Résilier son assurance Emprunteur : une fenêtre de tir une fois par an

Résilier son assurance Emprunteur : une fenêtre de tir une fois par an

Défendue par certains députés, la résiliation à tout moment de l'assurance emprunteur a été rejetée ce 21 octobre lors d'une réunion mixte paritaire entre les assemblées. Statut quo donc pour les personnes ayant souscrit un crédit immobilier, contraintes de résilier à date anniversaire. Explications.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 27 Octobre 2020

Résilier son assurance Emprunteur : une fenêtre de tir une fois par an

Résiliation de l’assurance emprunteur seulement à échéance annuelle

L’idée de pouvoir résilier son contrat d’assurance emprunteur à tout moment a fait long feu, tuée dans l’œuf lors des allers-retours entre les assemblées législatives. Cette mesure a priori favorable aux consommateurs était soutenue par certains parlementaires et voulue par l’association UFC-Que Choisir. Elle avait même trouvé un écho chez les acteurs, banques et assureurs, exclus du marché.

Car le gâteau de l’assurance emprunteur fait des envieux : 6,84 milliards en 2019. Or, ce marché est accaparé par les principaux groupes de bancassurance à hauteur de 87,5%. Bien que l’assurance de crédit ne soit pas obligatoire en théorie, dans les faits, elle l’est. Comment ? Parce que les organismes qui prêtent de l’argent lors d’un emprunt immobilier l'exigent tout simplement pour finaliser leur offre de prêt.

Pour rappel, l’assurance emprunteur est une assurance décès-invalidité qui garantit la prise en charge, partiellement ou entièrement, du prêt immobilier lorsque l’emprunteur ne peut plus rembourser et faire face à ses échéances, suite à une invalidité, une perte d’autonomie ou un décès. L’assurance emprunteur permet donc à la banque prêteuse de se couvrir, mais aussi à l’assuré de se protéger et de protéger ses proches qui n’ont pas à subir cette charge en cas de problèmes.

Et qui fournit cette assurance emprunteur ? Les banques justement ! Elles profitent de distribuer leur offre de crédit pour y accoler leur contrat maison, généralement avec quelques avantages pour convaincre la clientèle. D’où le monopole de ces grands groupes de bancassurance qui captent près de 50% des cotisations selon l’UFC-Que Choisir, l’association parlant de « situation de rente ».

La situation de rente du juteux marché de l’assurance emprunteur

L’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) évalue à 68 euros le montant encaissé par les banques sur 100 euros de cotisations, le reste étant reversé aux assurés. On comprend mieux que les établissements bancaires fassent tout pour ralentir voire geler le débat, tant la situation de rente rapporte au moment même où les recettes alternatives se tarissent (taux d’intérêts bas, contraintes réglementaires plus strictes).

Un travail qui a fonctionné avec l’annulation de la résiliation de l’assurance emprunteur à tout moment lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Il faut dire que la recherche de compromis sur le sujet n’était pas centrale, puisque les discussions visaient une convergence sur un texte de loi plus large à propos de l’Accélération et la Simplification de l’Action Publique (ASAP).

Le gouvernement par sa représentante, la ministre déléguée à l'Industrie, Agnès Pannier-Runacher, avait d’ailleurs clamé son opposition, arguant que « les banques vont monter le coût de l'assurance, la perversité de ce dispositif pourrait être que les plus vulnérables paient plus. ». Un argument déjà utilisé par les…banques qui prétendent qu’une telle mesure entrainerait la fin des contrats maison groupés (mutualisation) en faveur des contrats individuels, aboutissant in fine à la hausse des cotisations pour les profils les plus fragiles ou précaires.

De la délégation d’assurance à la résiliation à date anniversaire

Pourtant, même si cette marche est ratée, l’escalier réglementaire dessert un nouvel étage régulièrement. D’abord, la loi Murcef de 2001 a proscrit la vente liée d’un crédit et d’une assurance emprunteur, ouvrant la voie à la délégation d’assurance. La loi Lagarde de 2010 a obligé les établissements prêteurs à accepter l’assurance emprunteur autre que le contrat maison au moment de la souscription, si et seulement si les garanties délivrées étaient équivalentes a minima à leur offre.

Conséquence positive : les groupes de bancassurance ont amélioré leur offre pour faire barrière à la concurrence. Reliquat négatif : les délais continuaient d’empêcher le jeu de la concurrence. Faute de temps suffisant pour comparer les solutions du marché, les démarches étaient compromises, d’autant que la résiliation en cours du contrat n’était pas possible (sauf faculté inscrite dans le contrat).

Vint alors la loi Hamon en 2014 qui a permis à l’assuré de changer d’assurance emprunteur gratuitement au cours de la première année du contrat. Une mesure complexe à actionner, dans le sens où les assureurs modifient régulièrement les contrats chaque année. L’attractivité d’un contrat une année ne l’est donc plus forcément l’année suivante.

Enfin, l’amendement Bourquin, voté en 2017 et entré en vigueur au 1er janvier 2018, offre l’opportunité aux emprunteurs de résilier leur assurance de crédit chaque année (à date anniversaire du contrat ou à date d’échéance notifiée dans le contrat). Cette procédure est gratuite et tout refus de la part de la banque doit être motivé. Attention, la nouvelle assurance emprunteur doit toujours afficher au minimum des garanties équivalentes à l’ancienne assurance emprunteur.

Vers une obligation d’informations renforcée pour les assureurs ?

Avec le refus d’une résiliation à tout moment, c’est donc le statut quo. La seule avancée concerne l’impératif pour les banques d’informer « sur support papier ou tout autre support durable » leurs clients sur la date d’échéance, les délais et les formalités à suivre pour résilier leur assurance emprunteur. Une obligation qui incomberait aux assureurs et non aux banques.

Selon Les Echos, un rapport préliminaire du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) considère malgré tout que l’escalier réglementaire a permis aux consommateurs d’être « les principaux bénéficiaires de l'ensemble des réformes, avec notamment des tarifs réduits et des garanties renforcées » (les prix auraient baissé jusqu'à 40%).

Mais pour Alain Bazot, président de l'UFC-Que choisir, la déception est forte : « on installe les consommateurs dans une obligation de vigilance alors qu'on a déjà identifié de nombreuses pratiques dilatoires des établissements pour refuser, juger hors délai, voire ne pas répondre, aux demandes des assurés ». Et de rappeler que « pour les primo-accédants, une année de plus, c'est environ 800 € de perdus. Pour les plus de 65 ans, ça va de 3 à 400 euros ».



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