Livret A : un rôle dans le financement de l'industrie de la défense

Livret A : un rôle dans le financement de l'industrie de la défense

Votre Livret A va-t-il aider au développement de l'armée ? Alors que les sources de financement pour ce secteur stratégique manquent, des parlementaires œuvrent pour autoriser le fléchage de la collecte du Livret A à cet effet. Dans quelles mesures ? Explications.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 06 Décembre 2023

Le livret A est un rôle dans le financement de l

Soutenir le secteur de l’industrie de la défense

En France, la BITD (base industrielle et technologique de la défense) réunit 4000 entreprises, des géants cotés au CAC 40 (Airbus Group, Dassault Systemes, Safran, Thales), des entreprises de tailles intermédiaires (ETI), de petites et moyennes entreprises (PME) et de très petites entreprises (TPE). D’après le rapport au Parlement 2022 sur les exportations d’armement de la France, ce tissu industriel représente « environ 200 000 emplois directs et indirects (…) souvent très qualifiés, par nature peu délocalisables, et répartis dans des centres de production et de recherche sur l'ensemble du territoire ».

Avec la guerre en Ukraine, l’état a augmenté le budget pour « être au rendez-vous de l’économie de guerre », misant sur l’innovation et la création d’emplois. Les deux précédentes lois de projets de finances (PLF) ont hissé de manière conséquente le budget d’équipements des forces, qui a franchi la barre des 3 milliards d’euros en 2023. Les crédits de la mission « Défense » culminent désormais à 3,3 milliards d’euros, dans la continuité de la loi de programmation militaire 2024-2030.

Quand l’éthique freine l’ardeur des banques

Le rapporteur et parlementaire Christophe Plassard estime que, nonobstant ces lignes budgétaires, « la capacité des PME de l’industrie de défense à accéder aux financements doit être une priorité ». Or, les banques se montrent réticentes. Pourquoi ? D’abord, car cette catégorie d’investissements n’est pas considérée comme vraiment rentable. Surtout, les banques et les fonds d'investissement sont incités « à se désinvestir du secteur de la défense sur le fondement de raisons éthiques. »

À l’image de l’industrie des énergies fossiles, le secteur de la défense s’écarte des critères environnementaux, sociétaux et de gouvernance (ESG) qui cadrent désormais les choix stratégiques d’investissement. La tendance est aux produits de la finance verte libellés ISR (investissement solidaire et responsable). Ainsi, la commande publique si importante privilégie les recommandations de la loi industrie verte.

Autre source de financement, les fonds étrangers sont drastiquement sélectionnés. Rares peuvent proposer leurs concours, étant donné le caractère très sensible de l’industrie de la défense au niveau national.

Le Livret A à la rescousse de l’industrie de la défense

Face à ce défi, des parlementaires perçoivent la collecte des livrets réglementés comme une ressource à exploiter pour soutenir ce secteur stratégique par définition. Pour rappel, à la fin de l’année 2022, les encours des Livrets A et des LDDS s’élevaient à 510 milliards d'euros (+32 milliards d'euros depuis janvier).
Naît alors un amendement autorisant l'utilisation des fonds collectés sur les Livrets A et les Livrets de développement durable et solidaire (LDDS) pour financer les entreprises de l'industrie de défense française. L’idée a d’abord tourné court en juin dernier avec le rejet de l’amendement inscrit dans la loi de Programmation militaire par le Conseil constitutionnel.

Pour éviter l’écueil de cavalier législatif, la mesure a été proposée et intégrée dans le projet de loi de finances 2024, dit Budget 2024, par le président de la Commission de la défense nationale et des forces armées, le député Renaissance du Rhône, Thomas Gassilloud, du député Horizons de Charente-Maritime, Christophe Plassard, et du député LR de Seine-et-Marne, Jean-Louis Thiériot.

Pas une obligation, mais une incitation

L’adoption de l’amendement est validée au début du mois de novembre après que la première ministre, Élisabeth Borne, ait usé de l'article 49.3 de la Constitution pour faire passer le volet « dépenses » de ce budget 2024. Le ministère de l’Économie précise qu’aucune obligation n’est imposée aux banques, mais que « l’objectif, c’est d’envoyer un signal politique fort et directif envers les établissements prêteurs jugés aujourd’hui trop prudents ».

L’argent des livrets A et des livrets de développement durable et solidaire (LDDS) ne dort pas dans une banque. 60 % partent vers la Caisse des Dépôts qui l’utilise à 70 % pour financer des prêts dédiés aux logements sociaux et des opérations d’urbanisme, et à 30 % pour investir en actions et obligations dans des entreprises françaises.
Les 40 % restants sont exploités directement par les banques où sont souscrits les livrets. L’argent sert notamment à soutenir le tissu des TPE et des PME (Livret A) ou l’octroi de prêt pour les travaux d’habitat associé à l’amélioration énergétique des logements (LDDS). La crainte était de voir une partie de l’argent du Livret A détourner de sa fonction principale : le financement du logement social.

En réalité, la sanctuarisation de l’utilisation de l’épargne du Livret A verrouille cette dérive. Les fonds potentiellement fléchés vers l’industrie de la défense ne pourront provenir que de l’encours géré par les banques privées et non affecté aux HLM. Si l’amendement survit aux différentes procédures législatives, l’épargnant n'aura toutefois pas de visibilité sur la réelle utilisation de son argent.

Désaccord de Bruno Le Maire

Le 23 novembre 2023 sur France Info, Bruno Le Maire a fait savoir sa désapprobation à cette mesure visant à utiliser une partie de l’épargne du Livret A et du LDDS pour financer l'industrie de défense. Le ministre de l’Economie a été très clair : « Le Livret A, pour moi, c'est le logement social et ça doit le rester. Je me suis battu pour que le LDDS serve exclusivement les investissements verts et je souhaite que ce soit le cas ».

Avant d’être définitivement adoptée dans le cadre du projet de loi de finances 2024, cet amendement doit être, selon lui, absolument repris par les parlementaires avant la fin de l’année. Même si l’amendement prévoit de ne pas toucher aux fonds dédiés au logement social, pour Bruno Le Maire, cette mesure n'est pas la seule piste à envisager : « On peut trouver d'autres façons de financer les forces de défense » …Qui aura le dernier mot ?



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