L'audit énergétique obligatoire pour les ventes de «passoires énergétiques»

L'audit énergétique obligatoire pour les ventes de «passoires énergétiques»

La France a considérablement renforcé la réglementation de son parc immobilier pour s'engager dans la voie ambitieuse de la transition énergétique. Avec ce vaste chantier, l'État s'est fixé des objectifs précis de diminution de la consommation énergétique et de l'empreinte écologique des logements, neufs ou anciens.
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Rédigé par Axel MASSON

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Modifié par Axel MASSON

le 09 Juin 2023

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La loi Climat et Résilience de 2021 a ainsi créé l’audit énergétique qui complète toute une panoplie de mesures concernant le secteur du logement.

1. Le cadre réglementaire de l’audit énergétique 

La réglementation s’attaque en priorité à une catégorie de logement, la passoire énergétique. La passoire a une définition précise : il s’agit d’un logement dont la consommation énergétique dépasse les 450 kW/m² depuis le 1er janvier 2023.

Depuis le 1er avril 2023, l’audit énergétique doit obligatoirement être produit par le vendeur d’une « passoire énergétique », soit un logement classé F ou G selon la classification du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE).

Attention, la définition de la « passoire énergétique » est très évolutive et va devenir de plus en plus restrictive dans le futur !

Pour l’instant l’audit énergétique ne concerne « que » les ventes de logements classés F et G. Mais dès le 1er janvier 2025, l’audit sera rendu obligatoire pour la vente d’habitations classées E, puis aux logements classés D à partir du 1er janvier 2034, soit 2/3 du parc actuel… Un calendrier vraiment serré !

Les départements d’Outre-mer sont avantagés par rapport aux métropolitains dans la course à la mise en conformité énergétique. Les ultra-marins attendront le 1er juillet 2024 pour fournir l’audit lors d’une vente d’un logement classés F ou G. Ces « chanceux » disposeront de trois années supplémentaires pour les logements classés E, soit à compter du 1er janvier 2028.

Si l’audit préconise la réalisation de travaux, ils ne seront pas rendus obligatoires. Le propriétaire pourra ainsi vendre son logement en l’état. En tout état de cause, le futur acquéreur sera informé des travaux à réaliser avant la conclusion de l’acte de vente.

2. Les passoires énergétiques sous les projecteurs et leur réglementation progressive

La passoire énergétique est une notion « juridique » récente. Jusqu’à récemment, la consommation énergétique des logements n’était pas une priorité de l’État sauf dans les cas extrêmes de salubrité publique. Une grande partie du parc immobilier français actuel a été construit/reconstruit après la seconde guerre mondiale. Jusqu’aux années 70, personne ne se souciait réellement de ce sujet : la croissance semblait infinie et l’énergie bon marché.

Avec les chocs pétroliers, la raréfaction des ressources et l’apparition du réchauffement climatique anthropique sur le devant de la scène médiatique et politique, les pouvoirs publics ont fait du secteur du logement une des priorités de la politique globale de maîtrise de la consommation d’énergie.

Tout d’abord, un travail de fond a été mené pour définir des seuils officiels de consommation énergétique. Puis les analyses statistiques du parc menées par les administrations ont permis de classer les logements selon leur consommation. Enfin, avec ce recensement détaillé, un calendrier a pu être élaboré par le gouvernement pour sortir progressivement les « passoires énergétiques » du marché immobilier à la vente comme à la location. Ces dispositions concernent aussi l’immobilier professionnel.

Depuis 2006, toute vente d'un logement est accompagnée d'un diagnostic de performance énergétique (DPE), qui évalue sa consommation d'énergie et ses émissions de gaz à effet de serre. En fonction du résultat, ce logement est classé de A à G, du moins au plus énergivore. Au départ simplement informatif, le DPE est devenu contraignant pour les propriétaires.

Il est intéressant de se pencher sur quelques données statistiques qui ont conduit à la réglementation actuelle.

