Démembrement de propriété : des opportunités fiscales et d'investissement

Démembrement de propriété : des opportunités fiscales et d'investissement

Le démembrement de propriété est un des éléments-clé dans la définition d'une stratégie patrimoniale performante. Bien utilisé, les effets du démembrement peuvent être très intéressants. Le présent article vous en propose une définition simple et diverses utilisations possibles.
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Rédigé par Axel MASSON

le 20 Février 2023

Le point patrimoine Pricebank - Démembrement de propriété

Une définition du démembrement, issue directement des caractéristiques du droit de propriété d’un bien.

On associe à la propriété d’un bien plusieurs droits cumulatifs suivants :

  • Le droit de disposer du bien ,
  • Le droit d’utiliser le bien ,
  • Le droit de percevoir les éventuels revenus issus du bien.

Le démembrement est l’opération juridique par laquelle le droit de pleine propriété est dissocié en deux droits distincts : le droit de nue-propriété et le droit d’usufruit. Ces droits seront dans les mains de deux personnes (physiques ou morales) différentes. La détention de ces droits aura des conséquences civiles et fiscales différentes. Le tableau suivant présente les droits associés à la qualité de nu-propriétaire et d’usufruitier d’un bien.

Droits sur le bien Pleine propriété Nue-propriété Usufruit
Disposer du bien (le vendre par exemple) Oui Oui Non
Utiliser un bien (l'occuper par exemple) Oui Non Oui
Percevoir des revenus issus de ce bien (des loyers par exemple) Oui Non Oui

Source : impots.gouv.fr

Le démembrement viager et le démembrement temporaire

Le démembrement de propriété peut prendre sa source dans deux situations différentes : l’une subie, l’autre voulue.

le démembrement viager, issu généralement d’une donation ou d’une succession

Le démembrement viager est d’origine civile. Il apparaît lors d’une donation ou bien d’une succession. Généralement, le démembrement va porter sur des biens immobiliers entre les membres d’une même famille.

Barème fiscal du démembrement viager

Pour valoriser le démembrement, l’administration fiscale utilise un barème qui lui permet de chiffrer les droits de donation/succession qui devront être payés par les bénéficiaires/héritiers.

C’est l’âge de l’usufruitier au moment du démembrement qui détermine la répartition de la valeur fiscale du bien démembré comme le présente le tableau suivant.

Âge de l'usufruitier Valeur de l'usufruit (%)
Moins de 21 ans révolus 90 %
Moins de 31 ans révolus 80 %
Moins de 41 ans révolus 70 %
Moins de 51 ans révolus 60 %
Moins de 61 ans révolus 50 %
Moins de 71 ans révolus 40 %
Moins de 81 ans révolus 30 %
Moins de 91 ans révolus 20 %
Plus de 91 ans révolus 10 %

Source : www.notaires.fr

Illustration : une mère âgée de 75 ans souhaite donner un bien immobilier à son fils unique d’une valeur vénale de 200 000 €. La répartition du bien se répartira de la manière suivante :

200 000 € * 30/100 = 60 000 € pour la valeur d’usufruit,
200 000 € * 70/100 = 140 000 € pour la valeur de nue-propriété.

Ainsi, les droits de donation seront calculés uniquement sur la valeur de la nue-propriété calculée ci-dessus.

On observe que la valeur de l’usufruit décroit régulièrement avec l’avancée en âge. En effet, cette valeur viagère a un lien de fait avec l’espérance de vie de l’usufruitier. Néanmoins, pour le fisc, cette valeur fiscale décroit par paliers de 10 ans et non annuellement comme nous aurions pu nous y attendre avec un simple calcul actuariel sur l’espérance de vie… mais la matière fiscale est parfois nébuleuse !

La pleine-propriété se reconstitue entre les mains du nu-propriétaire lors du décès de l’usufruit sans fiscalité supplémentaire.

Le démembrement temporaire, issu d’un choix d’investissement

Le démembrement temporaire s’observe lors d’opérations d’investissement immobilier patrimonial, lorsqu’un investisseur va acquérir exclusivement la nue-propriété du bien, l’usufruit revenant généralement à un bailleur social.

Le démembrement temporaire peut aussi être utilisé dans les opérations d’investissement en part de SCPI (sociétés civiles de placement immobilier).

