Assurance-emprunteur : un scandale qui dure

Assurance-emprunteur : un scandale qui dure

Les bénéfices techniques et financiers de l’assurance-emprunteur reviendront-ils un jour aux clients ?
Banques en ligne

Rédigé par Elsa Rédacréa

le 24 Juin 2014

Le lièvre avait été levé en 2007 par l’association UFC-Que Choisir. L’assurance-emprunteur, légalement non obligatoire mais systématiquement imposée par les banques notamment aux emprunteurs immobiliers, a été surfacturée pendant des années sans que ses bénéfices profitent aux principaux intéressés. L’association de défense des consommateurs avait fait les comptes : entre 1995 et 2007, banquiers et assureurs ont « retenu » au moins 15 milliards d’euros de bénéfices qui auraient dû en partie revenir aux emprunteurs. Ce qui équivaut à 1 500 euros en moyenne pour un ménage, somme qui peut être évidemment bien plus conséquente selon le montant et les conditions du prêt souscrit. Et cela peut rapidement monter, à raison de 0,2 à 1 % du crédit… Au total, ce scandale, qui est loin d’avoir atteint son épilogue, concernerait quelque 10 millions de ménages.

Interprétation du cadre légal

Le fond du problème est simple : en vertu du Code des assurances, article L331-3, l'assuré doit recouvrer les surprimes de l’assurance-emprunteur n’ayant pas servi à la couverture des risques et les intérêts qui leur sont liés ― lesdites surprimes étant placées sur les marchés financiers le temps de l’emprunt. Banquiers et assureurs, opposés à une telle restitution de grande ampleur, ont été confrontés en 2012 à une décision du Conseil d’Etat donnant raison à l’UFC-Que Choisir, à la suite des poursuites judiciaires qu’elle avait engagées en 2007 contre trois établissements. Mais rien n’est vraiment gagné, puisque le Conseil d’Etat se contente de déclarer non légale la rédaction d’un article du Code monétaire et financier, qui exclut du calcul de la participation aux bénéfices les contrats collectifs. Mais la haute juridiction reste dans le flou, et laisse largement le choix aux assureurs et banquiers de réinterpréter le droit en leur faveur : l’assurance-emprunteur peut ou ne pas être considéré comme un contrat d’assurance collective en cas de décès de l’assuré-emprunteur, le droit individuel à la participation aux bénéfices devant nul et non avenu… Quant à l’excédent de participation aux bénéfices, difficilement dissimulable, il doit revenir… aux banques elles-mêmes, qui souscrivent les contrats de groupe pour leurs clients. Donc pas de reversement possible à titre individuel… Maladresse intentionnelle du Conseil d’Etat, spécificités techniques du dossier, le malaise de l’assurance-emprunteur a tout pour faire s’engager un vrai bras de fer entre les clients et leurs banquiers… Décidée à aller le plus loin possible pour défendre les emprunteurs lésés, l’UFC Que Choisir tente d’accéder aux pièces comptables des établissements financiers pour prouver le préjudice. Avant la décision du TGI de Paris attendue à l’automne, elle doit réunir les informations données par les emprunteurs eux-mêmes pour alimenter les procédures en sa faveur.
L’association ActionCivile.com entreprend la même démarche, dans le premier objectif d’obtenir une médiation auprès des établissements financiers, puis en cas d’échec, de porter l’affaire devant la justice.
Dans tous les cas, l’action collective sera le moyen pour les emprunteurs-assurés de se faire entendre… mais pas forcément donner raison, car le poids des intérêts est imposant, et les délais de prescription planent sur les décisions judiciaires. Les pouvoirs publics n’ont pas vraiment envie de prendre position, encore moins de faire pencher la balance du côté des consommateurs. Même l’Autorité de contrôle prudentiel, censée surveiller de manière indépendante les pratiques des banques, n’a pas admis le droit individuel au remboursement…



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