Marché immobilier : les enjeux actuels et à venir

Marché immobilier : les enjeux actuels et à venir

Le dynamisme du marché immobilier en France ne doit pas masquer la déconnexion entre les prix des logements et les revenus des ménages. La bulle va-t-elle obligatoirement éclater, sur fond de changement des attentes des Français et de resserrement des conditions d'emprunt ? Explication.
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Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 28 Octobre 2021

Bulle du marché immobilier

Chine comme France, fin de la bulle immobilière ?

L’immobilier est scruté par les économistes comme le lait sur le feu, surtout depuis les difficultés majeures du géant chinois Evergrande. Le promoteur immobilier vient d’honorer un paiement d’intérêts sur des obligations en dollars à la dernière minute. La menace de son effondrement est loin d’être écartée, malgré l’annonce par le groupe du redémarrage de plusieurs chantiers dans le sud du pays.

Dans le sillage d’Evergrande, c’est tout un pan de l’activité économique qui vacille. Plus concrètement, les prix des logements neufs sont en repli en Chine pour la première fois depuis six ans. La méfiance gagne la population, freinant considérablement l’activité et donc laissant peser un risque de faillites chez plusieurs promoteurs. De quoi inquiéter aussi les investisseurs sur les marchés boursiers.

Néanmoins, la transposition du cas chinois à la France n’est évidemment pas pertinente. Reste que l’hypothèse d’un dégonflement de la fameuse bulle immobilière dans l’hexagone est sur la table. La question de la soutenabilité de la dette est centrale, surtout si cette dette ne sert pas à générer de la croissance. Il faut donc être attentif à la capacité des personnes et des entreprises endettées à pouvoir honorer le remboursement de leur emprunt.

Or, les prix de l’immobilier en France poursuivent leur trajectoire haussière, en s’écartant de celle des revenus des ménages dont le niveau d’endettement a franchi la barre symbolique des 100 %. Un réajustement inévitable pourrait provoquer une baisse de 20 % des prix de l’immobilier en moyenne. Pour Marc Touati, économiste, président du cabinet ACDEFI, cette baisse « pourrait d’ailleurs s’avérer salutaire dans la mesure où elle permettra de resolvabiliser la demande et de permettre à de nombreux Français de se porter acquéreurs de leur logement ».

Fuite des grandes villes, un mouvement renforcé par la crise sanitaire

Une récente enquête de la banque UBS, « Global Real Estate Bubble Index 2021 », s’est intéressée à la flambée des prix de l’immobilier dans 25 grandes villes du monde. Résultat des chiffres corrigés de l’inflation, la hausse est de 6 %. Ce score est le plus élevé depuis 2014, mais la capitale française fait partie des quatre exceptions (avec Milan, New York et San Francisco). Toutefois, Paris est considérée comme une zone à risque de bulle immobilière, avec une demande toujours très forte par rapport à l’offre, bien que la tendance semble s’atténuer.

Le contexte s’explique par l’attrait des taux d’intérêt bas et par le faible coût par rapport à la location. Les auteurs de l’étude alertent néanmoins sur l’obligation des ménages à s’endetter toujours plus, pour suivre la hausse des prix de l’immobilier. Et le durcissement de l’accès aux prêts immobiliers pourrait sonner le glas de l’appréciation sur la plupart des marchés.

Les acheteurs regardent aussi ailleurs. La crise sanitaire et l’effet télétravail détournent les ménages des grandes zones urbaines très peuplées : « En conséquence, au cours des quatre derniers trimestres, pour la première fois depuis le début des années 1990, les prix de l’immobilier dans les zones non urbaines ont augmenté plus rapidement que dans les villes ».

Les habitants commencent à prospecter vers les banlieues, les cités-satellites et même encore plus loin. Une étude du site PAP montre un ralentissement des recherches de logements à l’achat en France, de l’ordre de -6,5 % par rapport à septembre 2019. C’est donc la fin de la frénésie qui devrait générer 1,155 million de transactions immobilières dans l’ancien, en 2021, selon les prévisions du Conseil supérieur du Notariat.

Le retour à la normale s’accompagne d’une rupture par rapport à la nature des envies des Français : -25 % des recherches à Paris, contre +21,9 % des recherches dans les petites villes et les territoires ruraux. Les maisons individuelles sont au cœur des projets, puisqu’elles représentent 63 % de la prospection en septembre 2021, contre 59 % deux ans plus tôt. Dans un paysage où le risque de bulle immobilière plane et où les attentes des ménages changent, s’ajoutent de nouvelles contraintes sur l’octroi du crédit immobilier.

Nouvelles contraintes sur le crédit immobilier

Alors que les taux d’emprunt restent toujours attractifs (1,05 % en moyenne au troisième trimestre 2021 selon l’Observatoire Crédit Logement/CSA), le Haut Conseil à la Stabilité Financière (HCSF) a décidé de basculer ses recommandations en obligations. Les banques doivent respecter un taux d’effort de 35 % (part des mensualités d’emprunt dans les revenus de l’emprunteur) et une durée du crédit de 25 ans maximum, avec des aménagements pour grimper jusqu’à 27 ans.

Actuellement, la baisse des taux (sous l’inflation, qui est de 1,25 %) et l’allongement des prêts (233 mois en moyenne au trimestre précédent) compensent l’augmentation des prix du logement. Toutefois, le marché immobilier continue de s’apprécier. En imposant des limites, le HCSF resserre l’accès au crédit, ce qui pourrait tarir leur production, contribuant à faire baisser la demande et donc les prix. Pour illustrer ce propos, l’Observatoire Crédit Logement/CSA constate un coup de frein entre juillet et septembre : 7,8 % de production de prêt en moins, au troisième trimestre, sur un an.

Propriétaire-bailleur : gare à la chasse aux passoires énergétiques

Un autre élément pourrait intervenir : la mise sur le marché des passoires énergétiques. En effet, le Diagnostic de performance énergétique (DPE) qui évalue la consommation énergétique des logements est désormais obligatoire, depuis le 1er juillet 2021. Or, le diagnostic ne se réfère plus à la consommation des logements, identifiée par les factures de gaz et d’électricité, mais à la qualité du bâtiment, son isolation et son mode de chauffage. Beaucoup de logements anciens sont ainsi déclassés, les nouveaux critères dégradant leur note énergétique.

L’état cherche à contraindre les propriétaires à faire des travaux de rénovation. En 2025, les logements notés G seront exclus du marché locatif, de quoi rendre inquiets les propriétaires-bailleurs, dont le réflexe est de revendre tout de suite leurs biens immobiliers. En 2028, ce sera au tour des logements classés F et, en 2035, des logements classés E. Le coût de tels travaux pourrait donc se reporter sur le montant des loyers, faisant porter ce fardeau à des locataires déjà bien lestés par le coût de la vie.

Une étude France Stratégie, parue en août, montrait que les dépenses pré-engagées (loyers, remboursements d’emprunt, assurances, abonnements, etc.) étaient passées de 27 % à 32 % des dépenses totales des ménages en France, entre 2001 et 2017. Un score qui atteint entre 31 % à 41 % chez les plus pauvres. Le logement représentait 70 % du total des dépenses pré-engagées, une situation très compliquée là où le marché immobilier est cher (région parisienne, centre des agglomérations).

Travaux de rénovation énergétiques pour les propriétaires-bailleurs, besoins en logement qui évoluent, octroi du crédit immobilier plus limité, déconnexion entre les prix des habitations et les revenus des ménages, relèvement des taux d’intérêt avec l’inflation, politique d’injection monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) : autant de forces qui interagissent sur un marché immobilier...toujours porteur.



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