Crise immobilière en Chine : un risque systémique pour le secteur financier

Crise immobilière en Chine : un risque systémique pour le secteur financier

Le secteur immobilier chinois est en crise à l'image des difficultés de grands promoteurs secouant l'actualité. L'inquiétude sur une possible contagion à l'économie du pays et au système financier mondial est légitime. En alerte, le gouvernement chinois manœuvre d'ailleurs pour enrayer la spirale négative.
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Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 05 Septembre 2023

Crise immobilière en Chine

L’immobilier dans le rouge, une croissance en berne

Les instances chinoises visent toujours 5 % de croissance annuelle en 2023. Pourtant, la progression du PIB national lors du dernier trimestre n’était que de 0,8 %. Parallèlement, les exportations enregistrent une contraction en juin sur un an pour le deuxième mois consécutif (-12,4 %). En cause, la faiblesse de la demande mondiale. En ce qui concerne les importations, les signaux ne sont pas non plus mirobolants avec une contraction de 6,8 %. Ces chiffres traduisent cette fois une demande intérieure atone marquée notamment par une hausse du taux de chômage chez les jeunes. Cet essoufflement dénote avec la croissance exceptionnelle entrevue en janvier et en février 2023, période faisant suite à la réouverture du pays post-Covid.

Pour sortir de cette stagnation économique, la Chine voudrait pouvoir compter sur l'attraction du secteur de l’immobilier, mais la bulle spéculative a éclaté. Le secteur immobilier a longtemps représenté 25 % du PIB. La croissance économique, l’essor démographique des zones urbaines et la constitution d’une classe moyenne ont dopé le secteur jusqu’à sa surchauffe. Les mesures instaurées comme les incitations fiscales ont provoqué une surproduction des logements.

Ainsi, selon BNP Paribas Exane, entre 2001 et 2021, les ventes de logements en m2 ont été multipliées par 8, alors que le nombre de foyers chinois n’a augmenté que de 14 %. Conséquence : l’offre dépasse la demande à commencer par les régions de second rang. Au fil des années, les prix de l’immobilier fléchissent et les stocks d’invendus grimpent en flèche. Promoteurs et investisseurs voient la machine s’enrayer, la bulle spéculative exploser et les excès en train d’être absorbés. La chute des prix se montre vertigineuse dans certaines villes secondaires (-20 %). Les ventes de logements et les mises en chantier ont été divisées par deux, une dynamique qui revient à balayer en deux ans une croissance obtenue entre huit et dix ans.

D’Evergrande à Country Garden, les promoteurs géants en souffrance

En 2021, la faillite d’Evergrande aura été un signal majeur, le géant affichant un endettement estimé à 300 milliards de dollars. Plus récemment, le défaut de paiement de coupons survenu début août de Country Garden, un des plus importants promoteurs immobiliers du pays, a été un nouveau coup de semonce. Afin d’éviter une faillite risquant de faire dévisser toute l’économie nationale, les créanciers ont trouvé un terrain d’entente au début du mois de septembre. L'énorme dette de 180 milliards d’euros a été rééchelonnée avec un remboursement étalé jusqu’à 2026. Pour rappel, elle sert à achever les logements déjà payés par les propriétaires avant même leur construction.

Ce 5 septembre, l'agence d'information financière Bloomberg indique que le groupe qui emploie 58 000 personnes (contre 73 000 un an auparavant) est parvenu à éviter un nouveau défaut de paiement. Toutefois, l'agence Moody's a abaissé de trois crans la note de solidité du groupe, arguant qu'il n'avait pas de sources de trésorerie suffisantes. Outre des revenus issus à 96 % de la vente de biens immobiliers, la situation précaire est amplifiée par le fait que 60% de ses projets sont situés dans des petites villes, là où le marché est atone et les prix en forte contraction.

Le gouvernement chinois s’affaire donc à ne pas voir tomber ses fleurons. L’idée est d’éviter un effet domino du secteur immobilier aux secteurs bancaire et financier. Cette préoccupation n’est pas illusoire comme le montre l’exemple du fonds Zhongrong. Contrôlée par le conglomérat financier chinois Zhongzhi Enterprise Group, la société fiduciaire est largement exposée au secteur immobilier. Or, début août, elle n’avait pas réalisé ses versements de coupons et de principal sur des dizaines de produits d’investissement. Nouvelle sonnette d’alarme.

Train de mesures mis en place par le gouvernement chinois

Au-delà de la sphère bancaire et financière, c’est toute l’économie du pays qui ressent les secousses de la crise immobilière. Les chantiers sont arrêtés et les logements restent inachevés laissant des propriétaires démunis et endettés. Les fournisseurs ne sont plus payés avec un risque important de faillite d’entreprises, entrainant des licenciements, une vague de chômage et des particuliers concernés eux-mêmes en difficulté pour faire face aux remboursements de leurs crédits souscrits. Sans compter les investisseurs qui ne peuvent récupérer leurs mises et les intérêts censés nourrir leur bilan.

Conscientes de la situation, les autorités chinoises mènent une politique de contrôle des investissements sur les achats de propriétés afin de circonscrire la spéculation immobilière. Elles autorisent également l’accès au marché pour les ménages à faible revenu qui bénéficient par ailleurs d’un vaste programme de construction de logements sociaux. Après avoir réformé son système foncier, l’état poursuit son œuvre avec un nouveau train de mesures spectaculaire annoncé le 31 août dernier : soutien du yuan (monnaie chinoise) via l’assouplissement de règles bancaires, aide directe aux promoteurs, renégociation possible pour les primo-accédants à la baisse de leurs emprunts immobiliers, mise en place de nouveaux fonds pour finaliser les programmes en cours, autorisation pour les fonds de lever de l’argent pour investir dans ce secteur.   

Les autres pays sont attentifs à la situation, car la Chine reste un puissant moteur de l’économie mondiale. Directement ou indirectement, la crise immobilière peut affecter les échanges commerciaux et les marchés financiers, voire contribuer à nourrir les tensions géopolitiques. Pour l’heure, la contagion n’est pas observée, même si la crise immobilière frappe en Europe pour diverses raisons (France, Royaume-Uni, Allemagne…).

Si vous détenez en portefeuille des actifs en Chine, tenez-vous informé de l’évolution de la situation notamment en consultant nos actualités et notre chaîne YouTube.


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