Les banques et l'intégration du risque climatique

Les banques et l'intégration du risque climatique

Pour l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), les banques prennent désormais mieux en compte l'analyse du risque climatique mais sous-estiment son effet juridique. Quelles sont les préconisations des régulateurs financiers ? Décryptage.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 23 Mai 2019

Les banques et le climat

Mesurer l’exposition des banques au risque climatique

L’ACPR a récemment publié deux numéros d’Analyses et Synthèses dédiés à la manière dont les établissements bancaires français intègrent les risques liés au changement climatique. Outre l’enjeu majeur de long terme, le secteur financier réunit les acteurs qui financent la transition vers une économie décarbonée. Leur appréhension de cette problématique est donc particulièrement importante.

Par ces travaux, les régulateurs financiers poursuivent deux objectifs : instaurer « les conditions favorables au financement d’une transition ordonnées vers une économie équilibrée et soutenable » et « protéger les institutions financières des risques liés au changement climatique ». Dans la première optique, c’est la transparence des organismes financiers sur leurs expositions qui est questionnée. Dans la seconde, c’est l’identification des risques et les réponses adoptées dans leur gestion « dans une perspective de stabilité financière ».

Le risque physique sous-estimé

Il ressort que les banques ont progressivement intégré l’impact du changement climatique dans l’étude de leurs risques financiers et dans leur mode de gouvernance. Ces mesures répondent à la loi de transition écologique de 2015. Toutefois, l’ACPR relève des lignes de faiblesse encore marquées. Les autorités régulatrices proposent d’améliorer la gouvernance interne en clarifiant l’organisation et le rôle des instances internes de gouvernance des risques, et en incluant les enjeux climatiques dans le cadre interne de gestion des risques. Elles invitent aussi à optimiser les outils d’analyse des risques en développant une cartographie des risques pour un suivi régulier des expositions du crédit à risque, et en systématisant la collecte de données.

Ces mesures permettraient aux établissements bancaires de mieux appréhender le risque physique pour l’heure délaissé du fait que leurs activités soient installées à 95 % dans des zones évaluées comme peu vulnérables. Les banques se réfugient aussi derrière la bonne couverture des Français par rapport au risque de catastrophe naturelle qui limite leurs pertes éventuelles. Petit bémol : les organismes financiers se positionnent en tant que bancassurance, ce qui doit aussi les obliger à réfléchir au problème du risque physique en tant qu’assureur.

Écologie : les recours en justice se multiplient

En revanche, les banques semblent avoir des œillères au sujet du risque de responsabilité, soit la possibilité d’être attaqué par un tiers pour son inaction présumée sur les questions climatiques. L’ACPR note : « La plupart des établissements interrogés considèrent ne pas être exposés à ce risque de façon matérielle », tout en signalant une hausse au niveau mondial du nombre de recours.

L’exemple de l’énergéticien PG&E est évocateur. En janvier 2019, cette entreprise se déclare en faillite pour ne pas avoir à payer 30 milliards de dollars de dédommagements aux centaines de plaignants (particuliers, compagnies d’assurance). Ces derniers l’attaquent en tant que responsable des incendies ravageurs de Californie, le mauvais entretien des câbles électriques ayant provoqué des étincelles sur des terres très sèches, déclenchant la catastrophe.

Les banques face au risque judiciaire

Les États ne sont pas non plus épargnés par cette judiciarisation de l’écologie. Les Pays-Bas ont été poursuivis en justice par l’ONG Urgenda, la justice intimant à l’état d’accroître sa lutte contre le changement climatique. Cette histoire n’est pas sans rappeler la pétition, baptisée L’Affaire du siècle, stigmatisant l’inaction climatique de l’état en France, pourtant censé être en pointe avec l’Accord de Paris sur le climat.  

Les banques doivent donc prendre à sa juste mesure ce risque judiciaire, d’autant qu’elles peuvent être doublement touchées, soit par une action en justice réclamant dédommagements, soit par une hausse du risque de crédit suite au non remboursement de prêt d’une entreprise financée elle-même condamnée. L’ACPR nuance toutefois cette urgence : « L'identification d'un lien de causalité entre les conséquences du changement climatique et l'action d'une entreprise, et a fortiori d'une banque, demeure un défi considérable ». 

Des banques au double discours : le cas des énergies fossiles

L’image des groupes bancaires auprès de l’opinion publique pourrait également rapidement se dégrader sur ces questions environnementales, d'autant que les banques entretiennent l'ambivalence dans un double discours. Malgré les intentions claironnées, le rapport d’un collectif d’ONG, « Banking on climate change 2019 », montre que les banques continuent d’investir dans les énergies fossibles (charbon, pétrole, gaz) : 1700 milliards d’euros.

En France, entre 2016 et 2018, BNP Paribas, le Crédit Agricole, la Société Générale et Natixis ont injecté 125 milliards d’euros. La Société Générale est le deuxième financier mondial de terminaux GNL et le trio BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole finance l’extension d’une des plus grandes mines de bauxites au monde en Guinée. Autre exemple criant de ce double discours avec la Deutsche Bank. Comme convenu en 2017, la banque allemande ne finance plus les projets dans le charbon mais…les sociétés charbonnières via des prêts et des obligations. La Deutsche Bank est le premier financeur de RWE, conglomérat qui pilote quatorze centrales à charbon, ce qui en fait le plus gros émetteur de CO2 de l’Union européenne.

 



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