Les femmes et l'argent : les rapports évoluent délibérément

Les femmes et l'argent : les rapports évoluent délibérément

A l'heure où les débats sur les inégalités salariales hommes-femmes font l'actualité, des études montrent que, si les Françaises gèrent en grande majorité l'argent du foyer, leur prudence reste de mise en dehors du cercle familial. Constat qui se gomme avec les nouvelles générations.
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Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 13 Mars 2018

Les femmes et l

Les Françaises plus frileuses que la moyenne

Les Françaises ont tendance à plus épargner que les Français, mais aussi que leurs homologues européennes. C’est ce qu’a souligné une étude menée par BlackRock en mars 2016. Alors que la moyenne atteint 39 % (hommes et femmes confondus), les Françaises étaient 60 % à épargner, devançant les néerlandaises (59 %). En revanche, si les femmes mettent plus facilement de l’argent de côté que les hommes dans l’hexagone, elles sont moins enclines à investir. Idem vis-à-vis des autres femmes européennes : 58 % en Suède, 25 % en France (40 % pour la moyenne).

Les experts expliquent cette frilosité par un manque de confiance et un côté plus conservateur. Alors que 40 % des hommes en France perçoivent leur avenir financier comme positif, elles ne sont que 28 % à partager cette vision. Automatiquement, ce comportement se ressent dans la répartition des produits d’épargne de leur portefeuille. Celui-ci se compose à 62 % de liquidités, contre 19 % d’assurance-vie, 6 % d’immobilier et 2 % d’actions. Pour les hommes, la part du cash est de 49 %, contre 20 % d’assurance-vie, 9 % d’immobilier et 6 % d’actions.

Réalisée en novembre 2016, une étude d’Allianz vient corroborer ce constat. Les Françaises révèlent une plus forte aversion au risque mais aussi une grande méconnaissance en matière financière. Cette situation l’est par rapport aux hommes mais aussi par rapport aux autres Européennes. L’étude intitulée « Argent, culture financière et risques à l’ère du digital » montre que 5 % des Françaises disposent d’une culture financière correcte (10 % chez les Français). Or, Ludovic Subran, Directeur de la Recherche du Groupe Allianz, estimait que « les femmes doivent faire face à un triple défi : une culture financière insuffisante, une espérance de vie plus longue et de plus faibles revenus ».

L’inégalité salariale pousse à la prudence

26 %, c’est le pourcentage de l’inégalité salariale en défaveur des Françaises. La fonction publique n’est pas épargnée puisque ce pourcentage est de 19 %. Olga Trostiansky, femme politique et présidente du Laboratoire de l’égalité, décline les sources de cette inégalité : « Un tiers de ces chiffres s'explique par le temps partiel, plus répandu chez les femmes, qu'elles l'aient choisi ou pas. Un autre tiers est dû au manque de mixité des métiers (les plus féminisés – aides soignantes, secrétaires, etc. – sont les moins bien payés). Et le dernier tiers relève de la responsabilité directe des employeurs. ». Ce chiffre se répercute aussi dans les niveaux de pensions de retraite qui sont 30 % moins élevés chez ces dames que chez ces messieurs. Idem pour le patrimoine qui est 13 % moindre chez les premières (étude IFOP/UFF).

Le gouvernement déroule actuellement un plan pour lutter contre l’inégalité salariale hommes-femmes et faire appliquer une volonté inscrite dans la loi depuis…1972. Rappelons aussi que ce n’est qu’à partir de 1965 que les femmes ont pu ouvrir un compte bancaire sans avoir préalablement obtenu l’accord tacite de leur mari. Parmi les mesures clés, on peut citer la mise en place d’un logiciel anti-inégalités, d'une batterie de sanctions pour les entreprises ne respectant pas l’égalité salariale et la création d’une task force public-privé. Toutefois, les critiques condamnent le manque de moyen alloué au respect de ces mesures à cause de la suppression des effectifs des inspecteurs du travail.

Les femmes gèrent l’argent du foyer

Pour Catherine Lott-Vernet, consultante en marketing et communication chez Fizzy Ways et coauteur de l’ouvrage « Les filles, osons parler d’argent », le plan gouvernemental « va donner aux femmes un cadre qui leur permettra de se sentir plus légitimes dans leur quête de liberté financière. Il faut que les femmes, dans leur rapport à l'argent, pensent à leur propre construction, qu'elles se convainquent que ce n'est pas honteux. ». Présente lors du Forum Marie Claire 2018 qui a abordé le thème des « femmes et de l’argent », Catherine Lott-Vernet fustige les représentations qui font vénale une femme s’intéressant à l’argent.

L’argent reste donc un tabou à l'extérieur du foyer mais beaucoup moins à l'intérieur du cercle familial, premier objectif de l’épargne des femmes d’où la sécurisation des placements. Selon une étude EuropeanPWN / Pictet&Cie, 90 % d’entre elles connaissent exactement le montant de leurs impôts. Les trois-quarts disposent d’une épargne personnelle et 6 femmes sur 10 effectuent la gestion des comptes avec leurs conjoints. Un tiers (34 %) le font mêmes seules. D’après l’Insee, 63 % des couples ont un compte commun. Mais dès qu’on s'extirpe de la sphère familiale, le tabou resurgit. Deux tiers n’osent pas demander une augmentation de salaire, sachant que la moitié estime ne pas avoir une argumentation suffisante pour en débattre avec leur employeur.

Moins de tabou chez les jeunes générations

Les comportements tendent à changer avec la nouvelle génération. Ariel Steinmann, directrice marketing digital de BNP Paribas et Hello bank!, estime que les Millennials ont moins peur d’évoquer leurs revenus ou leurs dépenses. Catherine Lott-Vernet renchérit : les Millennials « ont grandi avec les réseaux sociaux et l'économie collaborative. Leur rapport à l'argent a évolué par rapport à leurs aînées. Et l'éducation reçue est un facteur d'accélération de ce changement. Les Millennials ont une conception de l'économie du couple plus ouverte. Leur vision de l'avenir lointain, de l'épargne, de la retraite, dépendra de la transparence dans laquelle ils auront été éduqués. ».

Une étude menée par Linxo en juin 2016 illustre ce changement puisque 42 % des utilisateurs de l’application dédiée à la gestion budgétaire et à l’agrégation de comptes bancaires étaient des femmes. Surtout, dans la catégorie des 18-35 ans, les femmes (20 % chez les 18-24 ans et 39 % chez les 25-34 ans) sont plus nombreuses que les hommes (respectivement 16 % et 37 %). Quant à la question initiale de la méconnaissance des questions financières, il est notable d’observer que la banque est pourtant un secteur féminisé.

En 2016, la Fédération bancaire française (FBF) chiffre à 46,6 % la part des femmes à des postes de cadre (+ 7 points depuis 2007) et 56 % des nouvelles embauches sont revenues à des femmes. Selon le palmarès Ethics and Boards 2016, 40,1 % des places au sein des conseils d’administration des grandes banques de l’hexagone étaient dévolues à des Françaises. A ce titre, la FBF se félicite d’être en conformité avec les objectifs de la loi Copé-Zimmermann.



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