Coup de projecteur sur le déficit foncier en 2023, une opportunité pour les investisseurs ?

Coup de projecteur sur le déficit foncier en 2023, une opportunité pour les investisseurs ?

Le déficit foncier, un dispositif fiscal légal permettant aux investisseurs de réaliser des économies d'impôts.
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Rédigé par Axel MASSON

le 14 Avril 2023

Déficit foncier en 2023

Le Déficit Foncier, un dispositif fiscal de droit commun

Le déficit foncier est un dispositif fiscal de droit commun qui permet à un investisseur qui acquiert un bien immobilier ancien pour le louer d’imputer sur son revenu global des charges, principalement de travaux, dès lors qu’elles sont supérieures aux revenus fonciers perçus. On pourra le considérer comme une « niche fiscale » complètement légale : les dépenses se traduisent par un déficit puis par une réduction d’impôts. Ainsi, le déficit foncier est avantageux pour les investisseurs payant des sommes importantes d’impôt sur le revenu et/ou qui disposent déjà de revenus fonciers à la suite d’investissements locatifs réalisés.

Une précision importante : le déficit foncier n’est pas une loi de défiscalisation immobilière.

Générer un déficit foncier est aisé

Le déficit foncier ne concerne que l’immobilier locatif dans l’ancien et en location nue. La location meublée est par définition incompatible avec le déficit foncier. Mais un investissement en location meublée génère, grâce au régime des bénéfices industriels et commerciaux « BIC », d’autres avantages fiscaux substantiels. Nous ne les détaillerons pas ici.

Les revenus issus de la location nue sont appelés « revenus fonciers ». Ce sont des revenus dits « catégoriels » dans le jargon fiscal. Ces revenus répondent à une logique propre que nous allons détailler.

En résumé :

  Location nue Location meublée
Régime fiscal Revenus fonciers BIC
Déficit foncier Possible Impossible

Le fisc va imposer le bénéfice foncier et non le revenu brut. Pour déterminer le bénéfice, le contribuable est autorisé à retrancher de ses revenus fonciers une liste limitative de charges.

Pour l’imposition de ce bénéfice, le Fisc laisse au contribuable le choix entre deux options : le « microfoncier » ou le « réel ».

Dans le cas du déficit foncier, l’investisseur n’a pas le choix et sera de fait imposé au régime réel. Il devra chaque année compléter une annexe dite « 2044 » à sa déclaration de revenus.

Première règle de calcul :

Dans le calcul des charges foncières, la règle est de séparer les dépenses relatives aux intérêts d’emprunts (et d’assurance de prêt) des autres charges, notamment celles de travaux.
Si les charges de travaux engagés par l’investisseur dépassent ses revenus fonciers de l’année, un déficit foncier est créé. Dans ce cas, l’investisseur est autorisé à diminuer son revenu imposable dans la limite de 10 700 €.

Deuxième règle de calcul :

Si les charges de travaux excèdent le plafond de 10 700 €, elles ne sont pas perdues, heureusement ! L’investisseur peut les « capitaliser » et les reporter sur les revenus fonciers futurs pendant une durée maximale de 10 ans.

Le cas des intérêts d’emprunt :

Les intérêts d’emprunt, même s’ils contribuent à générer le déficit global, ne créent pas le Déficit foncier. Ils vont réduire le bénéfice foncier et minorer leur base taxable. Comme précédemment, les excédents d’intérêts qui ne peuvent pas être imputés sur les revenus fonciers sont, eux aussi, reportés sur les revenus fonciers futurs pendant une durée maximale de 10 ans.

Le contribuable va devoir assimiler ce traitement fiscal différencié des charges foncières. La déclaration 2044 est très claire sur le sujet et les calculs se font heureusement automatiquement. L’investisseur ne peut pas se tromper, il doit juste imputer les charges dans les bonnes cases !

Une nécessaire incitation fiscale à réaliser des travaux

Malheureusement, en France et en particulier dans l’immobilier, il faut offrir à l’investisseur « une carotte » pour déclencher une action de sa part. Nous appelons cela la fiscalité dite « comportementale ». Elle vise à orienter l’investisseur dans ses choix d’investissement.

C’est la situation fiscale de l’investisseur qui va rendre intéressante (ou non) une opération en Déficit Foncier.