Répartition du parc immobilier français en 2022 selon la classe DPE

Répartition du parc immobilier français en 2022

Source : ministère de l’Écologie et du Développement durable

Selon l'étude 2022 du Ministère du Développement Durable et de la Transition Écologique, plus de 5 millions de résidences principales, soit 17% du parc immobilier français, sont des passoires. Pour l’immobilier locatif, cette qualification concerne 1,7 million de logements.
Nous avons un parc globalement énergivore puisque moins d’un tiers du parc correspond aux classes A, B et C.
Rappelons qu’à compter de 2034, l’audit sera rendu obligatoire pour tous les logements classés D… Nous mesurons avec ces chiffres l’impact de la réglementation sur le secteur.
Un suivi statistique annuel, réalisé par les notaires, intitulé « Valeur verte des logements » permet de quantifier l’impact de la classification du prix de vente des biens immobiliers selon la note DPE.

Prix de vente médian selon la classe énergétique

Prix de vente médian selon la classe énergétique

Source : Notaires.fr – bilan 2021 de la « valeur verte des logements »

On le voit clairement avec ce graphique, les enjeux financiers sont importants pour les acquéreurs comme pour les vendeurs. La note DPE a déjà un impact considérable sur les prix des logements et discrimine largement les passoires ! Ces dernières subissent une décote massive, sans doute en anticipation des coûts de travaux de mise en conformité. Qui paiera la facture ? le vendeur ou l’acquéreur ? Les deux ? le futur nous le dira…
On rappelle que le prix médian sépare par parts égales l’échantillon : 50 % des maisons classées A-B sont vendues pour un prix supérieur à 292 000 € et 50 % en-dessous de ce prix.

3. Contenu de l’audit énergétique

L'audit énergétique formule des propositions de travaux à effectuer pour améliorer notoirement la performance énergétique du logement concerné.

Il propose des scénari de travaux à réaliser en une ou plusieurs étapes pour faire passer les logements F ou G directement en classe C. Sauf contrainte particulière, la première étape du schéma de travaux doit faire gagner au moins une classe, et atteindre au minimum la classe E.

Pour les logements classés E et D qui sont concernés par l’audit à compter de 2025, l’objectif sera d’atteindre la classe B grâce aux travaux de rénovation. L’audit est remis au candidat acquéreur dès la première visite du bien et joint à la promesse de vente. 

On rappelle que l’audit a un objectif d'information de l'acheteur et n’est pas coercitif. Il est certain que la classe énergétique du logement va devenir un des éléments centraux de négociation du prix entre le vendeur et acquéreur. Si c’est l’acquéreur, il devra inclure dans son budget d’acquisition l’enveloppe travaux. Elle sera vraisemblablement financée soit par crédit bancaire soit sur fonds propres. Si c’est le vendeur, c’est une moins-value sur le prix de vente.

L’audit énergétique comprend notamment :

  • Un état des lieux général du bien (caractéristiques thermiques et géométriques, indications sur les équipements de chauffage, de production d'eau chaude, de ventilation, de refroidissement, d'éclairage) ;
  • Une estimation de la performance du bâtiment, s'appuyant sur le DPE ;
  • Des propositions de travaux permettant d'atteindre la classe énergétique cible.

Pour chaque scénario de travaux l'audit doit indiquer :

  • L'estimation des économies d'énergie ;
  • L'estimation de l'impact théorique des travaux proposés sur la facture d'énergie sous la forme d'une fourchette d'économie de coûts ;
  • L'estimation du montant des travaux ;
  • La mention des principales aides financières mobilisables (nationales et locales).

 

4. Quel coût pour les vendeurs ?

Toute nouvelle réglementation s’accompagne malheureusement de coûts supplémentaires ! L’audit énergétique, réalisé par une entreprise privée, ne fait pas exception…
Le coût de l’audit varie en fonction du bien et de la complexité du travail à réaliser. Pour une maison individuelle, l’audit coûte entre 800 et 1500 € à son propriétaire. En copropriété, les prix varient de 4000 à 10 000 €. Pour les entreprises propriétaires de leurs locaux professionnels, le tarif de base est estimé à 10 000 € pour une PME.
L’audit est nécessairement réalisé par un bureau d’études technique certifié RGE (« Reconnu Garant de l’Environnement »).
Les bureaux d’études peuvent remercier l’État pour leur avoir amené sur un plateau un énorme flux d’activité ! Tant mieux pour ces entreprises qui ont un chiffre d’affaires assuré pour les prochaines années.

