Crédits : le HCSF anticipe un futur retournement de situation

Crédits : le HCSF anticipe un futur retournement de situation

Face à l'emballement du crédit, le Haut conseil de la stabilité financière a décidé d'intervenir en demandant aux banques de se constituer des réserves supplémentaires. L'idée est d'anticiper un retournement de situation afin de ne pas couper le robinet du crédit le cas échéant.

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 29 Mars 2019

Un emballement du crédit qui alerte

Le Haut conseil de la stabilité financière (HCSF), qui réunit les principaux superviseurs financiers français et le gouvernement, scrute attentivement les chiffres du crédit. L’encours total de l’endettement a progressé de 6% en 2018, tandis que dans le même temps la croissance a été chiffrée à 1,6% par l’Insee. De quoi alerter le HCSF : « L’endettement du secteur privé non financier continue de croître pour atteindre 133,3% du PIB au troisième trimestre 2018 (59,2% pour les ménages), […] ce qui est supérieur à la moyenne de la zone euro comme à ceux de nos principaux partenaires. ».

Les taux planchers inférieurs à 1,50% toutes durées confondues incitent les ménages à souscrire des emprunts pour acheter leur résidence, y compris sur de plus longues durées (19 ans en moyenne). Ils profitent d’une exigence moindre de l’apport personnel dans les dossiers de demande de crédits immobiliers et d’une concurrence accrue entre les organismes prêteurs. Résultat : le stock des crédits aux particuliers (prêt immobilier et crédit conso) a connu un bond de 5,5% en janvier 2019 sur un an. Même constat pour le crédit bancaire aux PME : +6,3%.

Des banques appelées à augmenter leurs réserves

Ces chiffres ne rassurent pas le HCSF déjà en alerte en 2018. François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, explique que lorsque « le crédit augmente très rapidement à un moment, il y a un risque d’autant plus fort - l’expérience le prouve – qu’à un moment il freine trop brutalement ». Pour ne pas tomber dans cette spirale, les autorités peuvent actionner le levier du coussin contracyclique qui « consiste à demander aux banques, quand le crédit augmente fortement, de mettre des réserves de côté, d'augmenter peut-être temporairement leur capital pour faire face à un risque de retournement du crédit ».

L’objectif de ce dispositif est d’obliger les banques à se constituer des réserves supplémentaires quand le contexte le permet. Ainsi, en cas de récession, ces fonds sont libérés, faisant office d’amortisseurs, et alimentent les flux de crédits, en particulier pour les PME, atténuant le risque d’un blocage de l’économie. Le HCSF a d’ailleurs déjà mis en œuvre un premier coussin contracyclique l’an passé, imposant aux établissements bancaires pour juillet 2019 de mettre de côté 0,25% de leurs actifs pondérés par les risques. Sous la menace d’une remontée des taux à venir, la décision a été prise de relever ce pourcentage de 0,25% à 0,50% à horizon d'avril 2020.

Des établissements bancaires qui s’insurgent

Les banques n’ont pas tardé à réagir en exprimant leurs désaccords et leurs incompréhensions par la voix de la Fédération bancaire française (FBF) : « les banques françaises ne comprennent pas cette décision, qui n’est pas cohérente avec la politique monétaire de la Banque centrale européenne. ». La FBF réfute l’argument d’un « accroissement des risques liés au crédit » arguant que son coût a diminué de 18% en 2017, soit « son niveau le plus faible depuis 2017. ».

Les établissements bancaires y voient une contrainte supplémentaire venant s’ajouter à une réglementation qu’ils considèrent comme trop stricte et au prolongement de la politique monétaire accommodante de la BCE qui ne cesse de rogner leurs marges. Toutefois, une source du HCSF n’attend « pas d’effet visible sur l’octroi de crédit, sachant que ce n’est pas la logique de cet instrument ». D’ailleurs, les superviseurs bancaires précisent que le niveau du coussin contracyclique de 0,50% est « adapté aux circonstances actuelles ». L’organisme affirme qu’un retournement du cycle financier entrainera le relâchement immédiat de la bride.

Il est intéressant de rappeler aux épargnants que le recours au crédit même à un taux très attractif n’est pas toujours la solution la plus rentable. C’est notamment le cas si les emprunteurs disposent d’une épargne dormante élevée. Avec des produits bancaires à capital garanti peu rémunérateurs (0,75% pour le Livret A, 1,70% pour les fonds en euros de l’assurance vie hors prélèvements sociaux), mieux vaut mobiliser cette épargne pour réduire l’ampleur du prêt finançant un achat immobilier, ce qui diminue de fait le poids des intérêts et de l’assurance emprunteur.