Oligopole, le système bancaire français ?

Oligopole, le système bancaire français ?

Un récent rapport pointe du doigt les grands groupes bancaires en France
Banques en ligne

Rédigé par Elsa Rédacréa

le 21 Juin 2016

"Casser la rente bancaire française"

Un document publié en mai par le think tank libéral Génération Libre cible directement le système bancaire français : considéré comme un oligopole où de grands groupes concentrent les pouvoirs, le monde de la banque hexagonal tel qu’il fonctionne aujourd’hui est sévèrement critiqué et accusé, par son organisation même, d’être bien trop exposé au risque systémique.
Intitulé « Casser la rente bancaire française. Pour un système bancaire plus sûr, plus concurrentiel et plus européen, » ce rapport a été rédigé par des auteurs bien informés, certains étant issus des rangs du monde bancaire incriminé. Un monde qui échapperait « largement au regard critique de l’opinion et des médias », serait bien trop soutenu par les pouvoirs publics, accusés à demi-mot d’entretenir un fonctionnement servant bien plus les intérêts des banques elles-mêmes que celui de leurs clients.

Ce sont des institutions « complices » que le document accuse dans leur ensemble, et en premier lieu les autorités financières et de régulation telle la Banque centrale européenne. Au-delà de la grille de lecture très libérale de ce rapport massif de 74 pages, l’analyse développe une analyse fondée sur l’observation de quelques travers et dérives qui pourraient quoi qu’il en soient, jouer en défaveur du système bancaire français tel qu’il s’est construit jusqu’à présent : de grands groupes, bien protégés, qui ont du mal à rendre… des comptes. Le texte rappelle que le prix Nobel d’économie Robert Engle a su souligner que parmi les six institutions financières les plus exposées au risque systémique, trois sont françaises : BNP Paribas, Crédit agricole et BPCE sont pointées du doigt, les auteurs taclant le résultat de leurs pratiques se matérialisant par une « faible rémunération du capital et l’absence de risque d’OPA ».

Un marché jugé trop peu concurrentiel

Pour l’étude publiée par Génération Libre, les premiers concernés par l’attitude de ces géants aux pieds d’argile sont bien sûr les particuliers, qui sont pénalisés par un marché très peu concurrentiel et des propositions tarifaires douteuses.
Les clients professionnels ne seraient pas mieux lotis, le rapport évoquant un « matraquage » et, dans tous les cas, l’inaction des pouvoirs publics pour mettre un peu d’ordre dans ces pratiques devenues habituelles. Pour faire changer les choses, les auteurs appellent à stimuler la concurrence, apportée aujourd’hui par les fintechs, les acteurs non bancaires commençant à entrer dans le champ des services jusqu’à présent uniquement dévolus aux banques. La digitalisation obligée du secteur bancaire traditionnel est vue comme une opportunité de faire bouger les choses, et de faire diminuer le niveau de rente par la dématérialisation d’un grand nombre de services, de prestations, d’opérations.
Autre angle d’attaque propre à bousculer une sphère bancaire peuplée de mastodontes, la mise en place de garde-fous que l’Etat n’a pas encore réussi à faire entrer dans la loi : la séparation bancaire - avec d’un côté la banque de détail et de l’autre la banque d’investissement - ou encore la création d’un « fichier positif ». Le rapport avance 18 propositions pour réformer en profondeur l’organisation actuelle des banques françaises.

La Fédération bancaire française n’a pas tardé à réagir à l’analyse de Génération Libre, prenant à contre-pied les griefs exposés : taille des groupes bancaires français plutôt raisonnable au regard de celle de leurs confrères américains, coût de la crise financière plus légère pour les contribuables français que pour ceux des autres pays européens, groupes bancaires hexagonaux consolidés et bien mieux aptes à affronter une nouvelle crise que d’autre banques européennes d’envergure modeste, taux d’intérêt très bas pratiqués par les banques françaises et profitant d’abord à leurs clients, « mythe » de l’efficacité de la séparation bancaire…
Difficile d’émouvoir les grands groupes bancaires, pourtant confrontés à la nécessité de faire évoluer leur modèle à la faveur des mutations numériques.



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