5. Les aides pour les propriétaires

Les propriétaires occupants les plus modestes peuvent solliciter le dispositif « MaprimRénov’ » pour financer en partie l’audit énergétique de leur logement. C’est le Revenu Fiscal de Référence (RFR) et le nombre de personnes occupant le logement qui vont déterminer un profil. 4 profils ont été définis : bleu, jaune, violet et rose. En 2023, l’aide peut atteindre 500 € pour un profil bleu, 400 € pour un profil jaune et 300 € pour un profil violet. Les profils rose, les plus aisés, sont exclus du dispositif d’aide. Enfin, une différenciation est faite entre l’Ile-de-France et le reste du territoire pour tenir compte du différentiel du coût de la vie.

Logo Maprimerenov

Conditions pour bénéficier du financement de l’audit par MaPrimRénov’:

  • Le logement doit être construit depuis plus de 15 ans et être une résidence principale,
  • Il doit être situé en France Métropolitaine et en Outre-mer,
  • Le logement est habité au moins 8 mois de l’année,
  • L’audit énergétique est réalisé par un bureau d’étude certifié RGE.

Si l’audit préconise la réalisation de travaux, ils devront être réalisés par des professionnels qualifiés et faire l’objet de factures. MaPrimRénov’ pourra aussi aider les propriétaires occupants à financer les travaux à condition de respecter les plafonds de ressources. Il conviendra, dans la mesure du possible, de faire jouer la concurrence entre artisans en faisant établir plusieurs devis de travaux et les comparer entre eux.

L’éco-prêt à taux zéro

L’éco-prêt à taux zéro permet aux propriétaires occupants et bailleurs d’un bien immobilier de plus de deux ans en Métropole et Outre-mer de financer les travaux de rénovation. Il s’agit d’un prêt sans intérêt et sans conditions de ressources amortissable sur une durée maximale de 20 ans. Les montants prêtés varient de 10 000 à 50 000 €. L’éco-prêt se cumule avec les aides MaPrimRénov’.

Le dispositif est prévu jusqu’au 31 décembre 2023, selon la loi en vigueur actuellement.

Comme type de travaux, on peut citer :

  • Les travaux de rénovation ponctuelle qui améliorent la performance énergétique du logement (par exemple, isolation de votre toiture, changement de fenêtres et/ou de chauffage)
  • Les travaux de rénovation globale qui permettent au logement d'atteindre une performance énergétique minimale
  • Les travaux de réhabilitation de l’installation d'assainissement non collectif par un dispositif ne consommant pas d'énergie

Les modalités pratiques sont décrites sur le site du service public.
D’après un article du Parisien du 23 avril 2023, le dispositif n’est pas du tout en rythme de croisière. Très peu de dossiers ont été validés, les banques rechignant à accorder ces prêts sans intérêt…
Pour les propriétaires bailleurs achetant une passoire énergétique, les travaux de rénovation constituent :

  • Des charges foncières pour les bailleurs en location nue,
  • Des charges pour les loueurs en meublés professionnels et non-professionnels déclarant leur bénéfices industriels et commerciaux (BIC) au régime réel.

Un coup de pouce fiscal a été donné aux propriétaires bailleurs finançant des travaux de rénovation. Le plafond annuel de déficit foncier en location nue est doublé entre 2023 et 2025 et passe de 10 700 € à 21 400 €. Cette mesure incitative temporaire permettra aux investisseurs de déduire davantage de charges de leur revenu global et majorera leur réduction d’impôt sur le revenu.

6. Un calendrier irréaliste ?

Certaines institutions comme l’ADEME (agence de l’environnement et de la maîtrise de l’Energie) et le CNEN (centre national d’évaluation des normes) se sont déjà inquiétées des délais plus qu’ambitieux fixés par la loi. Le rythme de rénovation attendu est tel qu’il n’est pas garanti que les entreprises puissent être en mesure de gérer la masse des chantiers. Enfin, la qualité des DPE laisse parfois à désirer. Cette marche forcée vers la transition verte n’exclut pas des accidents de parcours et de fortes turbulences économiques et juridiques…

Conclusion

L’audit énergétique va rapidement devenir la norme dans le process de vente de la majorité des logements anciens. Même si des aides existent, elles sont limitées en montant et souvent conditionnées à des plafonds de ressources. Le coût de l’audit et les éventuels travaux associés à la mise en conformité énergétique génère des dépenses supplémentaires et alourdissent davantage le coût de la propriété immobilière déjà lourdement taxée par ailleurs…



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