L'euro en passe de devenir une devise refuge

L'euro en passe de devenir une devise refuge

En 2019, le volume d'emprunt en euros des entreprises non européennes a dépassé le volume d'emprunt en dollars des entreprises non américaines. C'est une première historique qui laisserait à penser que l'euro devient une monnaie refuge à l'instar du yen japonais.
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Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 24 Janvier 2020

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Les taux bas attirent les émetteurs étrangers en euros

152 milliards d’euros, c’est la somme empruntée par les entreprises non domestiques en 2019. Ce montant est donc supérieur aux 132 milliards de dollars empruntés sur le marché obligataire par les entreprises internationales hors Etats-Unis. Cette singularité ne reflète pourtant qu’une tendance de fond déjà auscultée par la Banque centrale européenne (BCE) en juin dernier. L’instance relevait une progression de deux points de pourcentage sur les levées opérées par les financements internationaux en euros.

La raison principale est sans conteste l’accentuation puis le maintien de la politique de taux bas par la BCE. Conséquence : les emprunteurs étrangers se sont rués sur l’euro comme solution de financement très attractive. Apple a émis deux milliards d’euros de green bonds (obligations vertes permettant de financer des projets ayant un impact positif sur l’environnement), Coca-Cola 3,5 milliards et IBM 4 milliards. Evidemment, les taux bas ne sont pas le seul levier, les entreprises américaines étant aussi enclines à lever des financements en euros pour leurs activités.

L’euro corrélé aux orientations des marchés

Pour George Saravelos, stratège à la Deutsche Bank interrogé par Les Echos, « la zone euro émerge comme la pourvoyeuse de liquidités du système financier mondial, remplaçant lentement le rôle jusqu’ici occupé par le dollar ». Car l’attrait pour l’euro des investisseurs étrangers, des fonds souverains et des banques centrales n’est dû ni à l’activité économique toujours en berne ni au marché obligataire très peu attrayant (taux négatifs). Tout simplement, l’euro est moins cher que le dollar.

Le mécanisme est le suivant : les investisseurs non européens empruntent en euros à un prix avantageux, puis les revendent afin d’investir sur d’autres marchés obligataires plus rentables. Ce circuit cantonne l’euro en devise refuge. Comme le yen au Japon, son cours suit l’humeur des marchés. Des actions en hausse et la valeur de l’euro baisse. Des incertitudes s’amoncèlent et la valeur de l’euro remonte. Quant aux acteurs européens qui exportent aux Etats-Unis, ils préfèrent déposer les dollars récupérés dans les banques américaines car leur rémunération est plus intéressante.

Un début d’année qui accrédite la thèse de la devise refuge

La corrélation entre la valeur de l’euro et les marchés est illustrée en ce début d’année 2020. Au cours des deux premières semaines de l’année, le contexte macro-économique mondial s’est amélioré malgré le conflit entre les Etats-Unis et l’Iran. Les investisseurs ont bien accueilli l’accord commercial entre la Chine et les Etats-Unis, et les publications rassurantes sur l’état de l’économie américaine (hausse des ventes de détail en décembre, recul des demandes d’indemnisation chômage, consolidation de l’indice manufacturier de la Fed de Philadelphie).

Dans cet environnement favorable pour les marchés, le dollar s’est renforcé par rapport aux autres devises de référence, alors que l’euro refluait de 0,7% face au billet vert. C’est un élément factuel à mettre au crédit de la thèse soutenant que l'euro devient une devise refuge. D’autant que l’économie de la zone euro est plutôt amorphe, avec un horizon nébuleux nourri par une croissance ralentie en Allemagne, voire atone en Italie. La Commission européenne estime à 0,4% la croissance du PIB transalpin en 2020, après 0,1% en 2019.    



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