Taux négatifs : préserver la rentabilité des banques européennes

Taux négatifs : préserver la rentabilité des banques européennes

La facturation des dépôts devient un sujet majeur chez nos voisins européens, alors que les dépôts à vue en France atteignent des records... La France réussira-t-elle à ne pas céder à la tentation de facturer les dépôts à vue les plus élevés ? Perspective.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 16 Septembre 2019

Préservation de la rentabilité des banques européennes

La BCE prolonge la période des taux négatifs dans la durée

La Banque centrale européenne (BCE) souhaite assouplir un peu plus sa politique monétaire. Outre la question de la reprise des achats nets d’obligations (« quantitative easing »), le débat sur les taux négatifs anime les membres du conseil de la BCE. Ainsi, la Bundesbank est favorable à la répercussion des taux négatifs sur les dépôts des clients afin que les banques puissent gérer leurs coûts. La position est diamétralement opposée du côté de la Banque de France qui rappelle : « Aucune banque française n’applique aujourd’hui de taux négatifs aux dépôts des particuliers et des PME ; aucune n’a à notre connaissance l’intention de le faire ». Pour dissuader les établissements bancaires de recourir à cette stratégie, la BdF prône des mesures correctrices. Pourtant, avec un taux à -0,40 % depuis 2016, le coût du placement des liquidités excédentaires déposées à la BCE pour les banques européennes affleure à 7 milliards d’euros, rien que l’an dernier.

Facturer les dépôts : une idée déjà appliquée en Europe

La BCE milite pour un prolongement de cette période de taux négatifs sur les prochaines années, ce qui implique, pour les banques, une baisse durable de leur rentabilité. Pour la préserver, la mise en place d’un mécanisme de tiering aurait pour effet de limiter le coût, pour les banques, d’une fraction de leurs réserves excédentaires. Les auteurs d’une récente étude d’UBS sur l’érosion de leurs marges nettes d’intérêt perçoivent les dépôts comme « un domaine négligé de pricing power où il faut s’attendre à voir les banques agir ». C’est déjà le cas pour certains établissements au Danemark (Jyske Bank) ou en Suisse (Pictet, UBS) qui facturent les dépôts de leurs clients les plus fortunés. En Allemagne, le gouvernement appelle à ne pas répercuter les taux négatifs sur les comptes dont le solde est inférieur à 100 000 euros. Mais la pratique sera déjà actée au-delà de ce seuil, dans un climat où le secteur bancaire allemand est particulièrement peu rentable.

En France, les dépôts sur les comptes à vue explosent  

Dans l’hexagone, le coût de la ressource est tracté par le poids en constante progression de l’épargne réglementée. Les ménages et les entreprises continuent d’alimenter leurs comptes courants qui ne rapportent pourtant rien. Les dépôts à vue ont atteint, en juillet dernier, un point haut historique : 1106 milliards d’euros (+10,4 %). Á l’échelon européen, ils représentent plus de 14 % de ceux comptabilisés dans la zone euro. Une note de la Banque de France souligne que « depuis 2015, les sociétés non financières françaises sont à l'origine de 53% des dépôts à vue, les ménages en représentant 42% ». Pourtant, avec le niveau d’inflation, les taux de rémunération réels ont été négatifs en 2018 : -1,2 % pour les ménages et -1,7 % pour les entreprises non financières. Par ailleurs, les taux moyens de rémunération des encours des comptes à terme oscillent entre 0,77 % et 1,43 %, en juin 2019, ceux des comptes à vue s’établissant à 0,03 %.

En renforçant sa politique accommodante, la BCE pénalise les épargnants et les banques dont la marge d’intermédiation associée aux prêts distribués se contracte. Conséquence : la solvabilité et la rentabilité de leurs fonds propres se dégradent, empêchant les établissements financiers de lever du capital, ce qui doit provoquer la fermeture du robinet du crédit. Á moins de retrouver des marges de manœuvre en facturant, par exemple, les dépôts, comme s'apprête à le faire la filiale française de la banque privée suisse Lombard Odier, à partir du mois d'octobre, en taxant ses clients qui déposent plus d'un million d'euros de liquidités…



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