ING : fin de course en vue après plus de 20 ans de présence en France

ING : fin de course en vue après plus de 20 ans de présence en France

La banque en ligne ING fait face à de nombreuses difficultés qui l'obligent à mener une révision stratégique. Politique des taux bas, hausse de la réglementation, concurrence agressive : l'établissement ne parvient pas à atteindre le seuil de rentabilité pourtant visé fin 2020. Décryptage.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 25 Juin 2021

Est-ce la fin de la banque en ligne ING ?

ING France : en route pour le cimetière des banques en ligne ?

Le secteur bancaire voit se télescoper deux actualités assez négatives pour la banque de détail en France. Après l’annonce par HSBC France de la cession de ses activités au fond d’investissement américain Cerberus, c’est autour d’ING France de se questioner sur la pertinence de poursuivre sa présence. Les deux établissements se sont positionnés en même temps, en 2000, et font le même constat 20 ans après : les débouchés dans le banque de détail en France sont limités.

Si HSBC pâtit de sa lourdeur informatique et de ses coûts structurels élevés, la banque en ligne ING succombe au fait de ne pas avoir su convertir sa clientèle emmagasinée au fil des ans vers des produits plus rémunérateurs. La banque en ligne avait pourtant réussi une percée au cours des années 2000 avec son Livret d’épargne Orange et son taux survitaminé. L’effet de banque directe a également joué en sa faveur pour capter une clientèle technophile. Mais le terrain a vite été occupé par de nouveaux concurrents.

La pugnacité des banques en ligne de première génération (Fortuneo, Monabanq, Boursorama Banque) et l’arrivée de nouveaux entrants (BforBank, Hello bank!) ont obligé ING à développer son offre de produits et de services bancaires. Le compte courant a été commercialisé en 2009, puis les solutions de crédit (prêt conso, crédit immobilier) et de placement (bourse, assurance vie) se sont agrégées. Toutefois, la bascule ne s’est pas produite et le volume de clients a commencé à stagner à partir de 2016 autour d’un million de personnes.

Un environnement économique dévastateur pour les activités de banque de détail

A cette époque, la filiale du groupe de bancassurance néerlandais ne perd pas espoir d’atteindre le seuil de rentabilité en 2020. La stratégie n’est plus d’enchainer les adhésions à coups de primes de bienvenue et de taux boosté, mais de faire du qualitatif et une montée en gamme. Fin 2020, l’apport du Livret d’épargne Orange dans le revenu global de l’établissement n'est plus que de 40% (contre 70% auparavant) alors que les encours de prêt immobilier culminent à 2 milliards d’euros, affichant une hausse annuelle de 40%.

En septembre 2019, ING décide de s’aligner sur ses concurrents Boursorama Banque (Welcome) et Fortuneo (Fosfo). Elle propose deux formules de compte courant : ING Essentielle (compte gratuit avec carte standard MasterCard sans condition de versement) et ING Intégrale (compte avec carte Gold MasterCard payant à 10 euros par mois sans condition ou gratuit à condition d’y verser 1200 euros par mois). Le nombre d’usagers qui font d'ING leur banque principale croît de 10% en 2019 (+13% en 2018).

Alors qu’est-ce qui cloche ? L’environnement économique ! C’est ce que résume un porte-parole dans un communiqué : « La décision de conduire une revue stratégique a été prise du fait des difficultés liées au contexte économique actuel, et notamment la faiblesse des taux d’intérêt, des résultats financiers négatifs enregistrés par la banque en ligne ces dernières années et de sa part de marché relativement limitée ». On peut ajouter les effets de la pandémie et une amende de 3 millions d’euros infligée par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) pour manquements à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme en 2018 et 2019.

Vers une consolidation du marché bancaire à marche forcée

Alors quelle suite ? La révision stratégique aboutit généralement à une restructuration, une cession ou un redressement. L’avenir de 460 salariés est donc en jeu, la société excluant de l’opération sa banque de financement et d’entreprises. En attendant la sentence, les clients peuvent continuer d’utiliser leur compte ING, leur carte et leurs différentes produits au moins jusqu’au 31 décembre 2021. Mais qui va récupérer ce portefeuille clients ? La consolidation du secteur bancaire, notamment en ligne, est en cours.

Outre ING, la banque mobile Orange Bank s’interroge après avoir accumulé 643 millions d’euros de pertes depuis 2017 (195 millions d’euros rien qu’en 2020). Cela n’empêche pas l’établissement d’étendre ses activités en rachetant la néobanque pro Anytime et en nouant un partenariat avec Younited Credit autour du prêt à la consommation.

Néanmoins, la série de cessation d’activité des banques mobiles s’allonge depuis 2020 un peu partout dans le monde : C-Zam, Morning, Ferratum, Ditto Bank, Boon, Xiinja, Bo…Début mai, la Fintech Vaultia (ex-Moneway) a annoncé son arrêt, incitant ses clients à se tourner vers la néobanque verte OnlyOne. En début d’année, nous évoquions également le cas de Monzo outre-Manche qui, malgré un portefeuille client garni (5 millions de souscripteurs), concédait de lourdes pertes économiques. De leur côté, N26 et Revolut étaient tour à tour pointés du doigt par les autorités de régulation pour les raisons identiques qui ont conduit ING à verser une amende en France.

Les banques traditionnelles pourraient-elles en profiter ? Leur transition numérique est désormais aboutie avec des applications mobiles qui répondent aux attentes des clients. Reste que l’environnement économique demeure néfaste d’où le besoin de réduire ses coûts structurels par la fermeture d’agences physiques (plus de 3000 en 10 ans) et une baisse des effectifs (-1,7% en 2020, -25 000 postes depuis 2012. Le secteur bancaire devrait donc continuer à se consolider avec déjà des exemples éclairants avec les mariages en Espagne entre Caixa Bank et Bankia, et en Italie entre UBI Banca et Intesa Sao Paolo.

Cela tombe bien puisque dans son guide sur les fusions-acquisitions paru début 2021, la BCE indique vouloir « faciliter les projets de consolidation durables »…  



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