Vers une expérimentation de l'euro numérique par la BCE

Vers une expérimentation de l'euro numérique par la BCE

Recul du cash, explosion des paiements dématérialisés, arrivée de nouveaux acteurs, souveraineté monétaire : la BCE planche sur plusieurs scénarios et évalue l'intérêt de lancer un euro numérique. L'Eurosystème consulte et expérimente mais corsète le sujet en matière de réglementation pour les acteurs privés.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 09 Octobre 2020

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Euro numérique : la BCE se prépare

Le groupe de travail de l’Eurosystème, qui réunit la Banque centrale européenne et les banques centrales nationales des membres de la zone euro, a publié son rapport le 02 octobre dernier au sujet de l’émission d’un euro numérique. Cette solution « s’imposerait » dans quatre scénarios : l’augmentation exponentielle des paiements digitaux, l’abandon massif du cash par la population, l’adhésion des consommateurs à une monnaie numérique privée type Libra de Facebook, ou le lancement d’une monnaie numérique par une autre grande banque centrale en particulier la Chine.

L’idée pour la BCE est d’éviter de se laisser déborder afin que la monnaie européenne et la souveraineté de l’Union européenne ne soient pas menacées. Du côté de Christine Lagarde, Présidente de la BCE, on rappelle que le rôle de la BCE « consiste à préserver la confiance dans la monnaie. Cela suppose de veiller à ce que l'euro soit adapté à l'ère numérique. Nous devons nous tenir prêts à émettre un euro numérique si cela s'avère nécessaire ». Cet euro numérique viendrait en complément des liquidités actuelles.

Gestes barrières et consommation en ligne : des paiements numériques en plein essor

Les pistes suivies par le groupe de travail sont plurielles. Le système pourrait être décentralisé via la technologie blockchain. La BCE utilise déjà cette technologie pour d’importants montants avec la Banque du Japon. Le système pourrait aussi être centralisé, la BCE exploitant déjà le système d’infrastructures de paiements TIPS pour les transferts d’argent instantanés en ligne. A la BCE, on affirme que « rien n’est tranché [et qu’il] pourrait aussi s’agir d’une combinaison des deux ».

Dès le 12 octobre débute la phase de consultation publique et d’expérimentation qui s’étendra sur plusieurs mois. Des tests sont donc rapidement mis en place pour tenir compte de l’évolution des besoins et des comportements en matière de paiement. Ainsi, en septembre, le nombre de transactions sans contact a bondi de plus de 65% en France, par rapport au mois de septembre 2019.

La monnaie numérique, nouveau pion sur l’échiquier géopolitique

Et la concurrence annonce la couleur puisque la banque centrale chinoise a affirmé que la monnaie numérique représente « le nouveau champ de bataille » dans la lutte entre Etats. De leur côté, les banques centrales des Etats-Unis, du Japon et d’Angleterre se veulent plus prudentes. Ce qui n’empêche pas les banques privées d’exploiter sérieusement le filon des cryptomonnaies. Outre-Atlantique, les banques commerciales américaines disposent désormais de la capacité juridique pour émettre des stablecoins. Autrefois très réticente, JP Morgan déploie des services au Bitcoin, alors que Goldman Sachs songe sérieusement à s’aligner.

En Europe, l’environnement est pour l’heure cadenassé. Le récent projet de réglementation impose d’avoir des agréments nationaux pour l’émission de stablecoins, des agréments encore à définir comme se désole Claire Brava, CEO de Blockchain Partner dans une tribune. Et de s’inquiéter d’un retard de l’Europe dans ce secteur d’innovation : « Si les plus grands stablecoins sont ceux indexés sur le dollar, cela augmente l’utilisation de cette monnaie hors du territoire américain, soumettant ainsi des acteurs européens à la réglementation américaine, à leur politique monétaire, et au risque de change entre dollar et euro ».

Un euro numérique qui soulève des questions

Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE et président du groupe de travail, apparaît dans les mots au moins sur la même ligne : « Les technologies et l’innovation font évoluer nos modes de consommation, de travail et de communication. Un euro numérique soutiendrait les efforts de l’Europe visant à stimuler continûment l’innovation. Par ailleurs, il contribuerait à notre souveraineté financière et renforcerait le rôle international de l’euro. »

De son côté, la BCE précise qu’un « euro numérique protégerait le bien public que l’euro offre à tous les citoyens, à savoir un accès gratuit à un moyen de paiement simple, crédible, sans risque et universellement accepté. Il poserait également plusieurs défis, que l’Eurosystème peut relever avec des stratégies de conception adaptées. »

Parmi ces défis, on retrouve le traçage des paiements vis-à-vis de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ou encore la stabilité du système financier. Sur cette dernière problématique, il s’agit de ne pas inciter les citoyens à transférer leurs dépôts des banques commerciales vers la BCE. Parmi les solutions envisagées : fixer un plafond de dépôt en euros numériques ou bien les taxer. Les consultations publiques sont ouvertes.



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