repose sur le financement participatif (crowdfunding). Pour rappel, le crowdlending est une déclinaison du crowdfunding consistant à faire un prêt pour financer le développement d’une entreprise avec un retour sur investissement. La France est ainsi le pays européen qui recense le plus grand nombre d’acteurs, un dynamisme impulsé en 2014 suite à l’instauration d’un cadre réglementaire.

En 2018, les plateformes de financement participatif ont collecté 402 millions d’euros auprès des particuliers (+20% sur un an) avec des nuances toutefois selon les déclinaisons du crowdfunding. Alors que le don recule légèrement de 2%, le prêt progresse de 40%. C’est toutefois le prêt sous forme d’obligations qui a tiré les chiffres vers le haut, le prêt aux entreprises stagnant. Le prêt sous forme d’obligations est souscrit par les entreprises comme un complément du prêt bancaire traditionnel. Il intervient pour muscler les fonds propres et démultiplier le levier bancaire.

Enfin, l’investissement en capital affiche un net reflux de 19% sous un double effet. Le premier est structurel avec l’arrivée à maturation du marché. L’investisseur arrête de placer son argent pour estimer ses retours, reportant ses placements sur des produits plus courts et moins risqués. Ce report se fait notamment vers les obligations ce qui alimente leur score. De plus, l’arrêt de l’ISF et des avantages fiscaux liés a également eu un fort impact.

Le cas Unilend racheté par PretUp

Le monde du crowdlending a tremblé le 17 octobre 2018 avec un épicentre inattendu : la faillite du pionnier Unilend. Cet acteur représentait alors 15.000 prêteurs pour 33 millions d’euros ayant servi à financer 227 projets. Nicolas Lesur, directeur général d’Unilend, expliquait alors : « N’ayant pas atteint la taille critique pour être rentable, nous avons préféré cesser nos activités, tout en protégeant nos utilisateurs ». Surtout, Unilend a grandement pâti du contexte prolongé des taux bas qui a empêché la start-up de se rémunérer correctement auprès des entreprises emprunteuses.

Le prêt des particuliers aux entreprises était une opportunité au moment où la liquidité manquait et à l’heure où les banques refermaient le robinet du crédit. Or, le contexte s’est totalement inversé avec la politique accommodante de la Banque centrale européenne. Du coup, les entreprises préfèrent souscrire un emprunt bancaire à un taux d’intérêt avantageux plutôt que de passer par un prêt participatif pour lequel le rendement à apporter est en moyenne de 7% par an. Or, Unilend avait pour singularité de ne pas impliquer de fonds institutionnel contrairement aux plateformes concurrentes qui invitent les banques à se joindre aux tours de table.

Face à la faiblesse des enveloppes (80.000 euros en moyenne par entreprise), Unilend a dû privilégier petit à petit la quantité des dossiers plutôt que la qualité. Cette stratégie a conduit à une impasse dont la capitalisation n’a fait que masquer un temps son activité fortement déficitaire et repousser l’échéance fatale. Depuis, Unilend a été racheté par PretUp, autre acteur du crowdlending, filiale du groupe Mentor dont le président, Benoît Michaux, a déclaré : « Cette opération accélère notre croissance dans les solutions de financement digitalisées et nous permet de financer de grosses opérations que PretUp n'aurait pas pu assumer seul ».

Crowdlending : un secteur en mutation

Dans un entretien donnée à la Tribune, Stéphanie Savel, présidente de l'association Financement Participatif France et dirigeante de la plateforme Wiseed, rappelle que si cette « liquidation judiciaire a fait beaucoup de bruits et a généré des titres racoleurs [c’est] normal que dans un secteur jeune il y ait des mouvements d’entreprises. ». Outre le rachat des actifs d’Unilend par PretUp, on peut citer l’acquisition de Prexem par Happy Capital, de Lendopolis et de KissKissBankBank par La Banque Postale, de Lumo par la Société Générale, ou bien de Credit.fr et Humonity par le fonds d’investissement Tikehau Capital.

Pour Stéphanie Savel, « ces acquisitions montrent que les acteurs du financement participatif sont crédibles pour les institutionnels alors qu'il y a quatre ans c'était inimaginable. ». Parmi les autres mouvements enregistrés, Lendopolis a annoncé au mois de mars la suspension des prêts aux TPE/PME pour concentrer ses efforts sur le financement des projets dans l’immobilier et les énergies renouvelables « les deux secteurs les plus porteurs » pour son directeur Nicolas de Feraudy. Cette annonce n’est pas sans rappeler le changement de cap de Smartangels, pionnier du crowdequity qui a basculé son activité vers les services aux investisseurs professionnels.  

Ces mouvements démontrent les secousses d’un marché ultra-concurrentiel dont certaines dérives ont été dénoncées par l’UFC-Que Choisir depuis 2017. L’association de consommateurs a fait un constat alarmant à l’automne dernier stigmatisant la hausse des impayés : un projet sur dix a concédé un retard de paiement de plus de deux mois (mais seulement 5,7% en termes de montant selon Le Revenu). L’UFC-Que Choisir dénonce un modèle « pervers » poussant à « proposer au financement un maximum d’entreprises sans pour autant analyser de manière fiable leur solvabilité ». Sans compter la hausse du taux d’incident en nombre (de 14,29% en 2017 à 20,62% en 2018 chez Lendopolis, 2,03% à 5,11% chez Credit.fr) ou en volume (de 1% à 8,92% fin 2017 sur un an).

Le secteur du crowdlending mute actuellement et les plateformes de crowdlending doivent être vigilantes à attirer suffisamment d'investisseurs particuliers et de porteurs de projet afin de pérenniser leur modèle économique. Et ce d'autant que les banques avancent dans leur transformation numérique. C’est notamment le cas d’October (anciennement Lendix) qui vient de franchir la barre des 100.000.000 euros remboursés aux prêteurs (40% du montant prêté aux entreprises). Dans son communiqué, October rappelle : « Les prêteurs ont d’ores et déjà accompagné 570 projets pour un montant moyen de 460 000 €. Il s’agit d’entreprises de toutes tailles et de tous secteurs d’activité, basées en France, en Espagne, en Italie et aux Pays-Bas. ». Et Olivier Goy, fondateur d’October, de se projeter : « Nous sommes persuadés que ce n’est que le début d’un mouvement massif de diversification des sources de financement des entreprises. ».

 



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