Tour de vis des états sur les cryptoactifs. L'exemple avec la plateforme Binance

Tour de vis des états sur les cryptoactifs. L'exemple avec la plateforme Binance

Une succession de décisions des régulateurs contrarie la quiétude de la plateforme de cryptomonnaies. Dernier épisode en date fin juin, lorsque la Financial Conduct Authority britannique ampute Binance d'une partie de ses activités. Quelles sont les conséquences pour les clients de l'exchange ? Décodage.
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Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 02 Juillet 2021

Les cryptoactifs sont dans le viseur de plusieurs états

L’autorité britannique coupe Binance d’une partie de ses activités

3,88 milliards de dollars, c’est le volume moyen de flux d’argent quotidien qui a transité sur Binance, en 2020. Cet acteur chinois, basé à Hong-Kong, fait partie des leaders du marché d’échange de cryptoactifs. Un secteur dynamisé notamment par les fluctuations du Bitcoin, mais aussi les tweets épicés d’Elon Musk soufflant le chaud et le froid.

Résultat : une ruée des investisseurs vers toutes les monnaies virtuelles, même les plus farfelues, dans une stratégie de trading et une optique de diversification des portefeuilles d’actifs. La Financial Conduct Authority (FCA) estime à 2,3 millions le nombre de spéculateurs sur la crypto en 2021, soit une hausse de 27% sur une année.

Mais le ciel de Binance s’est récemment assombri avec le courrier d’avertissement transmis le 26 juin par la FCA. L’autorité régulatrice du Royaume-Uni indique que « Binance Markets Limited n'est plus autorisée à prendre part à quelque forme d'activités régulées sans l'accord écrit de la FCA. Aucune autre entité du groupe Binance n'a de forme d'autorisation, d'enregistrement ou de licence pour pratiquer une activité régulée sur le territoire britannique. »

Qui est Binance Markets Limited ? Une filiale du groupe Binance dont les activités consistent à vendre des produits dérivés des cryptomonnaies, comme les options ou les contrats actifs. Or, ce sont justement des produits régulés par la FCA, d’où son intervention pour signifier que Binance Markets Limited ne possède par les autorisations requises pour exercer son activité avec des clients sur le sol britannique. Elle doit interrompre ses activités financières en monnaie fiduciaire.

L’achat de crypto en livre sterling toujours possible mais perturbé 

La vente et l’échange de cryptomonnaies ne sont, en revanche, pas concernés. Pourquoi ? Parce que la réglementation britannique ne régule pas ces activités et que la société opère depuis les îles Caïmans. Les clients de Binance peuvent donc continuer à acheter, vendre et échanger leurs monnaies virtuelles sans problème.

Pour le reste, tout est stoppé depuis le 30 juin. La FCA impose à l’exchange de ne pas faire la promotion de ses activités et de mettre à disposition les dossiers en cours des utilisateurs britanniques. Sans conséquences pour les clients ? Pas forcément. Selon le Financial Times, les dépôts et les retraits en livre sterling de la plateforme via Faster Payments étaient suspendus pour maintenance.

Pour rappel, Faster Payments, propriété de Pay.UK, supervise notamment les paiements automatisés et les paiements mobiles en ligne entre comptes bancaires britanniques. L’excuse de la maintenance, sans délai de retour à la normale, interpelle les clients de l’exchange, d’autant que d’autres commentaires signalent des perturbations sur les transactions. Une concordance de faits qui nourrit l’hypothèse que Binance aurait perdu l’accès à Faster Payments suite à l’action de la FCA.

La fin du Far West un peu partout dans le monde ?

La décision prise par la FCA fait des heureux. Le fondateur d'EXMO Exchange Ltd confie à Bloomberg son soulagement de voir réguler le marché de la cryptographie et clôturer cette « phase de Far West ». Plusieurs pays, et non des moindres, sont en train de muscler leurs positions par rapport au trading de cryptomonnaies. Les autorités de supervision et de régulation souhaitent prévenir et combattre les problèmes d’escroqueries, d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent.  

Les Etats-Unis sont particulièrement vigilants à l’endroit de Binance. Le département de la Justice et le fisc s’intéressent au fonctionnement de la plateforme et à ses dérives. Comme pour la FCA, la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) enquête pour savoir si Binance a permis aux résidents américains d’exploiter des produits dérivés, alors même que l’exchange n’est pas habilité à le faire.

Idem au Japon où l’Agence des services financiers (JFSA) vient d’adresser une mise en garde à Binance pour les mêmes raisons. La série de revers se poursuit en Europe avec le régulateur allemand cette fois. La BaFin s’intéresse aux jetons d’action proposés par Binance. Ces opérations d’achat de fractions d’action pourraient « avoir enfreint » la réglementation fiscale du pays.

Monnaies fiat vs crypto : les états contre-attaquent

Au Canada, la Province de l’Ontario a consolidé sa réglementation en avril dernier à propos de l’enregistrement des plateformes. Les contraintes sont telles que Binance a décidé de ne plus offrir ses services à sa clientèle de cette province canadienne à compter du 31 décembre 2021 : « Dans le cadre de nos efforts continus de conformité, Binance a mis à jour ses conditions d’utilisation pour indiquer que l’Ontario (Canada) est devenu une juridiction restreinte. Malheureusement, Binance ne peut plus continuer à servir les utilisateurs basés en Ontario. Les utilisateurs basés en Ontario sont invités à prendre des mesures immédiates pour fermer toutes les positions actives d’ici le 31 décembre 2021. »

Arguant d’une approche collaborative avec les autorités, l’exchange traine toujours une réputation sulfureuse, notamment depuis le transfert de son siège aux îles Caïmans. Surtout, les cryptomonnaies elles-mêmes sont de plus en plus dans le viseur des états qui voient d’un très mauvais œil la mise en concurrence de leurs monnaies nationales.

Les pays sont ainsi nombreux à lancer leur propre coin (le Yuan numérique en Chine par exemple) pour concurrencer les monnaies virtuelles sur leur terrain et à sévir : risque d’interdiction en Inde, escroqueries massives en Afrique-du-Sud, fermeture des usines de minage en Chine, mise en garde du Salvador par les USA suite à leur légalisation du Bitcoin, etc.

Pas de quoi ébranler en apparence les certitudes du fondateur de Binance, Changpeng Zhao, qui se positionne sur le marché des NFT (jetons non fongibles) en créant sa plateforme dédiée ouverte le 24 juin dernier. Son but : l’échange d’objets d’art et de collections numériques (arts visuels, morceaux musicaux, sports, jeux vidéo, etc.). Le nouveau Far West ?



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