Banques, assurances et management au féminin

Banques, assurances et management au féminin

Au surlendemain de la Journée internationale des droits des femmes, banque-en-ligne.fr a souhaité donner la parole à trois responsables, au féminin, de grandes entreprises du secteur bancaire et assuranciel.
Banques en ligne

Rédigé par Elsa Rédacréa

le 10 Mars 2015

Interview croisée de Marie Cheval, PDG de Boursorama Banque, Virginie Fauvel, membre du Comité Exécutif d’Allianz France en charge de l’Unité digitale et Market management, et Sophie Heller, directrice générale d'ING Direct.

Banques-en-ligne.fr (BEL) : Quel regard portez-vous sur votre secteur aujourd’hui, en prise directe avec la révolution numérique ?

Virginie Fauvel : Le monde de l’assurance a longtemps été à l’écart de la révolution numérique. Pourtant, c’est un secteur tout à fait passionnant à « numériser ». Aujourd’hui, non seulement les clients sont prêts, et demandeurs, à utiliser le numérique dans leur interaction avec leur assureur, mais leurs changements de comportement à travers l’utilisation de l’économie du partage (sharing economy) ainsi que la diffusion des objets connectés, dans la voiture ou à la maison, changent notre métier. Ainsi, comment assurer un véhicule qui est utilisé par des conducteurs à chaque fois différents ? Comment mieux protéger une maison qui dispose de capteurs pour détecter une intrusion, un début d’incendie ? Ce sont des changements forts dans notre appréhension des risques. La voiture qui se conduit seule pose elle aussi de nouvelles questions sur les couvertures de risque. Le secteur de l’assurance permet de bien prendre en compte les changements profonds de notre société et même de les anticiper.

Marie Cheval : La banque est une activité qui est dans le quotidien des gens, elle doit donc être à l'avant-poste des nouveaux comportements liés au digital. J'en retiens ceci : la demande de temps réel - quand les e-commerçants comme fnac.com livrent en 24 h, les clients ne comprennent pas qu'il faut attendre pour ouvrir un produit bancaire -, la place grandissante du mobile et les possibilités offertes par la gestion des données. Le challenge est que ces évolutions doivent intervenir en maintenant un haut niveau de sécurité qui est consubstantiel au métier de banquier. Cela impose parfois des choix difficiles.

Sophie Heller : La banque doit changer en profondeur car elle est aujourd’hui fortement en décalage avec les attentes des clients. Plusieurs raisons à cela : d’une part, la digitalisation croissante des usages, couplée à la crise financière de 2008. Dans un climat de défiance fort, le client souhaite pouvoir prendre seul les bonnes décisions en matière de gestion de son argent, grâce aux outils digitaux. Les efforts en matière de digitalisation ont, jusqu’à présent, été essentiellement portés vers les opérations bancaires courantes, mais il faut aller bien au-delà : les banques doivent offrir une plus grande autonomie à leurs clients. D’autre part, les banques doivent prendre en compte l'essor des comparateurs et des réseaux sociaux, qui exigent de leur part un effort de transparence accru : elles doivent absolument ajuster leurs tarifs en fonction du niveau de service effectivement perçu par le consommateur.

BEL : Quels leviers pour votre activité, demain ?

VF : Les leviers sont pour aujourd’hui… La révolution est maintenant. Nous avons besoin de leviers puissants, technologiques, e-marketing, communication, centre de contacts… La révolution numérique nécessite des investissements et un positionnement fort dans l’entreprise. Nous accompagnons nos collaborateurs dans l’appropriation de la culture digitale et leur apportons des méthodes et des outils nouveaux.

MC : Boursorama est né avec Internet et nous sommes donc naturellement digital, nous sommes vraiment organisés pour cela. Nous constatons aujourd'hui une vraie accélération de l'appétence des clients pour la banque en ligne : moins chère, plus facile d'utilisation, Boursorama continue à investir pour gagner en agilité et répondre aux attentes des clients, notamment en personnalisant davantage la relation et en développant de nouveaux services pour la gestion des finances personnelles. Par exemple, la nouvelle interface sécurisée de Boursorama Banque propose de nouvelles fonctionnalités qui permettent de simplifier la vie des clients : l'agrégation des comptes (y compris externes), la catégorisation des dépenses, le service d'alertes, le coffre-fort numérique et Boursoshop, la e-boutique dédiée aux clients Boursorama, autant de services qui leur permettent de gérer simplement leurs finances . Il faut être très à l'écoute des nouveautés technologiques et évidemment des clients !

SH : ING est pionnière de la banque en ligne en Europe : elle a intégré depuis longtemps déjà la dimension digitale dans sa composante banque de réseau. En Belgique ou aux Pays-Bas notamment, elle a simplifié considérablement son offre, et proposé, par exemple, la vente de produits sur mobile. La dynamique du changement repose donc aujourd’hui sur l’autonomisation accrue des clients, plutôt que sur la digitalisation.. Le développement du digital devient un simple levier d’action, auquel s’ajoute la recherche d’un bon compromis entre humain et numérique. Ce nouvel équilibre doit allier le conseil, la personnalisation, et l’éducation financière : nous devons proposer à nos clients des diagnostics et des solutions entièrement sur-mesure.

BEL : Comment l’immersion digitale a-t-elle bouleversé l’approche client ?

