Le marché bancaire est-il en surchauffe ?

Le marché bancaire est-il en surchauffe ?

Le 08 novembre dernier, la clôture de Wall Street se signalait par un nouveau triple record historique pour chacun des trois principaux indices boursiers des États-Unis (Dow Jones, S&P500 et Nasdaq). Que traduisent ces tendances dix ans seulement après la crise des subprimes ? Explications.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 14 Novembre 2017

Le marché bancaire est-il en surchauffe ?

Une décennie, et on oublie ?

2007, Lehman Brothers, quatrième banque d’affaires américaine, fait faillite ce qui entraine le monde financier, bancaire et économique dans une crise sans précédent depuis 1929. La faute aux subprimes, ces actifs immobiliers pourris, allégrement incorporés dans tous les produits financiers complexes. Résultat : le marché s’enraye, les acteurs se méfient, d’autres étouffent, et les banques centrales interviennent pour racheter les titres complètement dévalorisés. Les crédits alloués aux particuliers et aux entreprises sont bloqués, l’investissement est nul, les salariés sont licenciés, le marché de l'emploi atone. Et pour ne pas précipiter tout le monde dans l’abîme, les états font de la relance en s’endettant. Parallèlement, le monde politique s’insurge et tente de reprendre la main sur la sphère financière et ses dérives.

Dans l’Union européenne, l’heure est à la remise en question et à la réforme via l’instauration du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Les nombreux plans de sauvetage permettent de rétablir certaines situations, même si l'emblématique cas de la Grèce perdure. Le pays dispose d’un programme d’assistance qui court normalement jusqu’à mi-2018. Par ailleurs, la menace réelle d’une explosion de la zone Euro s’est apaisée après l’intervention de Mario Draghi le 04 septembre 2012, lorsque le dirigeant de la banque centrale européenne (BCE) a mis en place l’Outright Monetary Transactions (OMT). Ce dernier a permis à la BCE d’effectuer le rachat des bons souverains sans limite sur le marché secondaire.

La BCE maintient depuis des années son arsenal monétaire consacré à la relance du crédit, des prix et de la croissance en zone euro, à l'origine du contexte des taux bas qui rogne les marges de manœuvre des banques contraintes de se tourner vers d'autres produits rentables. Le Fonds Monétaire International a d’ailleurs réévalué à la hausse ses perspectives de croissance à 2,1 % en 2017 et 1,9 % en 2018. La reprise du commerce international et la réduction de l’incertitude politique l’y incitent. Alors, tout va bien Madame la Marquise ? Si la convalescence se poursuit, une crise boursière pourrait bien tout emporter, provoquant un correctif majeur des prix des actifs financiers.

Une bulle financière prête à éclater

La reprise économique est une explication superficielle de l’embellie boursière qui sévit actuellement. En réalité, elle masque surtout une bulle financière dopée par un endettement massif qui s’opère dans tous les pays du monde. Autrement dit : tout s’achète à crédit, qu’il s’agisse des titres financiers, des logements ou des œuvres d'art. Ainsi, les 44 pays les plus importants contractent une dette en cumul de 160 000 milliards de dollars, soit 235 % du PIB mondial contre moins de 200 % lorsque la faillite de Lehman Brothers s’est produite. Autres illustrations : la dette des étudiants aux États-Unis s’élève à 1 300 milliards de dollars, une somme deux fois plus forte en une décennie, tout comme l’endettement des entreprises chinoises dont le montant atteint 160 % du PIB.

D’où vient ce phénomène ? Cette spéculation est issue de la stratégie menée par les banques centrales mondiales qui ont inondé à dessein le marché de liquidités. Si la volonté de relancer l’activité mondiale est louable, un effet induit ressort : l’argent a d’abord nourri la sphère financière, ces gigantesques flots de liquidités perpétrant une bulle spéculative. Ce tableau montre à quel point la mémoire collective est sélective. Pour les mêmes raisons qu’en 2007, un krach boursier est parfaitement envisageable. Mieux, il devrait surgir tôt ou tard, avec des regards insistants tournés vers la Chine dont les désordres financiers sont les plus notables. Les économistes de la Deutsche Bank en expliquent les motifs : « la hausse rapide du crédit en Chine (…), l’énorme secteur du shadow banking, sans oublier une bulle immobilière toujours plus grosse, nourrissent les craintes. ».

Mais d’autres événements dans le secteur bancaire sont autant de signaux d’alerte comme le sauvetage à l'enfilade des banques : la Deutsche Bank en Allemagne, Monte Paschi en Italie ou Banco Popular en Espagne. En France, le secteur semble plus solide. L’année 2016 a même marqué le retour des superprofits pour les banques : 23 milliards d’euros pour les six établissements principaux. En revanche, le constat est moins idyllique pour les banques en ligne qui ne parviennent toujours pas être rentables. C’est ce qu’indiquait le Bulletin des annonces légales obligatoires témoignant de leurs résultats annuels en 2016 : -24 millions d’euros pour Boursorama, -21,2 millions d’euros pour Groupama Bank aujourd’hui Orange Bank, -17,3 millions d’euros pour BforBank, -13 millions d’euros pour Axa Banque, -6 millions d’euros pour monabanq. Si ING Direct et Hello bank! s'exonèrent en rappelant tout de même être « en phase d’investissement », seule fortuneo gagne de l’argent depuis 2011 (+9 millions d’euros en 2016).

Avec une concurrence accrue et un contexte spéculatif évident, la tendance est à l’incertitude. Toutes ne survivront sans doute pas, à l’instar de ce que déclare Danièle Nuy, présidente du superviseur des banques européennes (SSM), à propos de l’ensemble du marché financier en Europe, qui espère « dans les douze mois (…) une cure d’amaigrissement, probablement à travers des fusions ou des fermetures [puisque] de nombreuses banques dans la zone euro ne gagnent pas leurs coûts du capital ». Finalement, si la menace qui plane sur les banques n'était pas tant l'innovation technologique disruptive que leurs propres activités spéculatives. Dans les deux cas, quid du monde bancaire dans un an ? dans une décennie ?



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