La banque en ligne ING jette l'éponge en 2022

La banque en ligne ING jette l'éponge en 2022

Dans son communiqué du 21 décembre, la banque en ligne ING annonce l'arrêt de son activité de banque de détail, en France, dès 2022. Malmené par le contexte économique et concurrentiel, l'établissement arrête les dégâts, après 20 ans de déficit. Chronique d'une fin annoncée.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 27 Décembre 2021

La banque en ligne ING jette l

©Pricebank

ING : nécrologie

Avec ce clap de fin annoncé pour 2022, le secteur de la banque en ligne perd un acteur historique. L’établissement néerlandais s’est lancé sur le marché français en 2000, surfant sur la démocratisation d’internet. Grâce à sa position de pionnier, ING a été le fer-de-lance pour dépoussiérer un secteur bancaire ancré dans son inertie.

La banque en ligne doit sa réussite commerciale à son livret d’épargne Orange, qui proposait des rendements très intéressants. Elle divise alors ses activités en trois pôles : la banque, l’assurance et la gestion d’actifs. En 2004, son offre s’enrichit d’une assurance vie, qui deviendra, trois années plus tard, le produit leader de sa catégorie.

L’établissement bancaire parvient à conquérir un million de clients, devançant alors de loin ses concurrents. Ce chiffre est dopé par la possibilité, en 2009, de souscrire un compte courant, puis une solution de crédit immobilier deux ans plus tard. La stratégie est double : équiper ses clients en produits bancaires rémunérateurs, et les retenir, au moment où la concurrence devient féroce, au cours des années 2010.

Toutefois, malgré des efforts de co-construction de l’offre avec son public et la tenue d’un forum communautaire dynamique, ING ne gagne pas d’argent. Après deux décennies d’activité, les dirigeants de la banque en ligne voient leur modèle économique se heurter à une impasse. Malgré une ultime tentative de refonte de son offre en 2019, la revue stratégique, mise en place depuis juin 2021, annonce sa sentence et siffle la fin de l’aventure de son activité de banque de détail en France.

Pourquoi ING France arrête-t-elle ses activités de banque de détail ?

La multiplication des acteurs sur le marché de la banque mobile n’a pas permis à ING de grossir suffisamment pour survivre. Déjà en 2017, un plan de restructuration avait entraîné la fermeture des deux cafés ING Direct, localisés à Paris et à Lyon. Le pari d’attirer du public dans des lieux physiques était une innovation qui n’a pas fonctionné, faute de fréquentation. Déjà, à l’époque, cette mesure avait causé la suppression d’une quarantaine de postes.

Mais la concurrence n’a fait que se renforcer. L’arrivée en nombre de banques mobiles européennes comme Revolut ou N26 a détourné les jeunes urbains, connectés à leur smartphone. L’accès aux applications mobiles bancaires et leurs fonctionnalités permises par la nouvelle réglementation européenne sur les paiements (DSP2), en particulier l’agrégation de comptes, ont ringardisé les sites web et le desktop.

Chaque grand groupe bancaire a aussi investi massivement sur son poulain. Et certains se sont lancés dans une course effrénée à l’acquisition client. La gratuité des offres, les primes de bienvenue, les systèmes de parrainage et les taux boostés ont augmenté les coûts, rendant un peu plus déficitaires les modèles économiques. Fortuneo et surtout Boursorama Banque ont été particulièrement actives. Cette course haletante a fini par essouffler certains participants, jusqu’à l’abandon.

Parallèlement, le contexte des taux bas d’intérêts et la politique accommodante des banques centrales ont réduit les marges des banques. La réglementation n’a eu de cesse de se densifier. C’est l’effet ciseau : moins de revenus d’un côté, et plus de dépenses en acquisition de l’autre. Malgré un repositionnement affirmé vers du qualitatif plutôt que du quantitatif, la viabilité de l’établissement a fini par logiquement être questionnée.