VF : L’approche client a été transformée en profondeur. Nous avons une vraie démarche multi-accès et développons des offres et des services digitaux. Nous avons par exemple refondu la UX (expérience client digitale) de A à Z, pensé notre offre en mobile first, renforcé l’approche client de nos centres de contacts. Une transformation digitale est une transformation de l’entreprise.

MC : Je suis tout à fait d'accord avec Virginie. L'approche client est bouleversée, et finalement simplifiée car le client est remis au centre. La clé c'est d'avoir une promesse client hyper claire et tenue. C'est également la simplicité et l'efficacité des parcours de souscription. Cela nécessite investissement et agilité.

SH : Il s’agit plus pour moi d’une accélération que d’un bouleversement. ING Direct est née avec le digital et, grâce notamment aux nouveaux usages collaboratifs, nous sommes entrés depuis 2009 dans un vrai modèle de co-construction avec nos clients et d’optimisation continue de nos process et services. L’ING Direct Web Café en est un excellent exemple, et nous sommes poussés par nos clients à nous adapter au quotidien, pour faire toujours mieux. Ces efforts permettent aujourd’hui à ING Direct d’être très bien classée dans un certain nombre de palmarès concernant les banques, en ligne ou de réseaux.

BEL : Qu’implique le défi posé par de nouveaux modèles, comme le crowdfunding ?

MC : Il me semble que derrière cette idée socialement séduisante, le défi c'est la nouveauté. Est-ce que cela résistera à la croissance des volumes ? Au retournement conjoncturel ? Le cœur du métier de banquier, c'est de savoir prendre des risques et c'est toujours plus difficile sur une activité nouvelle.

SH : Le succès du crowdfunding ou d’autres acteurs alternatifs aux banques, comme le Compte-Nickel ou les plateformes d’échange de devises entre PME, montre qu’il n'y a plus de domaine réservé aux banques, en particulier du point de vue des consommateurs. Ces derniers sont tout à fait prêts à se passer des banques, du fait d’une certaine défiance vis-à-vis des acteurs traditionnels. Même face à une proposition de valeur très précise, le consommateur n’hésite plus à faire un pas de côté et à faire jouer la concurrence. C’est un vrai défi pour nous : nous devons continuer à répondre le mieux possible à nos clients, tout en restant pertinents et compétitifs.

BEL : Comment envisagez-vous la concurrence des FinTech, géants du web à l’appétit aujourd’hui immense ?

VF : Nous envisageons les géants du web comme des partenaires, le digital rend perméables les frontières entre les business. Il semble difficile pour une entreprise de conquérir un leadership sans association.

MC : Il y a beaucoup à apprendre des FinTech, que je vois plutôt comme des partenaires pour acquérir de nouvelles expertises. Il y a également beaucoup de startups très prometteuses en France, qui développent des solutions en matière de sécurité ou de gestion des données, tout à fait intéressantes pour les banques.

SH : L’arrivée de ces nouveaux acteurs comporte bien sûr une part de menaces, mais je préfère, pour ma part, y voir une source d’émulation. En pensant avant tout au client et en étant compétitifs, nous avons plus de chances de mieux affronter cette nouvelle concurrence. Cette émergence comporte une grande part d’inconnu, mais nous pensons que collaborer et s’ouvrir à l’extérieur est inéluctable. A l’ère du Big Data, le secteur bancaire ne pourra pas faire l’impasse sur la coopération avec ces acteurs. Elle devra ainsi s’adapter au partage des données bancaires et non bancaires et à la rencontre des process bancaires et non bancaires. Le consommateur doit pouvoir accéder librement à ses données bancaires, y compris via des tiers. Seule condition à cela : la garantie de sécurisation, à travers notamment des protocoles de type API, et l’indispensable consentement du client lui-même.

BEL : Toutes trois êtes placées au plus haut niveau de responsabilité dans les domaines de la banque, des finances et des assurances : qui, aujourd’hui, douterait de l’ascension des femmes dans ces secteurs… ? ;-)

MC : Personne n'en doute évidemment ! Mais ce n'est pas pour cela qu'il faut considérer que l'ascension des femmes dans ces secteurs est acquise. C'est un sujet sur lequel il faut continuer à progresser, et qui concerne tout le monde. La diversité des équipes c'est l'une des clés pour gagner, encore plus avec le digital.

SH : Rien n’est acquis, en effet ! Nous avons toutes trois la chance de faire partie du comité de direction de nos filiales. Mais à l’échelon national comme international, les femmes se font rares dans les comités de direction des sièges des grandes banques et compagnies d’assurance. Il faudrait que chaque entreprise fasse l’effort, non seulement de faciliter l’accès des femmes à tous les échelons de responsabilité, mais aussi d’agir davantage pour la diversité culturelle et des profils de compétences. C’est le cas d’ING Direct, qui a mis en place un certain nombre d’initiatives en ce sens dont, par exemple, un système de mentoring féminin. Signalons que Financi’Elles, fédération de réseaux de femmes cadres intra-entreprises du secteur financier, travaille au développement des actions, dans nos sociétés, en faveur de la parité.

VF : Ce qui est intéressant, c’est que nous nous connaissons très bien toutes les trois et depuis longtemps. Je n’ai jamais douté de leur succès, elles sont brillantes, impliquées et assument parfaitement leur féminité au sommet du pouvoir. Une clé du succès certainement.



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