À noter que les clés de répartition entre nue-propriété et usufruit peuvent légèrement diverger du barème fiscal. Cela provient des politiques commerciales des intermédiaires qui montent les opérations de démembrement. Le rendement estimé des loyers des biens démembrés entre aussi en ligne de compte dans le calcul de la clé de répartition entre nue-propriété et usufruit. Un rendement élevé va se traduire par une valeur de nue-propriété plus faible et une valeur d’usufruit plus élevée, ce qui est logique puisque l’usufruit correspond à la valeur capitalisée des loyers pendant la période de démembrement temporaire.

Nous verrons plus loin l’intérêt de réaliser ce type d’opérations d’investissement.

Barème fiscal du démembrement temporaire

Le barème fiscal est différent dans ce cas. Il est fiscalement estimé à 23% de la valeur de pleine-propriété par période de 10 ans durant une durée maximale de 30 ans.

Le démembrement temporaire prend naturellement fin à l’issue de la période de démembrement contractuelle. La pleine propriété se reconstitue dans les mains du nu-propriétaire sans fiscalité supplémentaire.

Quels sont les droits pouvant être démembrés ?

Les droits pouvant être démembrés sont les suivants :

  • Sur un bien immobilier,
  • Sur des parts de sociétés civiles immobilières ou SCPI,
  • Sur des valeurs mobilières (actions, obligations),
  • Sur des clauses bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie

Nous avons vu ci-dessus que les biens immobiliers sont, par leur nature, couramment sujets à des opérations de démembrement.

Les valeurs mobilières peuvent aussi être démembrées. Ainsi, par exemple, des actions peuvent être détenues par deux personnes différentes. L’usufruitier touchera ainsi les dividendes. La majorité des droits sociaux restant dans les mains du nu-propriétaire. Nous retrouvons ce cas de figure lors des successions.

Un peu moins connu, nous trouvons aussi le démembrement de clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie. Utilisé dans le cadre de la transmission de gros capitaux via l’assurance-vie, le démembrement de la clause bénéficiaire permet de réaliser des économies de droits fiscaux par rapport à une situation non optimisée. Réservé aux gros patrimoines, avec conseil et à manier avec précaution, car les conséquences du démembrement d’une clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie sont importantes !

2 stratégies patrimoniales peuvent être utilisées par les investisseurs : transmettre de son vivant dans des conditions fiscales avantageuses et investir en démembrement de propriété

Première stratégie : démembrer pour transmettre de son vivant à des conditions fiscales avantageuses

Nous avons déjà évoqué le fait que le démembrement était particulièrement adapté pour les stratégies de transmission de patrimoine de son vivant. En combinant le barème fiscal de démembrement et grâce au jeu des abattements sur les donations, il est possible de transmettre des sommes importantes en minorant considérablement les droits de donation.

L’exemple suivant va vous le montrer. Prenons par exemple le cas d’un propriétaire d’un bien immobilier à usage locatif estimé à une valeur économique de 400 000 €. Cette personne est âgée de 69 ans et a deux enfants majeurs. Monsieur souhaite connaître l’opportunité de réaliser une donation en démembrement de propriété sur ce bien locatif.

La stratégie peut être la suivante : transmission de la nue-propriété du bien.

  Enfant 1 Enfant 2
Valeur vénale 200 000 € 200 000 €
Valeur de la nue-propriété - clé de répartition 60/40 120 000 € 120 000 €
Abattement 100 000 € 100 000 €
Assiette taxable aux droits de donation 20 000 € 20 000 €

Monsieur a 69 ans, la valeur de l’usufruit est de 40 % de la valeur du bien en pleine propriété. Par déduction, la valeur en pleine propriété est de 60 %. En appliquant l’abattement de 100 000 € par enfant tous les 15 ans, l’assiette taxable résiduelle est en l’espèce de 20 000 € par enfant.
Voici le barème de droits de donation en ligne directe parent – enfant

Part taxable après abattement Barème d'imposition
Jusqu'à 8 072 € 5 %
De 8 073 à 12 109 € 10 %
De 12 110 à 15 932 € 15 %
de 15 933 à 552 324 € 20 %
De 552 325 à 902 838 € 30 %
De 902 839 à 1 805 677 € 40%
Plus de 1 805 677 € 45 %

L’enfant paiera ainsi :

  • 5 % sur la part entre 0 et 8 072 €, soit 403,6 €,
  • 10 % sur la part entre 8 073 € et 12 109 €, soit 403,6 €,
  • 15 % sur la part entre 12 110 € et 15 932 €, soit 573,3 €,
  • 20 % sur la part entre 15 933 € et 20 000 €, soit 813,4 €.

