Uber Money sur les rails

Uber Money sur les rails

Le géant des VTC vient d'ouvrir une nouvelle entité dédiée aux services financiers, Uber Money, dont l'offre proposera des cartes de crédit et de débit, des portefeuilles numériques pour les chauffeurs et un mode de paiement plus rapide. Illustration d'un mouvement de fond.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 14 Novembre 2019

Le nouveau service financier Uber Money

Les caractéristiques de l’offre Uber Money

C’est lors de la conférence Money 2020 de Las Vegas qu’Uber a présenté officiellement son positionnement dans les services financiers en créant sa division Uber Money. Cette stratégie répond à une nécessité de multiplier ses leviers de croissance mais aussi à une volonté de se saisir et d’exploiter les informations liées au paiement. Uber Money contribue à l’élaboration d’un écosystème financier interne favorisant la fidélisation à la fois des conducteurs et des passagers.

Ainsi, les 4 millions de chauffeurs et de livreurs disposeront de leur argent aussitôt la course effectuée au lieu de patienter pour un paiement hebdomadaire. L’offre comprendra une carte de débit sans frais pour les Américains, liée à un compte délivré par la société de gestion financière et de portefeuille bancaire californienne, Green Dot. Des remises sur essence sont incluses. La gestion de l’argent sera aussi facilitée grâce à Uber Wallet : « les salariés et les épargnants pourront désormais suivre facilement l'historique de leurs revenus et de leurs dépenses, gérer et transférer leur argent et découvrir de nouveaux produits financiers Uber ». 

Outre la relance d’une carte de crédit fonctionnant comme une carte de fidélité, les chauffeurs pourront accéder à un découvert sans frais de cent dollars. Cette alternative aux prêts sur salaire dont les taux d’intérêt sont élevés est pratique pour faire un plein d’essence avant de démarrer la journée de travail. Uber soigne ses chauffeurs alors que la requalification de leur statut de travail indépendant en salarié, et ses conséquences financières, plane plus que jamais.  

Un nouveau relais de croissance pour Uber

Cette tactique de diversification apparaît indispensable pour Uber qui, après avoir accusé une perte de 5 milliards de dollars au deuxième trimestre, creuse encore au troisième trimestre 2019 : -1,16 milliard de dollars (soit une hausse des pertes de 200 millions de dollars en année glissante). Toutefois, ces pertes correspondraient aux dépenses exceptionnelles en lien avec la rémunération en action des employés, au moment de l’arrivée en bourse de l’entreprise au mois de mai dernier. D’ailleurs, le chiffre d’affaires au troisième trimestre (3,8 milliards d’euros, +30% sur un an) est supérieur au consensus.

Selon le patron du groupe, Dara Khosrowshahi, ce chiffre d’affaires devrait continuer de croître au quatrième trimestre. Il anticipe une perte opérationnelle en 2019 autour de 2,8 à 2,9 milliards de dollars, affirmant : « Nos résultats ce trimestre démontrent la profitabilité croissante de notre activité de courses avec chauffeur ». La plateforme revendique 101 millions de membres actifs chaque mois (+26 %) et 1,77 milliard de courses sur le trimestre (+31 %).

Les autres activités sont plutôt dans le vert : Uber Eats (livraison de repas) rapporte 645 millions de dollars (+64 % sur un an) et Uber Freight (service de fret) affiche une hausse important de 78 % (218 millions de dollars). Parallèlement, le géant des VTC a engagé un grand plan pour réduire ses coûts en supprimant, depuis cet été, 1200 emplois, notamment dans les services marketing, l’ingénierie, les services de technologies de voitures autonomes et le service de livraison de repas. Le but : atteindre le seuil de rentabilité d’ici à 2021.

Les géants du web à l’assaut des services bancaires

Avec Uber Money, c’est un nouvel acteur d’envergure qui s’invite au concert des services financiers. Pionnière, Amazon met à disposition depuis plusieurs années déjà des prêts aux PME, une carte de crédit avec JP Morgan et des produits d’assurance santé via sa société commune avec Berkshire Hathaway et JP Morgan Chase. Apple vient de lancer sa carte de crédit, Apple Card, en partenariat avec Goldman Sachs. En dehors du projet de cryptomonnaie Libra, Facebook crée Facebook Pay aux États-Unis, solution de paiement mobile qui permettra l’achat en ligne de produits via les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Whatsapp) et le transfert d’argent entre particuliers.

Cette annonce vient percuter une autre annonce datée du 13 novembre 2019, indiquant que Google Pay proposera, à partir de 2020, l’ouverture d’un compte courant. Le projet « Cache » associe Google à la banque Citigroup et à l’établissement de crédit Stanford Federal. Le porte-parole Craig Ewer précise réfléchir à « comment nouer des partenariats avec les banques et unions de crédits aux Etats-Unis pour offrir des comptes courants intelligents via Google Pay, aidant leurs clients à bénéficier de conseils utiles et outils pour gérer son budget ».

Comme pour Uber Money, cette offre poursuit un triple objectif : diversifier les sources de revenus, fidéliser les utilisateurs et amasser toujours plus de données. Pour Nicolas Croquet, responsable de l'activité Retail Banking, chez Capgemini, « Les données liées au paiement sont précieuses pour des acteurs comme Apple ou Amazon. Elles permettent de mieux comprendre les consommateurs pour leur adresser des offres adaptées et personnalisées ». D’après un rapport récemment publié par Capgemini, deux-tiers des personnes conquises par des acteurs non bancaires pour leurs produits financiers mettent en avant la facilité d’utilisation et l’expérience utilisateur. Ce qui fait dire à Julien Maldonato, associé conseil Innovation chez Deloitte que « l'arrivée des Apple et Uber est presque une chance pour les banques parce qu'elles sont obligées de s'améliorer ».



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