Scénario de crise : une banque sur trois en péril

Scénario de crise : une banque sur trois en péril

Un tiers des banques dans le monde pourraient ne pas résister à un retournement conjoncturel de l'environnement économique international. C'est ce qui ressort d'une étude réalisée par le cabinet de conseil McKinsey. Or, le ciel s'obscurcit au dessus de la croissance mondiale.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 31 Octobre 2019

Scénario de crise : une banque sur trois en péril

Les banques et la menace du ralentissement économique

Ayant passé au crible un millier de banques dans le monde, le cabinet de conseil McKinsey relève que 35 % affichent une rentabilité sur fonds propres tangibles (ROTE) anormalement faible (évaluée à 1,6 %). Comparativement, 210 banques arrivent à obtenir un score dix plus fois plus élevé. Parmi les établissements en danger, 55 % sont asiatiques et 37 % européens.

La conclusion est sans concession pour les banques qui ne réagiraient pas : le risque majeur de baisser pavillon en cas de gros temps. Interrogé dans Les Echos, Sébastien Lacroix, senior partner en charge du secteur financier chez McKinsey, relaye : « Ce qui peut rendre particulièrement alarmiste, au-delà des enjeux industriels et stratégiques déjà connus pour les banques, c'est le ralentissement de la croissance. On pourrait arriver en bout de cycle ».

Les mauvais augures sont renforcés par une autre nuée de données : 8 banques sur 10 ont une ROTE inférieure au coût moyen de ces mêmes fonds propres. Elles ne parviennent pas à créer plus d’argent que ce que l’argent leur coute, à cause des taux bas et de l’exigence attendue par les investisseurs en matière de rendement.

Des valeurs bancaires qui n’attirent plus

-30%, c’est la chute vertigineuse des valeurs bancaires en 2018 malgré les gains enregistrés (7,5 milliards d’euros pour BNP Paribas, 4,4 milliards pour le Crédit Agricole, 4 milliards pour la Société Générale). Pourquoi une telle tendance baissière des valeurs boursières ? Tout d’abord, les rentrées d’argent se tarissent suite à la moindre rentabilité des opérations de vente de crédits. Dans le viseur : la politique des taux bas qui rogne les marges.

Malgré une hausse de la production de crédits, les banques élargissent donc leur horizon en augmentant leurs commissions et en se déportant sur les assurances crédit. Même si elles peuvent compter sur le prolongement de la politique accommodante des banques centrales, elles anticipent un retournement de situation risquant de provoquer l’arrêt de la demande de crédits des ménages et des entreprises.

Une panne de la croissance conjuguée à une hausse des taux contribueraient également à la hausse rapide des incidents de remboursement. Or, les prévisions de croissance ont encore été revues à la baisse par le Fonds monétaire international (3% du PIB mondial) pour la quatrième fois d’affilée en 2019. De quoi inquiéter les économies exportatrices.

Les banques en recherche de productivité

D’autres éléments lestent la dynamique des banques notamment européennes. La concurrence des néobanques, des banques en ligne et des Fintechs met en exergue des modèles économiques trop lourds. En termes de tarifs bancaires, les acteurs de la banque mobile sont les grandes gagnantes, car elles ont des coûts structurels bien plus faibles.

Résultat : les grands groupes bancaires engagent des plans de transformation numérique tout en réduisant leur réseau d’agences bancaires et le nombre de leurs collaborateurs. Ainsi, 600 000 emplois bancaires ont disparu dans les 28 pays de l'Union européenne, entre 2008 et 2018. Et 2019 ne déroge pas à cette vague de départs (HSBC, Commerzbank, Deutsche Bank, Société Générale, BNP Paribas Fortis, Barclays, UniCredit, Santander, Caixa, etc.).

Les efforts de productivité ont permis d’améliorer la rentabilité jusqu’en 2013 mais ils ne suffisent plus. Sébastien Lacroix indique qu’à peine « 20 % des banques créent 100 % de la valeur ajoutée du secteur. Les banques doivent désormais se concentrer sur leur cœur de métier, sachant que ce cœur de métier va fortement varier d'une banque à l'autre : il peut s'agir d'une focalisation en termes de segmentation de clientèle, de géographie ou même de métiers ».

Vers un recentrage des activités des banques

C’est vrai pour la BNP Paribas et la Société Générale qui ont abandonné leurs activités de trading pour compte propre. Idem pour HSBC, contrainte à un énième plan de restructuration et qui s’interroge sur la poursuite de l’activité de banque de détail en France. Autre illustration avec la Deutsche Bank qui a délaissé ses velléités sur les marchés action aux États-Unis.

Qu'en est-il justement des banques outre-Atlantique ? Selon l’étude McKinsley, aucun établissement américain ne se situe en zone rouge, représentée par les catégories « challengés » ou « résilients ». L’explication trouve racine dans la politique menée par la Réserve fédérale (FED), qui, contrairement à la BCE, a remonté les taux d’intérêts à partir de 2015.

Après s’être établis à 2%, insufflant de l’air frais aux banques, les taux connaissent toutefois une troisième baisse consécutive pour revenir à 1,50-1,75%. Pourquoi ? Parce que les indicateurs ennuagent le ciel de la croissance : indice du secteur manufacturier en berne, ralentissement des créations d’emploi, chiffres des ventes au détail peu reluisants, etc.

La consolidation du secteur bancaire européen comme perspective

En Europe, la BCE continue sa politique ultra-accommodante, nourrissant les établissements bancaires d’une généreuse perfusion en liquidités. Un des biais reste toutefois le maintien artificiel d’entreprises zombies, notamment des banques qui continuent de vivoter, alors qu’une remontée des taux leur serait fatale comme l’exprime l’étude McKinsley. Ne serait-ce pas l’opportunité d’engager une consolidation du secteur bancaire en Europe pour réduire certains coûts?

C’est typiquement le cas des postes budgétaires à mutualiser qui concernent la collecte et le stockage des données utilisateurs. Ces activités obligatoires (lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, identification des clients ou KYC) coûtent annuellement jusqu’à 88 millions de dollars pour une banque mondiale. D’où l’idée d’une centralisation des informations clients au sein d’un seul gestionnaire de données.

Et le Secrétaire général de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) de rappeler, plein de bon sens, que « la banque n’est pas un service public » mais un commerce qui doit être rentable « pour jouer son rôle et assurer le financement de l’économie ».



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