La Banque dual : du low cost au sur mesure

La Banque dual : du low cost au sur mesure

En entérinant le prolongement de sa politique en septembre 2019, la Banque centrale européenne oblige les banques à repenser leur modèle. Nouveau catalogue, crise des vocations, essor de l'intelligence artificielle : l'offre personnalisée relègue les produits à bas coût plombés par les taux bas.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 13 Février 2020

La Banque dual : du low cost au sur mesure

Le vieillissement des produits bancaires traditionnels

L’environnement des taux bas provoque une baisse des revenus et une contraction des marges des banques. Celles-ci compensent par des volumes d’activité qui culminent à des sommets jamais gravis, tout en profitant des niveaux d’impayés très bas. Mais cette situation n’est pas tenable sur le long terme. Les principaux produits bancaires n’offrent plus suffisamment de rendement pour l’épargnant comme pour le banquier. Le taux du livret A s’affiche à 0,50% depuis le 1e février. Les taux servis en 2019 par les fonds euros des contrats d’assurance vie dévissent à 1,4% en moyenne. Enfin, les taux du crédit immobilier sont descendus l’an dernier, toujours en moyenne, à 1,13%.

Si les banques ne sont pas mécontentes de voir le taux du Livret A diminué, elles militent tout autant pour contraindre l’accès aux fonds euros de l’assurance vie. Certaines relèvent les conditions d’entrée, quand d’autres obligent les épargnants à flécher une fraction plus importante de leur argent sur les unités de compte qui ne garantissent pas le capital. Du côté du crédit immobilier, les banques compensent là encore en produisant toujours plus de prêts, quitte à relâcher les conditions d’octroi. Conséquence : les primo-accédants se pressent, et les emprunteurs font jouer la concurrence et renégocient leur crédit immobilier. D’où les recommandations du Haut conseil à la stabilité financière (HCSF) pour calmer l’emballement.

Les banques ne peuvent donc plus compter sur les produits d’épargne traditionnels pour remonter la chaine de valeurs et ainsi équiper les clients de produits aux marges plus confortables. Les établissements le savent et réagissent en demandant aux conseillers bancaires de vendre de nouveaux produits en catalogue : contrat d’assurances-dommages, solution de location longue durée (LDD) d’automobile, etc. De quoi chambouler le métier de conseiller bancaire conduit à vendre des produits et des services extra-financiers, quand il n’est tout simplement pas zappé de la relation commerciale. C’est le défi relevé par Nickel (1,5 million de comptes ouverts), mais aussi par les néobanques étrangères comme N26 ou Revolut.

La crise existentielle du métier de conseiller bancaire

Là encore, les banques traditionnelles se sont rebiffées en lançant à leur tour des offres bancaires low cost (un compte, une carte bancaire à autorisation systématique et une appli mobile), à 2 euros par mois. Avec son offre Kapsul, la Société Générale a été la dernière à s’aligner sur Eko by CA du Crédit Agricole, Enjoy des Caisses d’Epargne, Essentiel de LCL, Ma French Bank de la Banque Postale, Monabanq du Crédit Mutuel. Quant à BNP Paribas, le groupe bancaire a tout simplement racheté l’ex-Compte Nickel. Mais, paradoxalement, pour se différencier des banques mobiles, les banques traditionnelles continuent de mettre en avant le rôle...des conseillers bancaires, un métier en crise.

Les plans de transformation numérique ont provoqué des fermeture d’agences bancaires et une taille dans les effectifs. Sauf que le président du syndicat national de la banque et du crédit (SNB), Frédéric Guyonnet, relève que « le métier d’employé de banque ne fait plus rêver. On assiste à des turnovers records dans le secteur ». En 2018, les démissions ont représenté 39% des départs contre 24% pour les retraites. Hausse plafonnée des salaires, charge de travail alourdie, image négative véhiculée par les mouvements sociaux : c’est un désamour, alors même que le secteur doit repenser le métier.

Une récente étude Next Content/CGI indique que le conseiller bancaire demeure « la source d’information la plus fiable » pour les clients qui réfléchissent à placer leur épargne ou à investir dans un produit financier. Toutefois, la concurrence des robo advisors (conseils personnalisés construits à partir d’algorithmes) est toujours présente. Plus d’un tiers des Français connectés « pensent qu’un programme informatique peut se substituer au conseiller bancaire pour tout ou partie des recommandations qu’il est amené à formuler ». Et François Jaussaud, expert banque, d’expliciter, dans Les Echos, en quoi le « péril » pèse sur un autre métier de la banque : celui de conseiller financier.

Alors, entre ceux qui prédisent la fin du conseil humain et de l’agence bancaire, sous prétexte que les produits d’épargne sont devenus de vulgaires produits de consommation, et ceux qui perçoivent une opportunité de redonner plus de sens au métier de conseiller bancaire, appelé à faire du sur-mesure, les paris sont ouverts.



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