Emplois, reprise : les annonces d’ING France

Le communiqué du 21 décembre 2021 vient donc mettre fin à une lente agonie. Laconique, mais directe en référence à son ancien nom (ING Direct), ING y annonce « se retirer du marché de la banque en ligne en France ». C’est la conclusion de la revue stratégique, engagée en juin dernier. En revanche, la banque en ligne conserve son activité de financement et d’investissement (Wholesale Banking) dans le but de « consolider sa place sur le marché et son positionnement de banque de référence en matière de finance durable ».

Le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) concerne 460 suppressions de postes sur les 700 que compte la succursale française. Un accord a déjà été passé avec les organes représentatifs du corps syndical. Le PSE doit désormais être validé par la Direction régionale et interdépartementale de l’Économie, de l’Emploi, du Travail et des Solidarités (DRIEETS).

Une procédure est en cours pour la cession du portefeuille d’un million de clients. Certains concurrents se sont exprimés sur le possible rachat du fonds de commerce d’ING France. Le Crédit Mutuel Alliance Fédérale, qui détient Monabanq via Cofidis, a regardé le dossier sans formuler d’offre. La fédération rebelle, Crédit Mutuel Arkéa, a posé sa candidature, souhaitant une fusion avec sa banque en ligne Fortuneo.

Mais, c’est Boursorama Banque, filiale de la Société Générale, qui semble regarder le dossier avec appétit. La banque en ligne est le leader sur le marché, avec plus de trois millions de clients (dont 90 000 nouveaux rien que sur le mois de novembre 2021, et 700 000 sur l’année !). Interrogé par La Tribune sur un possible rachat, Frédéric Oudéa, directeur général de la Société Générale, a botté en touche « Pas de commentaire sinon que Boursorama récupérera probablement, quelle que soit l’issue de ce dossier, des clients ! ». Des clients qui se ressemblent, car plus équipés en produits bancaires, donc moins volatils.

Quel avenir pour les clients d’ING France ?

Dans son communiqué, la banque en ligne rappelle que les clients « continuent de bénéficier des services habituels de la banque en ligne. Clients et partenaires seront informés individuellement avant tout changement concernant les produits et services. » Les clients n’ont pas à s’inquiéter outre mesure, dans le sens où l’opération n’est ni une liquidation ni une faillite.

Au micro de BFM Business, Michel Guillard, président de l’association France Conso Banque rassure, mais nuance : « il n’y a pas de problème de solvabilité (…) Pour les clients actuels qui s’interrogent, rien ne change jusqu’à ce que le deal soit fait. Ensuite, à quelle sauce ils seront mangés, ça diffère à chaque fois, ça fait partie des conditions de reprise. Pour le moment, on ne sait pas trop quoi dire à ces clients ».

Ainsi, des questions se posent sur le maintien des conditions des offres actuellement souscrites. Les clients devront donc choisir entre rester dans la banque en ligne qui les récupère, ou retirer leur capital pour aller chez un autre concurrent. Mais attention, car tous les produits bancaires ne sont pas transférables (livret A, Livret de développement durable, Livret d’épargne populaire, assurance vie). Le client doit d’abord fermer ces comptes pour en ouvrir ailleurs.

Quant au transfert des produits éligibles (plan d’épargne en actions, plan d’épargne retraite populaire, plan d’épargne logement, compte épargne logement), leur transfert entraîne des frais. Enfin, les conditions des livrets bancaires propres aux établissements ne sont pas forcément retranscrites dans un livret bancaire d’une autre enseigne. Les clients doivent donc prendre leur mal en patience, afin d’agir en fonction des futures modalités concrètes de reprise. En attendant, ils peuvent d’ores et déjà comparer les banques en ligne pour éventuellement transférer leur argent au moment opportun.

Quoi qu’il en soit, ce stock d’un million de clients est un trésor pour les établissements concurrents. Et le coffre-fort est à vendre. Mieux équipés, plus habitués à la banque mobile, ces leads qualifiés sont plus matures et plus fidèles. Autant de caractéristiques vitales pour des acteurs qui cherchent encore et toujours à atteindre leur seuil de rentabilité. Un palier qu’ING n’a jamais pu atteindre au bout de deux décennies.



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