Le montant des droits à payer par chaque enfant sera finalement de 2 194 €, soit un peu plus de 1 % du montant du bien estimé… des droits assez limités en somme !

Dans 15 ans, si monsieur est encore en vie, une nouvelle donation pourra à nouveau être réalisée le temps que l’abattement de 100 000 € pour les enfants se reconstitue.

L’usufruitier continue de toucher les loyers du bien jusqu’à son décès. En effet, il s’agit d’un usufruit viager. Au décès de leur père, les deux enfants récupéreront la pleine-propriété du bien sans avoir à débourser quoi que ce soit.

Cette stratégie s’applique également aux donations de parts de SCI (sociétés civiles immobilières) et de SCPI (sociétés civiles de placement immobilier).

L’existence d’emprunts rendra l’opération encore plus intéressante dans le cas de SCI. En effet, dans ce cas, la valeur de la part de la SCI est constituée de la différence entre la valeur de l’actif et du passif. Ainsi, une SCI fortement endettée pourra être aussi transmise en démembrement, les parents conservant l’usufruit et les enfants obtenant la nue-propriété.

Deuxième stratégie :  investir directement en démembrement de propriété

L’investissement en démembrement de propriété est une stratégie intéressante dans la constitution d’un patrimoine immobilier à moindre coût.

Capitaliser l’extinction de l’usufruit temporaire en franchise d’impôt

Investir en démembrement temporaire permet d’acquérir un bien à une valeur économique moindre que sa valeur en pleine propriété. En effet, la valeur de l’usufruit correspondant à la capitalisation économique des loyers sur la durée de démembrement, le prix d’acquisition d’un bien en nue-propriété est beaucoup plus accessible pour les investisseurs.

Neutralité fiscale au titre de l’impôt sur le revenu

Investir en nue-propriété est une stratégie visant à éviter l’imposition des revenus fonciers, puisque par définition, le nu-propriétaire ne touche pas de revenus pendant la période de démembrement. Il ne peut donc pas être imposé sur des revenus qu’il ne touche pas.

Généralement, les programmes immobiliers en démembrement de propriété sont dans le neuf. Cette stratégie d’investissement est adaptée aux investisseurs voulant continuer à investir dans l’immobilier avec une fiscalité maîtrisée. À l’issue de la période de démembrement et de location, le nu-propriétaire récupère le bien en pleine-propriété. Il peut l’habiter, le mettre en location, le donner ou le vendre.

Maîtriser la fiscalité au titre de l’Impôt sur la fortune immobilière

Rappelons que l’IFI est un impôt assis sur le patrimoine immobilier des contribuables. Ne sont concernés que les foyers fiscaux dont l’actif net immobilier dépasse les 1,3 million d’€.

Investir en nue-propriété permet à l’investisseur concerné par l’IFI de faire sortir intégralement de son assiette taxable le montant de l’investissement à sa valeur en pleine propriété. C’est l’usufruitier qui, éventuellement concerné par l’IFI, devra déclarer le bien démembré à sa valeur en pleine propriété dans sa déclaration de patrimoine.

Cette stratégie a du sens pour tous ceux qui veulent continuer à investir dans l’immobilier.

Rémunérer la trésorerie de personnes morales

Pour des personnes morales (sociétés ou SCI) l’achat d’usufruit de parts de SCPI peut être une stratégie de rémunération de la trésorerie disponible. C’était une stratégie très intéressante à l’époque récente des taux d’intérêt très bas, puisqu’aucun placement ne pouvait rémunérer la trésorerie correctement jusqu’à l’an dernier. En effet, il était facile d’obtenir 5% de rendement sur de l’usufruit de parts de SCPI. Avec l’actuelle hausse des taux d’intérêt, cette stratégie a un peu moins de sens au vu des contraintes lié au blocage des fonds pendant la durée de démembrement et les risques spécifiques liées à l’investissement en SCPI. Des alternatives sur le marché obligataire sont aussi de plus en plus intéressantes pour le placement de trésorerie, de surcroît sur des durations plus faibles que l’usufruit de parts de SCPI.

Conclusion

Cet article vous a présenté brièvement toutes les opportunités fiscales et d’investissement associées au démembrement de propriété. Au vu des implications civiles et fiscales que peuvent engendrer la mise en œuvre de telles stratégies patrimoniales, la consultation de votre notaire ou d’un conseiller en gestion de Patrimoine est très fortement recommandée.



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