Quand retirer de l'argent devient un enjeu…

Quand retirer de l'argent devient un enjeu…

L'absence de distributeur automatique de billets devient un marqueur de désertification territoriale alimentant le sentiment d'abandon pour la population locale. Mais leur fonctionnement a un coût qui contraint les banques à réduire leurs parcs. D'où l'émergence de solutions alternatives pour les retraits de liquidités
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 14 Aout 2019

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Les Français disposent d’une très bonne accessibilité aux espèces

La Banque de France vient de publier son rapport sur l’état des lieux de l’accès du public aux espèces en France métropolitaine. Le groupe de travail a notamment été chargé de cartographier cet accès afin d’identifier d’éventuelles zones blanches ou, tout du moins, de révéler les écarts entre les territoires sur cette problématique. Concluant à « une très bonne accessibilité aux espèces », les auteurs ont recensé « 53 000 distributeurs automatiques de billets et plus de 23 000 points de distribution d’espèces ». A titre de comparaison à l'échelon européen, la France arrive en troisième position en termes de DAB, devancée par le Royaume-Uni et l’Allemagne, et en sixième position en termes de DAB/nombre d’habitants.

Des logiques de rationalisation en cours

Le principal chiffre à retenir de l’étude est le suivant : 98,9 % des Français âgés de plus de 15 ans habitent dans une commune dotée au minimum d’un DAB ou se situent à moins de quinze minutes en voiture d’une commune équipée. Les personnes qui résident dans une commune n’en possédant pas, ou plus, doivent faire en moyenne un trajet en voiture d’une durée de huit minutes. Ce sont les habitants des communes de moins de 2000 habitants qui sont concernées. Paradoxalement, si le parc de DAB s’est appauvri (55 629 fin 2015, contre 52 697 fin 2018), cette baisse intervient dans les territoires peuplés selon une logique de rationalisation. Sur la période, La Banque Postale est le seul établissement bancaire à avoir étendu son réseau d’automates.

Des territoires plus concernés par la désertification bancaire

La carte de l’accessibilité aux espèces en France distingue l’Ile-de-France et les départements disposant d’une grande métropole régionale très bien équipés des départements ruraux. Evidemment, les communes de moins de 500 habitants ne sont pas équipées par logique de coûts d’exploitation (14 000 euros par automate). Au final, « 3,6 millions d'habitants âgés de 15 ans et plus vivent dans une commune équipée d'un automate unique, tandis que 31 millions d'habitants vivent dans une commune comptant plus de 5 automates ». La problématique s'accentue pour les maires des communes qui font tout pour que le seul DAB ne disparaisse pas, devenant un totem d’attractivité des territoires.

Le gouvernement attentif à la future gestion du cash

Suite au mouvement social des Gilets jaunes, le gouvernement reste vigilant malgré un état des lieux positif. Agnès Pannier-Runacher, Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, rappelle que la question de la gestion du cash est incontournable « à un moment où les cartes bancaires conduisent à dématérialiser les paiements ». Elle renchérit : « Il faut accompagner ça en s’assurant que nous pouvons disposer de multiples points sur le territoire, qu’il s’agisse de La Poste, des Points verts du Crédit Agricole, des nouvelles technologies ou du « cash back » que nous avons autorisé pour les commerçants, pour s’assurer qu’au plus près des territoires les plus vulnérables disposent de cet accès ».

Brink’s France déploie ses Points Cash Village

Les prestataires en charge de la gestion des DAB en France cherchent aussi des solutions. C’est le cas de Brink’s qui a installé, ce 19 juillet, un premier DAB exploité en propre dans la commune de Locmaria-Plouzané, située à quelques encablures de Brest (Finistère). Son maire cherche à renforcer son activité commerciale en revivifiant le centre-bourg, mais aussi à plaire aux personnes âgées en demande : « La mise en place d'un distributeur permet de renforcer le dynamisme des commerces. Cela attire des gens ». Toutefois, ce « Point Cash Village » mobilise un budget de 1500 euros par mois (coûts d’installation et d’exploitation facturés par Brink’s).

Vers une hausse de la commission interbancaire des retraits

Si Brink’s « innove avec un modèle de service qui abaisse le coût d'exploitation et par là le seuil de rentabilité pour l'installation et le maintien d'un distributeur », les banques veulent augmenter la commission de retrait, soit le montant versé par la banque du client à la banque chez qui ce dernier a effectué un retrait. Le Groupement des Cartes Bancaires (GIE CB) souhaite faire passer cette commission de 0,57 euro à 1 euro. Les banques prétextent que le coût des DAB progresse constamment, au moment où leur utilisation faiblit suite à l’apparition d’autres moyens de paiement (carte bancaire sans contact, paiement mobile, paiement instantané). Et Michel Ganzin, président du conseil de direction du GIE CB, d’expliquer que « l’idée n’est pas de gagner de l’argent mais de neutraliser les coûts. ».



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