De São Paulo à New York, Nubank valorisée entre 40 et 55 milliards de dollars

De São Paulo à New York, Nubank valorisée entre 40 et 55 milliards de dollars

En 2022, la banque en ligne Nubank fera son entrée en bourse au Nasdaq, pour se projeter au-delà de son pré carré d'Amérique latine. Retour sur le succès d'une Fintech construite sur l'inclusion bancaire, une offre 100 % digitale et des tarifs très attractifs.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 30 Novembre 2021

valorisée entre 40 et 55 milliards de dollars

La banque mobile brésilienne Nubank vise le Nadaq en 2022

L’agence Reuters avait relayé, en avril 2021, la volonté de la banque en ligne Nubank d’entamer les préparatifs d’une cotation en bourse aux États-Unis. C’est désormais officiel, puisque l’établissement vient d’annoncer le dépôt de son formulaire F-1 en Bourse auprès du régulateur financier américain, la Securities Exchange Commissions (SEC).

Sans préciser pour autant son calendrier, la banque en ligne espère pouvoir concrétiser l’opération au cours de l’année prochaine. L’objectif : une cotation au Nasdaq, afin d’asseoir ses ambitions au-delà de l’Amérique latine, son territoire d’implantation.

La Fintech a été lancée en 2013, au Brésil, avant de s’étendre, à partir de 2019, au marché colombien et mexicain. L’entreprise résulte de l’association d’un Colombien, ex-analyste financier et capital-investisseur, David Velez, d’une Brésilienne, cheffe de la direction du département commercial, Cristina Junqueira, et d’un Américain, à la tête du département de la technologie, Edward Wible.

Fraîchement débarqué au Brésil, David Velez relève la lourdeur bureaucratique pour ouvrir un compte dans une banque traditionnelle. Il perçoit une opportunité dans un pays à 60 % non couvert par les grandes banques brésiliennes, dont deux sont publiques (Caixa et Banco do Brasil) et trois privées (Itaú, Bradesco et Santander Brasil).

L’ex-Nu Pagamentos veut donc bousculer le marché en bannissant la paperasse, en misant sur le tout numérique (pas d’agences bancaires physiques) et surtout en cassant les prix.

Offre bancaire en ligne : une recette classique qui fonctionne

Nubank se spécialise dans les services de paiements, avec des cartes bancaires gratuites sans frais de gestion. La banque en ligne redonne aussi aux clients la possibilité de tout gérer eux-mêmes en pleine autonomie, depuis une simple application mobile bancaire.

Son succès est venu de sa carte de crédit sans commission, avec une ligne de crédit de 50 Réals (8,15 euros). La banque en ligne a musclé son offre en lançant un programme de fidélité, un compte de paiement, sans frais de tenue de compte 100 % digital, mais rémunéré, et une carte de débit.

Depuis, son catalogue produit ne cesse de s’étoffer, avec la distribution de comptes d’épargne, de solutions d’emprunts et des contrats d’assurance. Récemment, la Fintech a commercialisé une plateforme d’investissements très accessible.

Déjà, en 2019, David Velez résumait son projet : "Même si l’évolution technologique a été transformationnelle pour la plupart des secteurs à travers le monde, la plupart des consommateurs qui ont un compte en banque continuent de payer des taux d’intérêt et des frais absurdes pour, en retour, recevoir des services très médiocres. En outre, plus de deux milliards de personnes n’ont toujours pas accès à des services financiers de base".

Et de poursuivre, "nous pensons pouvoir apporter une contribution pour changer sensiblement cette situation en accélérant notre croissance au Brésil et en soutenant le lancement de nos nouveaux marchés en Amérique latine". Désormais, en 2022, le cofondateur, dont la fortune est estimée par Forbes à 5,2 milliards de dollars, voit plus loin.

41 millions de clients au Brésil

Avant son entrée en Bourse, la valorisation de Nubanq dépasserait les 40 voire 55 milliards de dollars selon les estimations. En juin dernier, l’entreprise avait bouclé un énième tour de table (série G) pour financer son développement à hauteur de 500 millions de dollars.

Parmi les investisseurs se trouvent le conglomérat de Warren Buffet, Berkshire Hathaway, mais aussi Sands Capital, l’Office d’investissement (régime de pensions du Canada), MSA Capital, Sunley House Capital d’Advent, ainsi que les gestionnaires d’actifs brésiliens Verde Asset Management et Absoluto Partners. Auparavant, le fonds Sequoia (financeur de Airbnb) et le Chinois Tencent avaient rejoint l’aventure.

Les perspectives d’acquisition sont spectaculaires (l’Amérique latine compte 650 millions d’habitants). La banque en ligne a déjà séduit 41 millions de clients, rien qu’au Brésil, surfant sur les effets indirects de la pandémie (confinement, hausse du commerce en ligne).

Le directeur financier Guillherme Lago a indiqué un doublement des volumes de paiement sur un an et l’arrivée de 8 millions de nouveaux clients depuis décembre, notamment des consommateurs aux bas revenus et les plus jeunes. Mais Nubank n’est pas la seule Fintech à grossir et la concurrence existe avec Banco Inter, Neon ou C6 Bank.

Rachetée par JP Morgan, à hauteur de 40 %, en juin 2021, C6 Bank compte 7 millions de clients, pour une valorisation de 1,93 milliard d’euros fin 2020. La banque en ligne est présente sur la commercialisation de cartes de crédit et de débit, comptes épargne, prêts à la consommation et solutions de paiement pour les PME.

Concurrence faussée : la menace des banques traditionnelles

Au total, le Brésil recense 80 millions de comptes ouverts dans les banques en ligne. Le gouvernement a favorisé l’essor des Fintechs, en misant sur le jeu de la concurrence pour faire baisser les frais bancaires. De quoi faire grincer les dents des acteurs traditionnels soumis à des contraintes plus fortes par les autorités de régulation.

La Febraban (fédération brésilienne des banques) s’en est récemment émue dans une tribune, pointant du doigt des asymétries dans le traitement des deux catégories d’acteurs. L’attaque porte sur l’hypothèse d’une actuelle réglementation qui fausserait la concurrence, arguant qu’une Fintech qui entre en bourse n’est plus une start-up dans un garage.

Autre question susceptible de tempérer ce succès : la problématique récurrente des acteurs en ligne du modèle économique. Entièrement focalisée sur l’acquisition, Nubank consent d’importants coûts pour attirer les clients ce qui empêche d’atteindre un seuil de rentabilité.

En 2020, son déficit cumulé s’élevait à 171,5 millions de dollars. Entre janvier et septembre 2021, les pertes culminaient à 99,1 millions de dollars. Toutefois, au Brésil, la banque en ligne annonce un premier semestre bénéficiaire pour la première fois de son histoire : +11,8 millions d’euros.

Nubank ne compte pas alléger pour autant ses dépenses marketing, comme le prouve son partenariat avec la FIFA pour la Coupe du Monde de football 2022 au Qatar. En tant que Supporter régional, Nubank aura accès à des billets pour la compétition, mais aussi aux éléments de marque et au contenu des archives, afin de promouvoir ses activités à l’échelon sud-américain.

De quoi développer son image de marque dans les pays où le foot est une religion et faire le buzz pour son entrée en bourse.



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