Moins de distributeurs, moins de cash...

Moins de distributeurs, moins de cash...

Si les paiements en cash reculent suite au changement des habitudes et l'arrivée de nouveaux moyens de paiement, ce constat est également entretenu par la fermeture des distributeurs. Or, celle-ci aggrave la perception de la désertification rurale pour les populations résidentes.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 19 Mars 2019

moins de distributeurs de billets

Fin des DAB, un autre indice de la désertification rurale

Plusieurs témoignages de personnes vivant dans des territoires ruraux se plaignent de la fermeture des distributeurs automatiques de billets. Le journal Les Echos relaie ainsi les propos du maire de Chamboulive, commune localisée en Corrèze : « Nous sommes un « bourg centre » avec un médecin, une école, une Poste et des commerces. Si le DAB s'en va, tout le bourg sera déséquilibré. Les gens feront leurs courses là où ils pourront retirer de l'argent ». Outre les usages des consommateurs, la suppression des DAB intègre une plus large réflexion sur l’aménagement du territoire.

L’absence de tels automates n’est pas si anodine, obligeant les habitants à se déplacer pour aller retirer de l’argent à plusieurs kilomètres. Pour Olivier Gayraud, juriste à l'association de consommateurs CLCV, c’est aussi un « réel problème pour la vie de tous les jours, notamment pour les personnes âgées, qui n’ont pas de moyen de locomotion ». Et les communes s’organisent comme l’illustre l’exemple de Chamboulive dont la collectivité va procéder au rachat des murs de l’agence attenante à la mairie et « de laisser la banque se servir des lieux pour le DAB », en l’occurrence le Crédit Agricole.

La rentabilité des DAB en question

On connaît déjà l'impact des plans de réduction de coûts structurels sur la contraction du réseau des agences bancaires. Toujours dans une optique de rentabilité économique, les banques ferment aussi les automates insuffisamment utilisés. En effet, un DAB ne serait rentable que si les opérations de retrait génèrent au moins 3500 euros de flux par mois. Car le fonctionnement d’un automate réclame aux banques des dizaines de milliers d’euros chaque année. De plus, il n’a pas vocation à l’origine à servir à l’ensemble de la population mais en premier lieu à la clientèle de l’établissement.

Résultats : entre 2015 et 2017, ce sont 2500 DAB qui ont fermé. Fin 2018, la Fédération bancaire française recense tout de même « 54.786 distributeurs et 23.323 points de délivrance d’espèces ». Le débat interpelle aussi la Banque de France qui veille à « garantir qu'il y ait égale accessibilité, égale qualité et égale sécurité de tous les moyens de paiement pour tous les Français. ». Cette problématique embrasse un champ plus large des moyens de paiement. Le comité national des paiements scripturaux, qui rassemble Banque de France, établissements bancaires et trésoriers d’entreprise, rappelle que sa priorité n’est pas de bannir le cash.

28% des dépenses au point de vente se font en espèces

Pourtant, l’institution déroule le tapis rouge pour les moyens de paiements innovants en militant par exemple pour l’usage à partir d’un euro du paiement par carte et le déploiement du paiement mobile. La Banque de France souligne que fin 2018 « en valeur, les paiements en espèce représentent en France 28% des dépenses au point de vente ». C’est tout simplement avec les Pays-Bas (27%) le plus faible niveau en Europe. D’autres pays sont concernés par le recul du cash comme la Suède dont la diminution des espèces est la plus puissante relevée ces dernières années.

D’ailleurs, les retraités suédois s’en inquiètent, arguant leurs difficultés à apprivoiser le paiement par carte bancaire ou par smartphone. Une experte indique qu’il existe « un groupe – des séniors, des sans-papiers, des handicapés mentaux – qui souffre de la disparition rapide de l’argent. Une solution doit être trouvée pour ces personnes marginalisées par la numérisation de la société. ». Idem au Royaume-Uni où une étude indépendante rappelle que « le cash recule, mais la Grande-Bretagne n’est pas prête. Les moyens de paiement numériques ne fonctionnent pas pour tout le monde ». 17% de la population serait ainsi mise en difficulté si le paiement en liquide disparaissait.

Et quid des étrennes, pourboires et autres dons qui nécessitent des espèces ?

Déjà des solutions alternatives sont instaurées comme la cagnottes en ligne. Depuis deux ans, des bornes sont positionnées dans les sites historiques (cité médiévale de Carcassonne, château de Fontainebleau, etc.) pour récolter les dons au service de l’entretien du patrimoine. Le diocèse de Paris se met depuis le début de l’année au panier de quête sans contact, les dons de la messe dominicale étant passés sur écran tactile par carte bancaire. En Suède, l’Église luthérienne propose elle la quête par SMS. Quant aux pourboires, les terminaux de paiement des restaurants et des bars au Canada et aux États-Unis sont déjà configurés pour programmer un pourboire.

En France, les transactions en espèces ont baissé de 3% entre 2016 et 2017. Paradoxalement, les émissions nettes de billets continuent de progresser à des fins de thésaurisation. Erick Laccourège, directeur général des services à l’économie et du réseau de la Banque de France, explique sur France Info : « Selon les types de populations, garder de la monnaie sous son matelas ou dans la lessiveuse - comme on a coutume de le dire de façon imagée - ce n'est pas une vision de l'esprit, c'est une réalité de comportement ». Rappelons qu’il existe en France entre 10% et 15% de population jugée fragile financièrement.



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