Deutsche Bank, empêtrée dans ses difficultés, veut se réinventer

Deutsche Bank, empêtrée dans ses difficultés, veut se réinventer

La 11e plus grande banque mondiale en nombre d'actifs financiers détenus affronte la tempête. Note dégradée, trois années consécutives déficitaires, vaste plan de suppression d'emplois, amende de 7,2 milliards de dollars infligée par les autorités américaines, enquêtes judiciaires : la chope est pleine !
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 19 Juillet 2019

Deutsche Bank, empêtrée dans ses difficultés

18 000 postes supprimés et déjà des polémiques

En mai dernier, devant un parterre d’actionnaires mécontents, le patron du fleuron de la finance allemande, Christian Sewing, avait dit ne pas hésiter à opérer « des coupes drastiques » dans les effectifs. Chose promise, chose due : Deutsche Bank a annoncé, lors d’une réunion du conseil de surveillance, le dimanche 7 juillet 2019, la suppression de 18 000 emplois (un cinquième des effectifs !) dans le cadre d’un plan de restructuration de 7,4 milliards d’euros. Et la polémique enfle un peu plus quand le Financial Time évalue à 52 millions d’euros le montant des parachutes dorés accordés aux dirigeants qui ont quitté Deutsche Bank ces derniers mois.

La banque qui soufflera ses 150 bougies l’an prochain ne disposera plus que de 74 000 collaborateurs en 2022. Au siège de l’établissement à Francfort, le discours de Christian Sewing se veut direct : « Nous présentons aujourd’hui la transformation la plus complète de Deutsche Bank depuis des décennies. Afin de réaliser tout le potentiel de notre banque, nous nous attaquons à tout ce qui est nécessaire : notre modèle commercial, nos coûts, notre capital et notre équipe de direction. ».

Se recentrer sur l’Europe et l’Allemagne

La suppression de milliers de postes concernerait en premier lieu la branche d’investissement et la branche trading d’actions. Localisée à New-York et à Londres, cette dernière serait même complètement abandonnée. Le groupe bancaire veut faire un recentrage sur l’Europe et l’Allemagne. Mais d’autres branches ne devraient pas échapper à la saignée, en particulier les activités d’infrastructure comme les ressources humaines, l’audit et la direction financière. Le mercredi 3 juillet, Deutsche Bank indiquait déjà 1500 départs suite à l’intégration de Postbank, banque avec qui elle a fusionné en 2010 et refusé de revendre en 2017.

Le coût d’une telle réorganisation, chiffré à 2,8 milliards d’euros sur le deuxième trimestre 2019, devrait faire basculer l’établissement bancaire dans le rouge cette année (201 millions d’euros de bénéfices enregistrés au premier trimestre). Aucun dividende ne sera versé en 2019 et en 2020 après une chute colossale du cours de l’action depuis plusieurs années. La prise de parole de Christian Sewing a permis à l’action de la banque de s'offrir un rebond de 2,5 %, elle dont le cours avait dévissé de 10 % après l’annonce du plan de restructuration.

Réinventer Deutsche Bank

C’est un véritable tournant stratégique pour la banque allemande, vingt ans après avoir racheté Bankers Trust, une opération qui lui avait ouvert les portes de Wall Street. Cet achat lançait son aventure américaine dans le secteur du négoce d’actions et du conseil en fusions-acquisitions. Mais la crise des subprimes de 2007 a porté un rude coup à ses positions, la banque d’investissement devenant lourdement déficitaire. Afin de nettoyer son bilan, l’établissement bancaire met en place une « bad bank » pour isoler 74 milliards d’euros d’actifs toxiques. Deutsche Bank aspire à présenter un rendement sur fonds propres tangibles de 8 % à horizon 2022.

La concurrence accrue dans le secteur bancaire et le contexte des taux d’intérêt bas font craindre aux investisseurs que les mesures soient insuffisantes. Dans ses prévisions pour l’an prochain, le groupe lui-même note « une incertitude importante ». Le plan de restructuration doit permettre de réduire ses coûts d’activité de 26 % en trois ans, pour 6 milliards d’euros d’économies. Parallèlement, Deutsche Bank souhaite investir 4 milliards d’euros afin de muscler ses contrôles internes et proscrire de nouveaux scandales.

Soupçons de blanchiment d’argent aux États-Unis

En juin, la banque voyait l’agence de notation financière Fichte abaisser la note du groupe de « BBB+ » à « BBB ». L’institution précisait que « la dégradation de Deutsche Bank reflète sa difficulté continue et son progrès limité dans l'amélioration de sa profitabilité et de la stabilisation de son modèle économique [sanctionnant] une incapacité à résoudre les faiblesses de la banque [qui] pourrait mettre ses ratings de nouveau sous pression ». A cela s’ajoutent l’échec de la fusion avec Commerzbank, qui aurait provoqué un plan de suppression de 30 000 emplois, et l’extension de l’enquête allemande sur la fraude fiscale « cum ex » à 70 anciens et actuels collaborateurs dont le patron de la banque d’investissement, Garth Ritchie, et un de ses prédécesseurs, Josef Ackermann.

Et comme les problèmes volent toujours en escadrille, Deutsche Bank est visée par une enquête fédérale aux États-Unis pour des soupçons de blanchiment. Des transactions financières suspectes ont été signalées par des salariés de la division de mise en conformité. Les supérieurs alertés auraient décidé de ne pas en informer les autorités gouvernementales, d’où le déclenchement d’une enquête par le FBI. Seule bonne nouvelle du moment, Deutsche Bank a réussi le stress test aux États-Unis effectué par la Réserve fédérale. Cette étape franchie permet ainsi à la banque de souffler un peu. Une « excellente nouvelle » pour Christian Sewing qui doit désormais s’efforcer de convaincre actionnaires et salariés du bien-fondé de sa stratégie.



Patrimoine
Construire son patrimoine
L'actualité patrimoine