Fraction du revenu imposable (pour une part) Taux d'imposisition à appliquer sur la tranche
Jusqu'à 10 777€ 0%
De 10 778 à 27 478€ 11%
De 27 479 à 78 570€ 30%
De 78 571 à 168 994€ 41%
Supérieur à 168 995€ 45%

Source : impots.gouv.fr

Ce sont les contribuables les plus imposés qui sont incités par l’État à investir en déficit foncier. A contrario, les contribuables peu ou pas imposés n’ont aucun intérêt à le faire.

Le Déficit foncier permet de réduire l’impôt sur le revenu selon la formule suivante :

Réduction d’impôt maximum au plafond du Déficit foncier :

  Tranche 30% Tranche 41% Tranche 45%
Formule = 10 700 * (30/100) = 10 700 * (41/100) = 10 700 * (45/100)
Réduction d'impôt 3 210€ 4 387€ 4 815€

C’est en fait le même mécanisme que nous retrouvons avec les plans d’épargne retraite (PER). Avec le Déficit Foncier, l’investisseur créé des charges déductibles du revenu global qui se traduisent par une baisse d’impôt sur le revenu à la tranche marginale.

Autre intérêt, le Déficit Foncier est annuel. Un contribuable-investisseur pourra « jouer » avec cette possibilité. Dans le cas d’un chantier de travaux de longue durée (2 ou 3 ans), le contribuable pourrait déduire à nouveau 10 700 € de son revenu global l’année suivante. Attention, en cas de contrôle par le Fisc, le contribuable devra prouver la temporalité, le montant et la nature des travaux à l’aide des devis et factures des entreprises.

Cette mécanique de réduction du revenu global et le report des déficits sur 10 ans est réellement incitative pour les contribuables-investisseurs, comme nous allons le voir ci-dessous.

La double imposition des revenus fonciers à l’IR et aux prélèvements sociaux

Les investisseurs se concentrent souvent uniquement sur le montant de l’impôt sur le revenu, mais « oublient » curieusement les prélèvements sociaux. Or ceux-ci pèsent lourd dans la balance fiscale. Les revenus fonciers nets sont en effet taxés à deux niveaux :

  • D’abord à l’Impôt sur le revenu selon la tranche marginale du contribuable,
  • ET à 17,2% de prélèvements sociaux.

C’est la « double taxation » des revenus fonciers.

Imposition des revenus fonciers :

  Tranche 30% Tranche 41% Tranche 45%
IR 30% 41% 45%
PS 17,20% 17,20% 17,20%
Total 47,20% 58,20% 62,20%

Les revenus fonciers sont de fait très taxés par l’État. Les investisseurs possédant déjà du locatif et voulant continuer à investir dans l’ancien seront fiscalement incités à le faire en utilisant et en optimisant le Déficit Foncier.

La finalité du Déficit Foncier, outre l’aspect patrimonial, est de créer des déficits reportables importants sur longue période. Cette technique d’optimisation peut ainsi largement minorer l’imposition des investisseurs concernés. Ces économies fiscales sont en réalité du pouvoir d’achat supplémentaire offert à ces investisseurs très taxés. Dans le cas d’un réinvestissement de ces économies, nous parlons de « capitalisation des économies fiscales ».

La principale contrepartie de l’avantage fiscal : louer le bien à la fin des travaux

Réaliser des travaux n’est pas une fin en soi et n’a pas pour objectif de réaliser une opération de défiscalisation. Le législateur a évidemment imposé aux propriétaires de louer au moins trois ans le bien rénové après la réalisation des travaux sous peine de reprise de l’avantage fiscal.

Le calcul de la plus-value immobilière est aussi modifié

En cas d’investissement en Déficit Foncier et lors de la revente du bien par l’investisseur, les règles habituelles du calcul de la plus-value immobilière sont aussi modifiées.

Le prix d’acquisition du bien ne pourra pas, dans le cas de l’investissement en déficit foncier, intégrer le montant des travaux réalisés. La plus-value immobilière est ainsi mécaniquement plus élevée, sauf à attendre 22 ans pour être totalement exonéré d’impôt sur le revenu (30 ans pour les prélèvements sociaux) grâce au jeu des abattements sur la plus-value.

L’investissement en déficit foncier se fait nécessairement sur le long terme sous peine de se faire « reprendre » l’avantage initialement accordé par la fiscalité en sortie. Ce n’est donc pas une activité « spéculative » de marchand de biens.

