Le secteur des néobanques sous tension : l'exemple Monzo

Le secteur des néobanques sous tension : l'exemple Monzo

5 millions, c'est le nombre de clients acquis par la néobanque britannique Monzo. Malgré une levée de fonds supplémentaire de 67 millions d'euros en juin 2020, le pure player connaît pourtant de sérieuses secousses et de lourdes pertes économiques avec la crise sanitaire. Décryptage.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 12 Février 2021

La néobanque Monzo est sous tension financière

Monzo en apnée, manque de liquidités

La néobanque Monzo se débat actuellement avec la crise sanitaire. Son modèle économique, déjà fragilisé, suscite de sérieuses interrogations dans un marché très concurrentiel au Royaume-Uni où Revolut et Starling Bank tracent leur route. Pourtant, Monzo représente un portefeuille de 5 millions de clients et continue d’attirer les investisseurs.

Preuve en est avec le tour de table en juin 2020 qui a permis de récolter 67 millions d’euros avec, comme convives, des acteurs déjà engagés (Orange, Y Combinator, General Catalyst, Thrive, Passion Capital, Accel, Stripe, Goodwater) et de nouveaux venus qui ont mis au pot (Reference Capital et Vanderbilt University).

Une deadline au deuxième trimestre 2021

Problème : ce tour de table a été perçu comme un très mauvais signal par les marchés. La valorisation de Monzo a alors dévissé de 40%. La raison : l’aveu d’un manque de liquidités. Le Financial Times indiquait que le géant SoftBank pourrait ne pas tenir la promesse d’un financement convenu. La néobanque n’aurait alors pas suffisamment de liquidités pour tenir jusqu’au deuxième trimestre 2021. Une période critique qui doit correspondre au passage du seuil de rentabilité.

D’autres preuves plus tangibles nourrissent ces craintes : une vague de licenciements, la fermeture de son service support de Los Angeles, le départ de son cofondateur et PDG Tom Blomfield. Celui-ci, ancien de Starling Bank, reconnaissait que la pression du contexte sanitaire et économique était un déclencheur de sa décision.

Des rentrées d’argent en berne : la crise mais pas que

Mais, déjà en 2019, les résultats financiers n’étaient guère emballants : gain de 67,2 millions de £ pour 113,8 millions de £ de perte. Ce qui fit dire au cabinet d’audit EY que la situation préoccupante présentait des « incertitudes significatives (…) qui pourraient jeter le doute sur la capacité du groupe à continuer son entreprise en cours ».

Contrairement à ses deux concurrents, Monzo n’a pas réussi à convertir ses comptes bancaires premium pour extraire de la valeur de son portefeuille clients. Pire, la pandémie a stoppé le trafic de voyageurs et, par là, les ressources de Monzo provenant des commissions sur les transactions en devises. L’établissement a aussi reporté le lancement de son offre premium payante. Et sa récente offre dédiée aux clients professionnels n’a pu que sauver les meubles.

Xinja, Bo : d’autres néobanques en difficulté

L’analyste bancaire de GlobalData, Katherine Long, rapproche le cas Monzo de celui de la néobanque australienne Xinja qui a baissé pavillon l’an dernier : « Pour Monzo, le problème est très similaire [à Xinja]. L’établissement a lancé un compte courant de premier plan qui ne génère pratiquement aucun revenu ». Et de rappeler que « Xinja n’a pas donné de priorités dès le début, essayant de créer un avenir durable avec des produits générateurs de revenus. ».

Son pivot a été trop lent, et le lancement de services patrimoniaux et d’offres de prêts à la consommation trop tardif. Monzo a commis la même erreur en restant sur un positionnement low cost d’offre simplifiée, uniquement porté par les paiements des clients. C’est un problème rencontré par d’autres néobanques comme l’américaine Radius Bank (1,4 milliard d’encours en 2020), concurrencée par Square (application de paiement) et finalement rachetée par LendingClub (financement participatif).

Modèle économique : le rachat ou l’offre payante diversifiée

C’est d’ailleurs tout le modèle des banques mobiles qui est interrogé à travers les cas Monzo, Xinja ou Radius Bank. La néobanque Bo, filiale de RBS, a carrément fermé au bout de 5 mois, incapable de trouver une place sur le marché britannique. Un fait qui n'est pas sans rappeler N26 qui a renoncé à s’y implanter. Bo n’a pu faire face à la chute spectaculaire du volume des transactions comme d’autres acteurs majeurs forcés de s’adapter en urgence. N26 a ainsi opté pour le chômage partiel, alors que Revolut a transformé une partie des salaires en actions.

Pour survivre et croître, les néobanques sont contraintes de se différencier. Revolut mise sur une offre innovante (cryptomonnaies, cashback, bourse) et un gros volume de clients (13 millions). Mais c’est Starling Bank (1,9 million de clients) qui redonne le sourire au secteur puisque la banque mobile est rentable. L’établissement s'appuie sur la distribution de solutions de crédit et a convaincu 30% de ses clients d’en faire leur banque principale. De quoi aiguiser l'appétit des grands groupes bancaires. D’après The Times, JP Morgan et Lloyds seraient tentés par son acquisition.

Le rachat justement, c'est une destinée possible des néobanques comme l’illustrent les cas de Shine avec La Société Générale ou Anytime avec Orange Bank. On aurait pu rappeler le cas plus ancien de Nickel appartenant désormais à BNP Paribas. Une autre voie est la reconversion comme Xinja devenu la plateforme de trading Dabble. Cette inévitable consolidation du secteur des néobanques s’accompagne aussi d’une stratégie de diversification de l’offre et de l’abandon progressive de la gratuité pour atteindre le seuil de rentabilité. Aux clients de suivre ce mouvement. Ou pas.



Articles les plus consultés

Patrimoine
Construire son patrimoine
L'actualité patrimoine