Assurance-vie : les mesures pour inciter à prendre plus de risques !

Assurance-vie : les mesures pour inciter à prendre plus de risques !

« Vestige d'un passé révolu » pour Allianz France, modèle « à bout de souffle » pour Generali France. Les compagnies d'assurance emploient des mots chocs pour marquer les esprits des épargnants et leur signifier que l'actuelle assurance vie en fonds euros, c'est terminé.
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Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 01 Octobre 2019

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La collecte de l’assurance vie en fonds euros toujours dans le vert

2,1 milliards d’euros, c’est la collecte nette atteint au mois d’août par l’assurance vie. Au total, l’encours de l’assurance vie sur les neuf premiers mois de l’année 2019 s’élève à 19,4 milliards d’euros, un score supérieur par rapport à l’an dernier sur la même période (16,5 milliards d’euros). Enfin, l’encours global des contrats d’assurance vie poursuit sa progression (+4 %) et grimpe à 1 765 milliards d’euros. Alors, tout va bien dans le meilleur du monde ? Pas vraiment.

Avec le basculement des taux obligataires en négatif depuis le mois de juin, la question de la rentabilité des fonds en euros garantis est irrémédiablement remise sur le tapis. En 2018, le taux moyen servi était de 1,83 % (hors prélèvements sociaux), selon les données du régulateur, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Et en 2019 ? Cyrille Chartier Kastler, expert indépendant, fondateur du site d'informations Goodvalueformoney, penche clairement pour une baisse sensible « de l’ordre de 40 centimes par rapport à 2018 ».

Le capital liquide et garanti, un casse-tête pour les assureurs

Les fonds euros garantis et liquides continuent d’attirer la majorité des flux d’épargne sur ce produit. Or, malgré les réserves (provision pour participation aux bénéfices), le renouvèlement moyen annuel de 15 % du portefeuille obligataire arrivant à échéance des compagnies d’assurance pèse sur le rendement dans ce contexte de taux négatifs. D’ailleurs, Bernard Delas, vice-président de l’ACPR, dans un entretien à l’Argus, a déclaré que « les taux bas sont un sujet de préoccupation majeur », ajoutant qu’il faudra que les assureurs habituent « étape par étape leurs clients à prendre du risque ».

Un avis rapidement repris par Generali via la voix de son PDG, Jean-Laurent Granier, dans Les Echos : « On est entré en terrain inconnu et on se prépare à ce que cela dure. Nous croyons plus que jamais à l'assurance-vie mais compte tenu de cette situation sans précédent, il faut revisiter le modèle d'épargne. Le modèle de la sécurité absolue, de la liquidité permanente, de la garantie totale et à tout instant du capital, qui est finalement une réplication du modèle du Livret A, est à bout de souffle. Le monde du fonds euros roi est terminé ! ».

Une baisse sensible des rendements à venir

Même son de cloche pour Allianz France. Membre du comité exécutif, Sylvain Coriat abonde : « Nous faisons partie de ceux qui pensent que le fonds euros est un vestige d'un passé révolu où les taux d'intérêts étaient positifs et qu'il faut lui substituer un produit qui soit durablement attractif dans le contexte financier actuel. Ce ne peut pas être seulement des fonds euros avec davantage d'unités de compte (UC) ou d'eurocroissance ».

Et les assureurs de marquer le coup en baissant significativement le rendement du fonds en euros à capital garanti en 2019, à l’instar de l'annonce faite par le Crédit Agricole Assurances. Hugues Aubry, membre du comité exécutif de Generali, précise : « Jusqu'à présent, le marché baissait par des petites marches de 10 ou 20 points de base. Nous irons bien au-delà. C'est une question de responsabilité et de pédagogie vis-à-vis de nos clients. Les points de repère ont radicalement changé ».

Le fond eurocroissance comme alternative ?

L’idée est donc d’inciter les Français à prendre plus de risque. C’est le cas avec le fond eurocroissance promu par la loi Pacte, qui se positionne en tant que solution intermédiaire entre les fonds euros et les unités de compte. La garantie du capital n’est plus totale (80 % à 90 % du capital) et dépend d’une condition de durée d’engagement. Mais le produit peine à convaincre.

La Loi Pacte allège sa complexité pour en faire « une forme d'UC structurée avec une prise de risque endossée par l'assureur et non l'assuré », dixit Fabrice Bagne, responsable de BNP Paribas Cardif France, qui ajoute que les performances, « désormais basées sur un rendement annuel unique, seront susceptibles d'être bonifiées en fonction de la durée d'engagement et du niveau de couverture, selon que le capital est garanti à 100 %, 90 %, 80 %, etc. ».

Assurance vie en fonds euros : vers des barrières à l’entrée

Pour inciter les épargnants à se diriger vers des produits plus risqués, Generali France stoppe la commercialisation de deux fonds euros (France 2, Euro Innovalia) et pense mettre des barrières à l’entrée, toujours sur le fonds euros, en obligeant 60 % des nouveaux flux à se diriger sur des unités de compte. Autre piste de réflexion en 2020 : rétablir des frais d’entrée.

Allianz France emboite le pas avec l’obligation d’investir 50 % des nouveaux flux, dès le 1e octobre, pour les clients désireux de placer plus d’un million d’euros (jusqu’à 90 % en UC pour les versements supérieurs à dix millions d’euros). D’autres mécanismes sont envisagés comme la participation aux bénéficies différée ou les bonus de fidélité. Et certains mouvements se perçoivent comme le développement des fonds ISR (investissement socialement responsable) et l'investissement en valeurs non cotées véhiculées par l'achat de parts de FCPR (fonds commun de placement à risque).

Toutefois, le travail de pédagogie et de conseil reste à faire. En 2019, la part des unités de compte ne représente que 24 % des cotisations brutes contre 30 % avant l’été 2018. Depuis, la chute des marchés boursiers de décembre dernier a réveillé la fourmi qui sommeille en chaque Français.



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