Crédit Mutuel : retour sur une lutte intestine de plus de 15 ans
À la fin des années 2000 apparaît une tension entre le président du Crédit Mutuel Arkéa, Jean-Pierre Denis et le président de la CNCM, Michel Lucas. Les deux fortes personnalités se querellent sur fond de lutte de pouvoirs qui dérapent en conflit judiciarisé.
Arkéa reproche à l’organe central de l’empêcher de se développer à cause d’une centralisation excessive. S’ajoute un sentiment de favoritisme en faveur du Crédit Mutuel Alliance Fédérale dirigé par Michel Lucas et qui réunit 14 des 19 entités du groupe. De son côté, le Crédit Mutuel Arkéa qui regroupe les fédérations de Bretagne et du Sud-Ouest se sent lésé.
Illustration d’un conflit animé à grands coups de communiqués de presse avec la suppression du poste de Vice-président de la confédération en 2011. Les tensions se multiplient avec, en point d’orgue, la revendication de l’indépendance d’Arkéa par son président au cours de l’année 2014.
Toutefois, Jean-Pierre Denis n’obtient pas gain de cause, puisque la Banque centrale européenne (BCE) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) appliquent leur véto à cette opération en 2018. Même la manifestation de milliers de salariés devant le Ministère de l’Économie et des Finances n’y fera rien.
La bataille s’enkyste alors, secouée entre déclarations incendiaires et nombreux procès. Le retour vers un dialogue apaisé survient avec le départ de Jean-Pierre Denis de la présidence d’Arkéa en 2021. Son remplaçant, Julien Carmona, comprend rapidement que les désirs d’indépendance sont vains. De l’autre côté, Nicolas Théry, en poste depuis 7 ans, est fatigué de composer avec l’entité séparatiste.
L’heure est aux pourparlers, avec une réconciliation engagée à l’été 2022. Malgré des tensions renaissantes à l’automne, les deux parties parviennent à un accord, exprimé le 3 mai dernier, sous la forme d’un « protocole d’accord politique pour un Crédit Mutuel uni et pluriel ».
Accord CNCM et Arkéa : les points de la Charte constitutionnelle
Le texte commun réaffirme les principes de subsidiarité et d’autonomie. Les stratégies sont définies au sein des groupes régionaux dans le respect des règles prudentielles.
Un guide de bonnes pratiques commerciales doit être prochainement rédigé pour compiler le cadre à respecter pour l’activité des filiales respectives. Le respect du principe de territorialité reste la base. En effet, chaque entité développe des groupes internes, à l’instar de la banque en ligne Fortuneo pour Arkéa ou de sa concurrente Monabanq pour le Crédit Mutuel Alliance Fédérale.
La marque nationale Crédit Mutuel reste sous la responsabilité de son dépositaire historique pour tous les adhérents. Néanmoins, des déclinaisons territoriales sont acceptées comme le Crédit Mutuel de Bretagne ou le Crédit Mutuel du Sud-Ouest.
En ce qui concerne la gouvernance, le poste de vice-président délégué rétabli revient au président du Crédit Mutuel Arkéa. Enfin, un droit de veto est offert aux différentes composantes en cas d’atteinte à leurs intérêts vitaux, notamment sur les questions d’emploi, de filiales, de systèmes d’information ou de raison d’être.
Le protocole doit être prochainement traduit dans un projet de révision des statuts du groupe. Il doit être approuvé à la fois lors d’une assemblée générale extraordinaire de l’établissement mutualiste et par le ministère en charge de l’économie comme le requiert le Code monétaire et financier.
Sur le terrain, chaque caisse locale se verra présenter les nouveaux statuts. Les fédérations du Crédit Mutuel Arkéa devront se prononcer sur l’abandon du projet de désaffiliation né il y a 15 ans.
Pour rappel, le Crédit Mutuel Alliance Fédérale affiche un résultat net en 2022 de 3,5 milliards d’euros pour un portefeuille de 30 millions de clients. Le Crédit Mutuel Arkéa sert 5,1 millions de clients et peut s’enorgueillir d’un bénéfice atteignant 551 millions d’euros à la fin de l’année dernière. En tout, le Crédit Mutuel s’impose comme le troisième groupe bancaire en France, derrière BNP Paribas et Crédit Agricole.