Banques : la mutation à marche forcée n'est pas sans turbulences sociales

Banques : la mutation à marche forcée n'est pas sans turbulences sociales

Les tensions sociales couvent. La parution d'une étude de la CFDT Banque et Assurance indique que seuls 3 des 16 objectifs fixés dans l'accord de branche 2014-2018 ont été respectés. Parallèlement, les banques ont bénéficié d'allégements de charges sociales et fiscales.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 20 Septembre 2019

Un accord de Branche trop dur à appliquer ?

Accord de branche : le compte n’y est pas

9,7 milliards d’euros, c’est l’enveloppe perçue par les entreprises du secteur bancaire entre 2014 et 2018 dans le cadre du pacte de responsabilité. Obtenu par extrapolation à partir d’un panel, ce chiffre provient d’une étude menée conjointement par les cabinets Ethix, Sextant et Syndex pour la CFDT Banque et Assurance. Rappelons que le pacte de responsabilité, engagé sous la gouvernance Hollande, avait comme mots d’ordre : allégements de charges sociales et fiscales pour les employeurs contre objectifs à atteindre en termes d’emploi et de dialogue social.

La CFDT Banque et Assurance estime que le compte n’y est pas. Seuls 3 des 16 objectifs de l’accord de branche sont respectés : le recrutement, la définition d’un socle de compétences numériques et la proportion de cadres femmes. Le syndicat se désole que les autres objectifs n’aient été que partiellement réalisés, quand ils ne sont pas totalement ignorés. Logique alors d’assister à des tensions, d’autant que l’emploi est de moins en moins stabilisé. Exemple avec la suppression de 500 postes dans la filiale de services aux investisseurs de BNP Paribas.

Montée en compétences : les plans de formation professionnelle insuffisants

Dans cette lignée, la Société Générale annonce une coupe dans ces effectifs à hauteur de 1600 emplois. Luc Mathieu, secrétaire général de la fédération CFDT banques et assurances, remarque : « Dans certaines banques mutualistes, les directions affirment que le temps dégagé doit permettre aux salariés d’approfondir la relation avec le client. Dans d’autres, comme à BNP Paribas ou à la Société Générale, cela permet de faire baisser les effectifs. ». Toutefois, Pascal Colin, délégué national adjoint de la CFTC (3e syndicat), tempère : « Confrontée à un environnement difficile et concurrentiel, la Société Générale se recentre sur son cœur de métier et tente de maîtriser l’évolution de ses frais généraux ».

Les syndicats sont malgré tout unanimes pour dire que les salariés vivent mal ces transformations. Le métier de banquier change, avec des compétences à redéfinir. Les clients effectuent désormais en ligne les opérations de banque du quotidien. Conséquences : les agences, quand elles ne ferment pas, doivent être réorganisées et repensées autour de l’expertise et du service personnalisé. Luc Mathieu ne dit pas autre chose : « Toute une population de salariés doit monter en compétences, nous devons gérer des reconversions, anticiper la disparition de certains métiers et l’apparition de nouveaux ».

Des charges de travail plus lourdes, des rémunérations bloquées

C’est un facteur de stress qui, avec des charges de travail plus importantes (à l’image d’agences bancaires ouvertes à des plages horaires élargies), se répercute à travers la multiplication de cas d’épuisement professionnel, la hausse du turnover dans les effectifs notamment chez les jeunes, et le désintérêt croissant de l’implication des travailleurs. Franck Brunella, délégué syndical de la branche Banque Populaire, s’alarme : « Le réglementaire surcharge nos établissements. Parallèlement, il y a de moins en moins de créations de postes et de remplacements des démissions et des départs à la retraite ».

Outre les questions de qualité de vie au travail, la rémunération demeure un sujet central quand les primes se substituent aux augmentations de salaire. Didier Mérignac, délégué syndical groupe SNB du Crédit Mutuel Arkéa, explique : « Notre direction souhaite revoir à la baisse les congés, le système d’avancement automatique mais aussi les fiches de postes, avec des responsabilités qui progressent bien plus que la grille de salaires ».

9,7 milliards d’euros entre 2018 et 2022

Tous ces sujets sont bien évidement à mettre en perspective des économies réalisées par les banques : 9,7 milliards d’euros entre 2014 et 2018, dont 1,9 milliard d’euros au titre du Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et 2,28 milliards d’euros au titre de l’impact sur l’impôt sut les sociétés. D’autres économies sont prévues dans le prochain plan quadriennal à hauteur également de 9,7 milliards d’euros, soit 19 milliards d’euros entre 2014 et 2022.

Des chiffres que la Fédération bancaire française (FBF) a tenu à mettre en parallèle avec les contributions du secteur : 15,6 milliards d’euros d’impôts et prélèvements au titre de 2018. La FBF souligne que le cumul des charges sociales et fiscales a augmenté de 8 milliards d’euros entre 2014 et 2017. Les syndicats, conscients que des métiers vont disparaître quand d’autres seront créés, veulent qu’une partie de ces économies alimente des investissements massifs en termes de formation, au sein d’une politique de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) qui ne laisserait personne au bord du chemin.



Articles les plus consultés

Patrimoine
Construire son patrimoine
L'actualité patrimoine