Banque « plate-forme » et « en kit » : le scénario pour les banques traditionnelles ?

Banque « plate-forme » et « en kit » : le scénario pour les banques traditionnelles ?

A l'ère de l'open banking et de la concurrence accrue, les banques n'ont pas d'autres choix que de modifier leur modèle pour devenir à la fois des producteurs de services et des plateformes de distribution. Quels sont les exemples en cours ? Tour d'horizon.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 10 Juillet 2018

Banque « plate-forme » et « en kit »

La plateforme : le modèle du futur pour les banques du passé ?

Déjà en juin 2016, l’ancien directeur du numérique pour le monde de Citi Group, Greg Baxter, insistait sur le fait que la banque du futur devait devenir une plateforme. Il explicitait au journal La Tribune la politique du géant américain : « Notre stratégie a évolué : le numérique était un but, une destination. Nous avons mis l'accent sur le « mobile first » et le « digital first », pour devenir la meilleure banque digitale au monde. Nous l'avons réorientée sur la priorité donnée au client, qu'il soit grand public ou grande entreprise, et sur la nécessité de se connecter à l'écosystème. Citi étant la banque des multinationales, notre objectif est de devenir une plateforme pour le commerce mondial ».

Robotique, cloud, intelligence artificielle, l’ex Monsieur Digital de Citigroup dessinait déjà toutes les voies de la transformation numérique des banques autour des données : « La technologie qui a le plus de potentiel pour nous c'est le big data et l'analytique. Citi étant une des plus grandes banques du monde, cela nous donne accès à une masse de données que personne n'a : nous voyons notamment les flux du commerce mondial, et l'on pourrait améliorer la chaîne logistique en exploitant nos données. Nous travaillons dessus, nous avons des data scientists. Nous disposons, avec toutes ces données, d'un actif unique, le plus sous-évalué. ». A l’heure où la banque américaine envisage de se déployer en France, les progrès de la robotique font dire à l’actuel président, Jamie Forese, que 40 % d’emplois dans la banque d’investissements devraient disparaître d’ici 5 ans.

Open banking, DPS2 et plateformisation

L’exemple de Citigroup évoque cette "plateformisation" des banques. Entendons par là les intermédiaires qui structurent le marché de clients et de fournisseurs autour de leur interface technique. Autrement dit : une place de marché réunissant des produits et des services financiers de la banque détentrice mais aussi d’établissements concurrents. Outre la pression mise par les nouveaux entrants que sont les Fintech voire les géants du web, les contraintes réglementaires poussent en ce sens. Ainsi, la Directive sur les services de Paiement (DSP2), effective depuis le 13 janvier 2018, a eu trois conséquences majeures : le statut obligatoire d’établissement de paiement pour les sociétés œuvrant dans ce domaine, l’ouverture des systèmes d’information des banques à des tiers via des API, et l’incitation à augmenter le niveau de sécurité des paiements pour réduire le risque de fraude.

Ce processus d’open banking modifie les règles du jeu et les gains de parts de marché plus orientés vers l’accès aux données autour d’un écosystème de partenaires. Les banques sont à un carrefour. Elles peuvent rester en l’état sans s’ouvrir à des tiers, ce qui est incompatible avec la réglementation. Scénario plus radical, elles peuvent basculer uniquement sur l’infrastructure dénuée d'interfaces clients et de produits bancaires. Elles peuvent ne plus délivrer de produits et de services exclusifs mais uniquement formuler une offre ouverte à ceux des tiers. Enfin, elles peuvent devenir des producteurs pour des plateformes de distribution tierces. Associé Innovation chez Deloitte, Julien Maldonato estime que « les banques ont la possibilité de se positionner comme des usines, afin de répondre à de gros appels d'offres de grands acteurs comme les Gafa, tels qu'Amazon. Ce scénario est probable ».

La Société Générale complète son catalogue d’API

Outre Citigroup, ce dernier scénario est une voie déjà empruntée par plusieurs acteurs à l’image de Singapour DBS qui a lancé en 2017 une vaste plateforme bancaire d’API, ou de la banque espagnole BBVA et son programme BBVA API Market qui ambitionne de devenir « la meilleure plateforme sur laquelle construire de nouvelles expériences digitales ». BBVA ne perd pas non plus l’idée qu’il s’agit aussi d’une opportunité lui permettant d’obtenir de « nouvelles sources d’acquisition de clients et d’origination de prêts ». En France, Frédéric Oudéa exprimait son intention aux Echos, à la fin de l’année 2017, de faire évoluer la Société Générale en plateformes. L’objectif est double : enrichir de nouvelles sources de revenus et conserver la relation client et leurs précieuses données.

Philippe Hubert, directeur de la stratégie du système d'information des réseaux France chez Société Générale, explique appliquer « la même logique qu’Amazon ou la Fnac » en complétant « le catalogue d’API à destination d’acteurs tiers ». L’idée est de s’adresser aux banques digitales qui veulent développer leur offre. Ainsi, Orange Bank a proposé une solution de crédit conso à sa clientèle dans son application via une API qui n’est autre en réalité qu’un produit conçu par la Société Générale, permettant aux deux acteurs de « mutualiser des investissements significatifs ». Pour Philippe Hubert, il est important d’être partie prenante dans le développement de l’offre des néobanques sous peine d'être mis à l'écart. Quant aux rentrées d’argent générées, le modèle varie entre une facturation à la consommation ou un tarif sur-mesure.

La BPCE mise sur sa banque en kit Fidor

La BPCE adopte également cette stratégie de banque en kit grâce aux API. Elle proposera prochainement une offre incluant les API devenues obligatoires par la réglementation européenne et des API d’autres produits et services. Le public ciblé regroupe notamment les Fintech et les acteurs du e-commerce. Erwann Guigonis, responsable plateforme open banking chez BPCE, précise : « Notre priorité sera de développer des applications pour les particuliers comme le paiement pour le compte de tiers, le crédit et la vérification d'identité […] D'ici quelques années, il sera possible de faire son crédit immobilier très simplement sur le site web d'un partenaire sélectionné. ».

Parallèlement, le groupe BPCE avance sur le dossier de sa néobanque Fidor qui aspire à devenir « une platefome d’agrégations de services financiers » dont la majorité proviendra d’acteurs tiers à l’instar des huit Fintechs déjà retenues : Bolden, Depopass, eToro, Le Pot Commun, Raisin, WeDoGood, Yomoni et Younited. Et Philipp Blankenagel, directeur de la communication de solarisBank, plateforme fournissant des briques logicielles de services financiers auprès de 65 clients, de conclure « c'est un mouvement qui va prendre de l'ampleur : les établissements bancaires traditionnels veulent tous construire leur banque digitale et nous pouvons les aider à le faire plus vite ».



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