À cause du politique, le déficit foncier a longtemps été délaissé par les investisseurs

Si on cherche l’origine du plafond de déficit foncier, on peut le voir mentionné dans l’article 156 du CGI (en vigueur du 31 mars 1999 au 01 juillet 2000). Le chiffre à l’époque était de 70 000 francs. C’est exactement la contrevaleur de 10 700 € en retenant le taux de conversion franc / euro de l’époque !

En ne réévaluant pas le plafond pendant des années, l’État a en réalité fait perdre de l’attrait à ce dispositif. En effet, avec l’inflation constatée sur la période, il faut bien comprendre que le pouvoir d’achat de 10 700 € en 2000 n’est pas du tout équivalent à celui de 10 700 € d’aujourd’hui…

Pendant longtemps l’État n’a pas voulu favoriser les propriétaires bailleurs à réaliser des travaux dans l’ancien. En revanche, l’immobilier neuf a été très largement soutenu par un foisonnement de lois fiscales (Périssol, Scellier, Duflot, Pinel). Résultat d’un lobbying intense et efficace de certains acteurs économiques !

Pourquoi donc un doublement du plafond en 2023 ?

La loi de Finances 2023 a voté un doublement du plafond du Déficit Foncier à 21 400 € pour les années 2023, 2024 et 2025. Cette décision a étonné tous les spécialistes qui se sont évidemment réjouis de ce (rare…) coup de pouce fiscal.

Pour bénéficier du doublement du plafond, les travaux engagés doivent être dédiés spécifiquement à la rénovation énergétique.

Un Focus sur les travaux de rénovation réalisés dans les « passoires énergétiques »

Une nouvelle expression est entrée dans le langage courant, il s’agit des « passoires énergétiques ». La réglementation fait désormais la chasse aux logements énergivores.

La loi Climat et Résilience va en effet interdire :

  • La location des logements classés G à partir de 2025,
  • La location des logements classés F à partir de 2028.

Le Diagnostic de performance énergétique, obligatoire et annexé à tout contrat de location, indique la classe énergétique du logement. En fonction de leur consommation énergétique, les logements sont classés de A à G. Les logements « A » sont les plus économes, les logements classés « G » les plus énergivores.

Ce sont les logements classés « F » et « G » qualifiés aujourd’hui passoires qui entrent dans le viseur du déficit foncier majoré.

Ainsi, Les logements G et F après rénovation devront se retrouver dans les classes A, B, C et D pour pouvoir être loués respectivement après 2025 et 2028. Après les travaux, un nouveau DPE devra être réalisé par le bailleur pour prouver le changement de classe énergétique. Des frais supplémentaires qui devront être assumés par les investisseurs…

Voici l’impact fiscal du doublement du plafond de déficit foncier :

Bilan fiscal de la réforme :

  Tranche 30% Tranche 41% Tranche 45%
Nouvelle formule de calcul = 21 400 * (30/100) = 21 400 * (41/100) = 21 400 * (45/100)
Nouvelle réduction impôt 6 420€ 8 774€ 9 630€
Rappel avant réforme 3 210€ 4 387€ 4 15€

L’avantage fiscal devient plus intéressant. Nous ne savons pas encore si ce coup de fiscal sera suffisant pour motiver les investisseurs.

L’échéance de la mesure est fixée au 31 décembre 2025. Les investisseurs devront s’assurer que la totalité des travaux soit achevée et payée avant cette date.

Conclusion

La transition énergétique a opportunément dépoussiéré l’investissement en Déficit Foncier. Ce dernier concerne uniquement l’immobilier ancien, principalement dans les centres-villes des agglomérations, là où se situe la demande locative la plus importante.

Avec la crise actuelle dans l’immobilier neuf, l’ancien va retrouver grâce auprès des investisseurs.

L’investisseur peut piloter lui-même les travaux dans un bien immobilier qu’il possède déjà ou qu’il va acheter. Il peut aussi investir dans un programme « clé en main » estampillé Déficit Foncier.

Ce dernier choix lui permet de déléguer à un maître d’ouvrage la réalisation intégrale du projet de rénovation. Il lui restera juste à choisir l’appartement en fonction de son budget et de sa capacité d’endettement.



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