Néo-banque : une banque en ligne vraiment gratuite ?

Néo-banque : une banque en ligne vraiment gratuite ?

Outre la question de la réelle gratuité des néobanques, se pose ici la réflexion sur la rentabilité d'un modèle économique dévolu aux Fintechs. Quelles sont les solutions à terme dans un secteur concurrentiel et sensible : rentrer dans le rang ou affirmer sa différence ?
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 21 Novembre 2017

Néo-banque : une banque en ligne vraiment gratuite ?

Une curiosité évidente à l’endroit des néo-banques

Les néo-banques sont à la mode, entre discours disruptifs, levées de fonds et partenariats avec les banques traditionnelles. Ces banques 100 % mobiles promettent des services moins chers pour les clients, tout en garantissant un accès aux besoins simples via des outils digitaux innovants. Et leur offre attise l’intérêt de centaines de milliers de consommateurs qui viennent observer concrètement les avantages : l’ouverture d’un compte courant en quelques minutes, l’octroi gratuit d’une carte bancaire ou encore le pilotage de son argent depuis l’application mobile.

Les chiffres annoncés valident l'engouement : 730 000 clients pour le Compte Nickel, 150 000 pour Revolut, 100 000 pour N26, 90 000 pour C-Zam, 75 000 pour Morning (banque Edel). Julien Maldonato, associé conseil industrie financière chez Deloitte, apporte quelques nuances : « Il faut distinguer l’utilisateur actif de l’utilisateur curieux. S'il y a en tout un million de curieux qui ont ouvert en France un compte auprès d'une de ces néo-banques, c'est bien, mais ce ne sont pas un million de clients qui génèrent du revenu. ».

Élargir l’offre : une question de survie

La question de la rentabilité du modèle économique de ces pure-players interpelle. Les néo-banques peuvent compter sur des coûts de gestion et de fonctionnement faibles (pas d’agence, effectifs allégés) pour tenter de sécuriser leur chiffre d’affaires jusqu’à un seuil de rentabilité qui les pérenniserait. Comme les banques en ligne. Or, lancées depuis plus d’une dizaine d’années, les banques en ligne ne sont actuellement toujours pas rentables, y compris Boursorama ou ING Direct qui enregistrent plus d’un million de clients. Seule exception : Fortuneo (filiale du Crédit Mutuel Arkéa). Chez les néo-banques, c’est le Compte-Nickel, racheté par BNP Paribas pour 200 millions d’euros, qui parvient à décrocher l’équilibre depuis l’été 2017.

Rares sont les néo-banques qui sont réellement des banques, la plupart présentant le statut d’établissement de paiement. Or, ce statut n’autorise pas l’offre de crédit, sauf à la distribuer dans le cadre d’un partenariat. De plus, les néo-banques travaillent avec des établissements bancaires pour le compte de cantonnement qui héberge les dépôts de leurs clients. Julien Maldonato souligne que « l'enjeu pour survivre demain est d'élargir leur périmètre d'intervention en vendant de nouveaux produits, soit du crédit, soit de l'épargne. Mais tous n'ont pas le statut, ou les partenaires, pour le faire, ou les capacités techniques pour devenir un agrégateur de services financiers. ».

De l’établissement de paiement à la licence bancaire

Les néo-banques aspirent donc à devenir titulaires d’une licence bancaire à l’image de N26, Monzo, Dream, Klarna, Atom Bank, Starling Bank ou Fidor Bank. Mais le coût d’acquisition des clients est élevé, quand les revenus sont faibles malgré des stratégies de monétisation variées : crédits et épargne, commissions interchange, transfert d’argent à l’international, etc. La faiblesse des revenus est due au contexte des taux bas et aux services payants que ne souscrit qu’une part des clients seulement. Souvenons-nous des curieux qui ne s’intéressent qu’à l’accès simplifié à un compte bancaire et à la gratuité de la carte bleue. En réalité, les néo-banques ne sont évidemment pas gratuites, soit en faisant payer une cotisation mensuelle ou en facturant les comptes inactifs. Autres rentrées d’argent : les comptes premium, les retraits et les commissions prélevées lors de transactions par carte chez les commerçants.

Toutefois, le compte courant reste un produit pivot qui offre de précieuses informations sur les clients. C’est le filon que suivent les acteurs de la grande distribution Carrefour Banque et E.Leclerc : cartes de paiements et de fidélité, vers le crédit conso puis désormais la banque du quotidien. Les néo-banques anglaises Revolut et Monzo orientent leur modèle économique vers la « plateformisation ». La première intègre une option d’assurance de smartphone via une collaboration avec Simplesurance, quand la seconde invite à faire des économies d’énergie par le biais d’un changement express de fournisseur d’énergie. Inversement, les applications Pumpkin (Crédit Mutuel Arkéa) ou Lydia convergent vers la néo-banque avec une offre de compte et de carte bancaire.

Se muer en plateforme d’usage

L’expert chez Deloitte ajoute quelques pistes à suivre comme le rôle possible d’apporteur d’affaires comme prestation de monétisation grâce à la connaissance client, ou encore la distribution en marque blanche. Les Fintechs seraient alors imbriquées dans des acteurs traditionnels ou dans des GAFA, peu intéressés pour l’heure par des services financiers aux marges faibles. Cependant, ces géants du web n’hésiteront pas à améliorer le confort de leurs usagers, gage de rentrées publicitaires, en ajoutant cette option sur leur plateforme.

La réflexion trouve écho avec le lancement d’Orange Bank et les avis divergents sur la rentabilité du modèle économique. Certes, la maison mère a moins d’urgence à ce niveau que les néo-banques mais Pierre-Antoine Dusoulier, PDG fondateur d’iBanFirst, affiche son scepticisme : « Quel modèle économique pour une banque issue de l’univers des télécoms et dont les services peu nombreux et à faible valeur ajoutée ne génèrent, par définition, qu’une marge réduite, voire négative ? ».

Pour Julien Maldonato, la plateformisation d’Orange, acteur présent dans les loisirs, les médias et le divertissement, illustre pourtant la voie à suivre : « le futur de la banque consistera à s'intégrer dans les usages du quotidien, à se rendre indispensable en créant de la valeur et pas seulement en vivant des commissions de paiement : évoluer d'une banque de transaction à une banque d'usage. ». L'entrée par le mobile est à ce titre fondamentale.

Pour aller plus loin

En savoir plus sur la définition d'une néo-banque ; et quelles sont elles ?

Quelle est la définition pour une banque mobile ? Et quelles différences entre une banque mobile et une néo-banque ?



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