Mobilité bancaire, où en sont les banques un an après ?

Mobilité bancaire, où en sont les banques un an après ?

L'instauration du mandat de mobilité bancaire en février 2017 avait pour but de faciliter le jeu de la concurrence. Mais ses effets restent discrets. Quelles en sont les raisons ? Quelles sont les diverses stratégies adoptées par les banques ? Tour d'horizon.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 06 Mars 2018

Mobilité bancaire, où en sont les banques un an après ?

Le faible impact du mandat de mobilité bancaire

1 million, c’est le nombre de demandes de mobilité bancaire enregistré sur la plateforme interbancaire instaurée par la Fédération bancaire française (FBF) dans le cadre de l’automatisation des échanges d’informations. Pour rappel, le mandat de mobilité opérationnel depuis le 6 février 2017 est gratuit, accessible à tous et facilite les démarches pour changer de banque.

Toutefois, les observations sur l’intérêt des Français pour ce service restent difficiles à cerner puisque ce type de service était déjà proposé auparavant. Le directeur général d’ING Direct, Olivier Luquet, remarque malgré tout « une légère augmentation » (5 % par an contre 3,5 % les années précédentes en moyenne).

Les Français restent fidèles à leur banque

Pour expliquer ce fléchissement minime des comportements, il faut savoir que les Français sont particulièrement fidèles à leurs banques. Benoit Grisoni, directeur général de Boursorama Banque, précise qu'ils « détiennent le record d’ancienneté en Europe, 20 ans en moyenne ». Pour lui, « la mobilité bancaire est un processus mûrement réfléchi » dans l’hexagone.

Thierry Laborde, directeur général adjoint chez BNP Paribas ajoute que « les gens clôturent peu leurs comptes » estimant qu’il n’y pas « davantage de transferts avec fermeture de compte qu’avant ». Bien qu’en baisse (40 % en 2014 contre 31 % en 2017), le taux de multi-bancarisation participe à cette dynamique de nouvelles ouvertures de compte sans pour autant engendrer de transfert.

Les banques en ligne profitent après la phase de rodage

Autre élément qui a freiné la mobilité bancaire : un dispositif en rodage au moins les six premiers mois constaté par les banques en ligne. Grégory Guermonprez, directeur France de Fortuneo, souligne que « toutes les banques n'étaient pas prêtes le 6 février 2017, trois ou quatre en particulier, il a fallu environ six mois pour que ce soit fluide. Mais ce n'était pas volontaire, plutôt lié à une complexité informatique ». Benoit Grisoni va dans le même sens en évoquant un « vrai challenge [technique] dans les délais prévus par la loi ».

D’après les scores récoltés par l’Agefi, Boursorama a pourtant enregistré 10 à 15 fois plus de mandats entrants que de mandats sortants. L’évolution du nombre de client a grimpé de 30 % sur les 5 premiers mois de 2017 par rapport à l’an passé. Fortuneo connaît une hausse similaire de 25 % et près de 80 % des nouveaux clients ont signé un mandat de mobilité bancaire. Du côté de chez ING Direct, c’est « deux fois plus de demandes de mobilité entrante que sortante. Pour un client parti, trois nous ont rejoints et en clôturant leurs comptes dans l'ancienne banque. ».

Le livret d’épargne, le vrai blocage

Le gros hic du mandat de mobilité bancaire est que son application n’est dédiée qu’aux comptes courants et aux comptes de dépôts à vue classiques. Olivier Luquet d’ING Direct, insiste « la loi Macron est sans doute en deçà de son potentiel : on pourrait étendre le dispositif de mobilité à l’ensemble des produits d’épargne ».

Un crédo défendu par l’UFC-Que Choisir qui milite pour « la gratuité des transferts de comptes d’épargne réglementés (CEL, PEL) » et pour un « système de portabilité bancaire » à l’instar de ce qui se fait dans la téléphone mobile. Or, les banques traditionnelles sont loin d’être réticentes sur la question car elles peinent à conquérir de nouvelles parts de marché.

Des banques traditionnelles face à l’insatisfaction client

L’étude Bain & Company publiée à la fin de l’année 2017 indique qu'elles ne parviennent pas à élargir leur base clientèle depuis quelques années. Plusieurs raisons aboutissent à ce résultat, notamment des frais bancaires en hausse continue et une relation client qui donne de moins en moins satisfaction.

25 % des usagers bancaires se disent prêts à changer de banque si on leur facilite la démarche. Ce score dénote par ailleurs une certaine méconnaissance du dispositif du mandat de mobilité bancaire. 54 % des sondés prétendent ne pas le connaître même si trois quart de ceux qui veulent changer de banque estiment que cette possibilité n’a pas d’influence sur leur décision finale.

La relation client : critère n°1 du taux de satisfaction

L’une des réponses apportées par les banques traditionnelles est la transformation digitale de leurs offres comme de leurs services ou de leurs fonctionnements en interne. Tous les plans stratégiques disposent d’un volet budgétaire imposant pour traiter cette problématique.

Le paradoxe est que le principal ingrédient que mettent les Français pour évaluer leur taux de recommandation d’une banque reste la relation qu’ils ont avec leur conseiller bancaire. Ils sanctionnent ou plébiscitent ensuite la rapidité d’exécution des opérations et des procédures, puis la grille tarifaire. Résultat : améliorer la numérisation pour une banque n’est pas gage d’un client plus satisfait.

Opter pour des services non bancaires : une solution ?

D’autres pensent fournir des produits non bancaires, répondant ainsi aux souhaits d’un tiers des clients. Les banques traditionnelles perçoivent dans la diversification de leur offre une manière de regagner des marges de manœuvre à l’heure où la concurrence des banques en ligne, des néo-banques, des GAFA et d’autres grands acteurs (Orange, Carrefour) se durcit.

C’est le cas avec le service d’assistant personnel Max, lancé par le Crédit Mutuel Arkéa fin 2017. L’agrégateur de compte combine des services financiers personnalisés avec des services hors du champ bancaire (conciergerie). L’étude Bain & Company indique au passage qu’entre 12 % et 14 % des clients pourraient par exemple souscrire un voyage ou un service à domicile via leur établissement bancaire.

Toutefois, Ada di Marzo, experte Service Financier associée au cabinet, rappelle que le besoin de différenciation d'une banque pourrait s'avérer « contre-productif [si] ses clients ne la recommandent pas dans son métier cœur. Il faut d'abord traiter la qualité de service sur les basiques avant de se tourner vers des métiers adjacents ».



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