Le paiement sans contact booste l'utilisation de la carte bancaire en zone euro

Le paiement sans contact booste l'utilisation de la carte bancaire en zone euro

Le secteur du paiement bouillonne entre solutions innovantes, arrivée des géants de la tech et changement des comportements. En ces temps de pandémie, la carte bancaire poursuit son ascension dans les usages, y compris dans un pays comme l'Allemagne culturellement pro cash. Décodage.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 24 Septembre 2020

Le paiement sans contact booste l

Les chiffres 2019 des paiements scripturaux en zone euro

La banque centrale européenne a récemment fait paraître les chiffres actualisés de 2019 au sujet des paiements scripturaux*. Ces derniers sont en croissance de 8,1% sur un an. Les paiements scripturaux* représentent 98 milliards d’euros pour une valeur totale de 162 100 milliards d’euros. Les opérations par cartes bancaires (CB) constituent 48% de ces paiements, contre 23% pour les virements et 22% pour les prélèvements. Seul le chèque, faiblement utilisé comparativement en zone euro, semble réellement reculer sur la dernière décennie.

En 2019, la BCE indique que le nombre de cartes de paiements émises est en augmentation de 5,5%. Ramenées à la population de la zone euro, les 572 millions de CB indiquent qu’un habitant possède en moyenne 1,7 carte. L’institution calcule que le rapport entre les opérations par voie électronique et celles établies sous forme papier est de 1 à 13 en faveur des premières citées. Autres données intéressantes : le parc de distributeurs automatiques de billets (DAB) s’est contracté de 3,5% pour se fixer à 310 000 unités sur le Vieux-Continent. Parallèlement, le nombre de terminaux de points de vente a grimpé de 8,1% en 2019, soit 11,7 millions de TPE.

Accès à la CB plus facile et essor du paiement sans contact

La crise sanitaire va indéniablement servir d’amplificateur. Les paiements sans contact (dont le plafond est passé de 30 à 50 euros) et les paiements mobiles gagnent du terrain à l’heure de la distanciation sociale et des gestes barrières. Toutefois, la hausse des paiements par CB est une tendance qui ne cesse de s’accélérer avec une inflexion perceptible depuis 2014. Le développement des banques mobiles et banques en ligne n’est pas étranger à ce mouvement de fond (carte bancaire gratuite parfois sans condition de revenu), tout comme l’intérêt des Big Tech pour le secteur des paiements. Celui-ci se traduit depuis quelques années par les solutions de paiement mobile (Apple Pay, Google Pay, Samsung Pay) que les acteurs français tentent de concurrencer (Paylib, Lyf Pay).

Cette puissance montante est moins marquée quand on observe le total des paiements : 2 000 milliards d’euros par CB sur 162 000 milliards en tout. Ce chiffre s’explique par la relative modestie des montants payés : 42 euros en moyenne par opération. Une des premières victimes est le chèque même si la France fait office d’exception culturelle puisque l’hexagone cumule 70% des émissions en zone euro. Autre victime collatérale : le cash avec comme preuve la contraction du réseau de DAB sur le territoire qui accentue parfois le problème de désertification des services dans certains territoires (ruraux comme banlieues urbaines).

Les paiements par carte : le rattrapage allemand

Emanation du Groupement des Cartes Bancaires, l’observatoire CB est au plus près des tendances de la consommation des ménages à travers l’analyse des paiements par CB en France. Malgré leur affection pour le chèque ou le cash, la carte bancaire est bien le moyen de paiement privilégié par les Français : 60% de la consommation courante des ménages. En 2019, leur nombre a grossi de 8,8% et de 6,4% en valeur grâce au paiement sans contact (+56,5% et 3,4 milliards de paiement !). Au cours du premier semestre 2020, l’impact du confinement s’est fait sentir : même trajectoire en janvier et février, puis gros ralentissement en mars (+0,8% par rapport à mars 2019) et en avril (+0,6%).

Les paiements sans contact n’ont pas décéléré avec une augmentation de 29,1% en nombre de transactions. Un succès également perçu en Allemagne où le cash doit être détrôné en 2020 par la carte bancaire selon le cabinet britannique Euromonitor International. C’est une « première historique (…) un changement brutal du comportement [des Allemands] pour des raisons d’hygiène ». L’effet Covid-19 a eu raison des réticences (surveillance et traçage des données) dans un pays où le groupe Schwarz (Lidl, Aldi) refusait jusqu’en 2015 le paiement par CB.

Le cash toujours plus en danger ?

Les règles d’hygiène ne sont pas les seules à aboutir à ce basculement outre-Rhin. Euromonitor International rappelle que les consommateurs allemands ont de plus en plus confiance « dans la protection de leur vie privée dans leur usage des cartes ». Le cabinet d’étude estime que les paiements par carte devraient grimper de 28% sur la période 2019-2025 aux dépens des espèces qui devraient s’effondrer de 34%. Interrogé par Le Temps en mars dernier, le professeur à l'institut IFZ de la Haute Ecole de Lucerne, Andreas Dietrich, expliquait que « la crise actuelle pourrait fortement changer le comportement des consommateurs. Déjà parce qu'ils en sont contraints – on ne change pas «juste comme ça» – et qu'ils pourraient se rendre compte de l'aspect pratique et rapide.».

Les chiffres allemands illustrent bien ce propos tout comme l’adoption massive des Japonais depuis un an suite à une décision politique, entrainant une possible pénurie des numéros de cartes bancaires ! Même son d'ambiance début septembre, quand le journal Les Echos se fendait d’un article au titre évocateur : « Comment les banques centrales préparent la fin du « cash » et l'avènement des devises 2.0 ? ». Car le cash et la carte physique ou dématérialisée doivent subir les assauts des devises digitales et autres cryptomonnaies. Une problématique sur laquelle planchent les banques centrales et que résolvent déjà certains pays émergents.  

Va-t-on vers une société sans cash au profit des cartes bancaires ? La réponse est forcément plus complexe quand on voit que la Suède en est revenue. D’une part, une étude de la BCE montre que les personnes n’ayant pas accès à une CB peuvent représenter jusqu’à 10% de la population dans certains pays. Le cash est alors l’unique solution de paiement. Son abandon signifierait l’exclusion de cette population du système. D’autre part, la carte bancaire n’est pas à l’abri d’être court-circuitée à son tour par les moyens de paiement dématérialisés à l’image de ce qui se passe en Chine où AliPay et WeChat Pay testent déjà le paiement par reconnaissance faciale.

Pour aller plus loin

*Les paiements scripturaux, qu'est-ce que c'est ? 

Les paiements scripturaux sont tous les moyens de paiement autres que les billets de banque et pièces de monnaie, c'est à dire les espèces, qui sont également appelées la monnaie fiduciaire. Les paiements scripturaux regroupent donc tous les paiements par carte bancaire, les prélèvements, les virements, les paiements mobiles, les chèques...



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