Les économistes appellent à la hausse des taux !

Les économistes appellent à la hausse des taux !

Devant les effets pervers de la politique des taux faibles impulsée par la Banque centrale européenne, plusieurs voix d'économistes se font entendre pour changer la donne. Mais l'institution fait la sourde oreille, poursuivant son objectif de stabilisation des prix et d'une inflation à 2%.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 27 Février 2020

Les économistes appellent à la hausse des taux !

Un objectif d’inflation entre 1% et 1,5% plus convenable

Le 6 février dernier, Christine Lagarde, nouvelle présidente de la BCE, a réaffirmé l’intérêt de poursuivre la politique mise en place par son prédécesseur. L’institution martèle un message de réassurance, vantant les mérites de son action en termes de stabilisation de l’économie de la zone euro, d’efficacité de sa politique monétaire et d’aptitude à intervenir afin de lisser les difficultés dans le temps. L’objectif reste de stabiliser l’inflation à 2%.

Pourtant, les chiffres sont là : le consensus porte à 1,2% l’inflation pour 2020, malgré la réduction du taux de chômage à un niveau jamais atteint depuis le mois de mai 2008. Ce seuil de 2% interroge d’ailleurs les économistes. Dans sa tribune dans Les Echos, Christian Saint-Etienne, professeur titulaire de la chaire d'économie au Conservatoire national des arts et métiers, parle d’un objectif compris entre 1% et 1,5% qui « conviendrait mieux à la réalité monétaire et financière européenne depuis 2015 ».

Le quantitative easing trop agressive pour l’épargne

Déclinant leur analyse dans un article de La Tribune, Marc Guyot et Radu Vranceanu, Professeurs à l'ESSEC, relèvent un changement de cap avec la revue stratégique des principes et modalités d'action de la BCE qui « semble indiquer qu'en dépit des messages rassurants, les dirigeants de la BCE sont à court d'options pour atteindre leur mission, et notamment la cible d'inflation ». Ils notent l’épuisement de la principale arme de l’institution, puisque le taux de prêt à court terme aux banques est nul depuis 2012. Impossible donc de le basculer en territoire négatif.

Achats d’actifs, taxation des dépôts des banques, prêts de long terme aux banques (LTRO, « long term refinancing operations »), les dirigeants de la BCE ne tarissent pas d’éloges sur les résultats de la politique non conventionnelle. Or, les effets pervers existent bien, comme l’exprime Christian Saint-Etienne, dénonçant la politique de quantitative easing « qui a commencé à porter des coups terribles à l'assurance-vie, à la rentabilité des banques de la zone euro et au moral des épargnants qui ne supportent plus la forte chute des rendements de l'épargne. ».

Remonter les taux de 1 point de pourcentage

Plusieurs économistes invitent donc la BCE à remonter les taux, une urgence même pour Christian Saint-Etienne : « il est devenu urgent que la BCE remonte son taux de refinancement (refi) de 1 point de pourcentage en deux ou quatre fois - deux hausses de 50 points de base. Le taux de dépôt serait à + 0,5 % et le refi à + 1 %. ». Il est rejoint par Jean-Marc Daniel, professeur émérite à l’ESCP, qui souhaite que la politique monétaire se donne pour objectif « un taux d’intérêt égal au taux de croissance de cette production potentielle » lorsque celle-ci égale la production.

Jean-Marc Daniel rappelle que si la réduction de la croissance potentielle est avérée depuis deux décennies, elle n’est pas pour autant nulle : « Aux Etats-Unis, d’après l’OCDE, en volume, elle était de 3% à la fin du XXe siècle ; elle est désormais de 1,5%. Ce qui fait une croissance nominale de 2,5%. En France, nous sommes passés, pour les mêmes périodes, d’une croissance potentielle en volume de 2% à 1,25%. Ce qui correspond à une croissance potentielle de 2%. ». Et de remarquer que le taux à 10 ans des Etats-Unis est de 1,6% et nul pour la France. D’où son invitation à remonter les taux en conséquence.

Philip Lan, l’économiste en chef de la BCE, a récemment exprimé sa vigilance « quant à la possibilité qu'il y ait un niveau de taux directeurs en dessous duquel un assouplissement aurait des effets pervers et conduirait de fait à un resserrement des conditions du crédit bancaire : le taux d'inversion ». Alors que les économistes plaident pour une remontée des taux, Philip Lan évoque l'impact d'une...nouvelle baisse, ajoutant tout de même que « le Conseil des gouverneurs surveille attentivement le risque que l'impact des taux négatifs sur la rentabilité des banques puisse nuire à la transmission de la politique monétaire à l'économie réelle. ».  



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