Surchauffe sur le crédit immobilier

Surchauffe sur le crédit immobilier

Taux immobiliers toujours aussi bas, volumes de production de crédit toujours aussi haut : alors que les autorités invitent les banques à resserrer les conditions d'octroi, rien n'y fait. La machine tourne toujours à plein régime.

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 11 Février 2020

Crédit immo : les chiffres de l’emballement

258 milliards d’euros, c’est la production de crédits immobiliers, en 2019, d’après les chiffres publiés par la Banque de France. Un montant qui arrive juste en dessous du record établi en 2017 (273 milliards d’euros). La production de crédits immobiliers a ainsi bondi de 21% par rapport à 2018. L’encours net des emprunts atteint 61,5 milliards d’euros en 2019. L’encours global bat le précédent record, s’établissant à 1 078 milliards d’euros. En une décennie, la progression de l’encours gagne 63% (soit 400 milliards d’euros).

La Haut Conseil de la stabilité financière (HCSF) a pourtant émis ses recommandations en décembre dernier. L’objectif était de calmer la machine en exigeant des banques qu’elles respectent mieux le taux d’effort de 33% et qu’elles arrêtent de prêter sur une période de plus de 25 ans. Par la voix de l’Observatoire des crédits aux ménages, les banques ont fait passer le message que l’application de telles recommandations conduirait à faire sortir 100 000 ménages du prêt immobilier en 2020.

Les banques mutualistes au taquet

Difficile de juger l’impact des recommandations, celles-ci n’ayant été effectives qu’à partir du mois de janvier. Un bilan de suivi est prévu, tout comme l’instauration d’un reporting observant l’évolution de la production, établissement par établissement. Le point de passage doit avoir lieu en juin prochain, les autorités menaçant les banques de muscler les contraintes en fonds propres, si la production de crédits immobiliers se maintenait à un rythme déraisonnable. Reste que la faiblesse des taux et la concurrence entre les organismes prêteurs sont de précieux carburants.

Pour les banques, le crédit immobilier est le produit d’appel par excellence, doublé d'un outil de fidélisation. Ce n’est pas pour rien que toutes les banques en ligne ont fini par le proposer à l'instar de Monabanq en novembre dernier. A ce titre, les banques mutualistes sont à l’attaque. Le Crédit Agricole et le groupe BPCE présentaient une hausse de 8,1% de leurs encours de crédits aux particuliers (chiffres de fin de troisième trimestre 2019). La Société Générale, la Banque Postale et BNP Paribas avoisinaient plutôt les 5%.

Les dangers d’une telle surchauffe

Les banques se défendent en avançant qu’elles ne font que répondre à la demande. Attirés par des taux d’intérêts particulièrement attractifs (1,17% en moyenne en 2019), des millions de ménages cherchent à financer l’achat de leur résidence principale (ou à renégocier). Le crédit s’est d’ailleurs ouvert à des publics qui jusqu’alors étaient entravés dans leur demande. Conséquences : la hausse des prix de l’immobilier, et le risque de formation d’une bulle, et la progression de l’endettement des Français.

Reste que la politique accommodante de la Banque centrale européenne (BCE) invite logiquement les banques à prêter à 1% plutôt qu’à déposer leurs excédents de liquidités dans les coffres de l’institution à -0,5%. Et les banques d’être moins regardantes sur l’allongement des crédits, la baisse des taux proposés et la solvabilité de leurs clients. Le risque, comme l’explique Elsa Conesa dans Les Echos : charger « leurs bilans de milliards d’euros de crédits à la solvabilité incertaine, très peu margés, et pour longtemps ». D’où la sonnette d’alarme tirée par le HCSF, avec un rappel à l’ordre, s’il le faut, en juin prochain.