Banques et courtiers, un attelage qui se distend

Banques et courtiers, un attelage qui se distend

La faiblesse des taux de crédit immobilier contraint les banques à réagir. Hausse du volume de production de crédits, négociation à la baisse des commissions des courtiers immobiliers, et même tentation de pousser leur assurance-emprunteur maison, le marché de l'intermédiation est en ébullition.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 30 Janvier 2020

Banques et courtiers, un attelage qui se distend

Les courtiers immobiliers sous la pression des banques

Le premier coup de semonce est parti du Crédit Agricole du Languedoc qui a décidé de zapper ses apporteurs d’affaires. Le but : récupérer de la rentabilité sur un produit populaire en s'allégeant de la commission versée aux acteurs du courtage immobilier (1% du montant du crédit). Et les autres établissements bancaires de lui emboiter le pas. C’est le cas des Caisses d’Epargne (groupe BPCE) qui ont ouvert des négociations serrées, avec pour objectif de diviser par deux la rémunération des courtiers immobiliers dans certaines villes de province. Le Crédit Agricole du Val de Loire aurait même osé proposer une commission ramenée à 0,2%.

La valse du marché de l’intermédiation

Négocier la baisse du niveau des commissions revient pour certains à mettre la clé sous la porte, quand d’autres y décèlent un moyen à peine voilé de se passer d’intermédiaires. Les courtiers immobiliers organisent donc la riposte. Fraichement arrivé à la présidence de l’APIC (association professionnel des courtiers), depuis le 14 janvier dernier, Bruno Rouleau, rappelle : « Pour ce qui concerne l’arrêt des relations avec certains établissements bancaires, ça a été de tous temps de voir des banques sortir et revenir sur le marché de l’intermédiation. Et on s’aperçoit avec le recul qu’une fois restaurées leurs marges, elles sont en mal de nouveaux clients. ».

Les courtiers franchisés malmenés

Du côté des banques, c'est la baisse des taux qui justifie ces demandes pour que les intermédiaires vendent leurs frais de dossier et acceptent de réduire leurs règles de commissionnement. L’APIC va donc transmettre un guide des bonnes pratiques afin d’anticiper d’éventuels abus de position dominante de la part des banques. C’est particulièrement vrai pour les franchisés des réseaux VousFinancer, MeilleursTaux et Empruntis, plus vulnérables. Certains ont d’ailleurs déjà cédé aux banques pour conserver leur relation commerciale. Au grand dam de l’APIC qui réfléchit à délivrer un courrier de pré-contentieux aux « caisses prêts à dénoncer de manière brutale et unilatérale leur engagement commercial ».

35% de la production de crédits immobiliers vient du courtage

Reste que « le courtage en crédit représente plus de 35% des crédits immobiliers distribués par les banques » dixit Bruno Rouleau (jusque 60% en région parisienne), sur un volume global d’emprunts immobiliers accordés, en 2019, de 250 milliards d’euros. Car la production de crédit immobilier est dynamique. Les taux bas attirent les ménages (souscription d’un prêt immobilier, renégociation de crédit), ce qui facilite le travail de conquête client des banques en direct. La position des groupes bancaires reste toutefois délicate face aux taux bas qui rognent leur marge. Deux solutions : supprimer ou abaisser les frais d’intermédiation ou augmenter la production de prêts immobiliers. C’est tout le paradoxe puisque les banques, pour distribuer toujours plus de produits, ont besoin…des apporteurs d’affaires.

L’épineux cas de l’assurance emprunteur

Autre sujet mis sur la table au cours de ce conflit entre banques et courtiers immobiliers : l’assurance emprunteur. C’est la chasse gardée des établissements bancaires, qui détiennent 85% de part d'un marché estimé à 9 milliards d’euros. Or, l’emprunteur peut choisir l’assurance emprunteur de sa banque (contrat groupe) ou une assurance individuelle (délégation d’assurance). Résultat : les banques font pression pour que les courtiers valorisent leur produit maison, alors même que la vente liée est proscrite par la loi. Astrid Cousin, porte parole du comparateur d'assurances Magnolia, explique que « des courtiers se voient refuser des dossiers de renégociation d’assurance emprunteur. Les banques (…) ont besoin de l’assurance emprunteur car c’est là qu’elles récupèrent ce qu’elles perdent, avec des marges de plus de 70 % sur les assurances ».

Réduire la dépendance aux banques

Bruno Rouleau estime que l’année 2020 sera synonyme de décélération de la machine de production de crédits immobiliers, notamment pour deux raisons : « la raréfaction des biens de qualité et immédiatement emménageables » et le durcissement des conditions d’octroi des prêts, suite aux recommandations du Haut Conseil à la stabilité financière (HCSF). Celles-ci incitent « à respecter scrupuleusement le taux d’endettement de 33% des particuliers, à limiter la durée initiale des prêts consentis à 25 ans et à réduire les volumes de production des crédits au-delà de 100% de la valeur du bien ». L'activité devrait néanmoins être dynamique en 2020, ce qui n'empêche pas les courtiers de miser sur la diversification de leur activité (assurance, épargne, crédits conso, solutions de regroupement de crédits) pour atténuer leur dépendance aux banques.

Mais les courtiers peuvent surtout s'appuyer sur les atouts appréciés des clients (conseils, accompagnement, informations, expertise, neutralité), soit une qualité de service que les banques auront du mal à concurrencer alors même qu'elles taillent dans leurs effectifs. Ce qui fait dire au président de l’APIC que le client « aura sans aucun doute besoin, plus que jamais, de compétence et d’écoute pour l’aider à appréhender cette liberté. Or les courtiers offrent cette neutralité et cette vision panoramique des offres et solutions bancaires dont a besoin le client pour réaliser ses projets. ». L'attelage de raison plus que de passion semble, cahin-caha, parti pour durer.



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