Fragilité bancaire : les frais d'incidents restent problématiques

Fragilité bancaire : les frais d'incidents restent problématiques

« Plafonnement des frais à 25 € par mois pour les plus fragiles » : voilà un des engagements que les banques devaient respecter, selon le communiqué officiel de l'Élysée du 11 décembre 2018. Bilan ? Des avis contradictoires.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 01 Novembre 2019

Fragilité bancaire : les frais d

Une enquête sur le plafonnement des frais d’incidents bancaires  

Les banques s’étaient engagées auprès du gouvernement, en décembre 2018, dans une France alors en ébullition, à plafonner les frais d’incidents bancaires à 25 euros, pour les personnes identifiées comme en situation de fragilité financière. Le magazine 60 Millions de consommateurs et l'Union nationale des associations familiales (Unaf) ont mené leur enquête. Un panel de 104 clients dits « fragiles » ont donc pris rendez-vous avec leur conseiller bancaire afin d’obtenir « une solution pour limiter les frais pour incidents tels que les commissions d’intervention, les lettres d’information préalable, les rejets de prélèvements, de chèques, etc. ». Le test a porté sur huit réseaux de banque : BNP Paribas, Banque postale, Société générale, LCL, Banques populaires, Caisse d’épargne, Crédit mutuel et Crédit agricole.

Les banques auraient trahi leurs engagements

Globalement, la promesse n’est pas respectée selon l’association 60 Millions de consommateurs. L’enquête montre que 78% des clients frappés d’interdiction bancaire ou de surendettement ne profitent d’aucun plafonnement. Pour les autres clients (1800 euros par mois de revenus et 40 euros ou plus de frais d’incidents par mois), certes moins fragiles mais que l’association considère comme éligibles à ce plafonnement, ils sont 91% à ne pas avoir de limite. De quoi intituler l’enquête parue dans le numéro de novembre du magazine de 60 Millions de consommateurs : « Les Frais bancaires : la trahison des banques ». Les auteurs relèvent que 27% des clients testeurs ont décroché un remboursement partiel de leurs frais, sans savoir s’il s’agit d’un geste commercial classique ou de « l’application détournée du plafonnement Macron ».

Disharmonie et opacité sur l’identification des clients fragiles

Toute l’ambiguïté vient des critères qui définissent un client en situation de fragilité bancaire. Or, ce mécanisme est guidé par le libre arbitre des banques qui, en plus, ne communiquent pas ou peu sur leur mode de sélection. Ce qui laisse dire à 60 Millions de consommateurs que « toutes semblent rivaliser pour réduire au maximum les populations concernées ». L’équation est simple : moins de clients détectés comme fragiles financièrement, moins de plafonnements des frais d’incidents à appliquer. Or, ils représentent une manne financière pour les banques qui rechignent logiquement à se tirer une balle dans le pied. Marie-Andrée Blanc, présidente de l’Unaf rappelle qu’il « est illusoire de compter sur la seule bonne volonté des banques pour rendre effectif ce plafonnement. Cette “rente bancaire”, prélevée sur les consommateurs les plus en difficulté et les plus captifs, n’est pas acceptable. ».

Les banques se réfugient derrière l’avis des instances de surveillance

Qu’en disent les banques ? La Fédération bancaire française (FBF) s’appuie sur le rapport annuel de l’Observatoire des tarifs bancaires (OTB) pour se féliciter du gel des tarifs bancaires en 2019. Or, ce rapport précise aussi les grands écarts entre les établissements sur certains frais d’incidents bancaires. La FBF insiste : « Les chiffres recueillis par la Banque de France confirment la baisse des frais d'incidents bancaires (...). Sur le premier semestre 2019, les frais d'incidents pour les personnes fragiles qui en payent s'élèvent en moyenne à 17 euros par mois ». Les efforts des banques ont été confortés par l’Observatoire de l’inclusion bancaire qui a noté « une forte mobilisation de la profession, pour mettre rapidement en place ce dispositif de plafonnement ». L’enquête de 60 Millions de consommateurs semble contredire les organes en charge de la surveillance des prix.

Mieux détecter les clients fragiles

Soucieux de ce sujet, l’exécutif s’est exprimé par la voix de la secrétaire d'Etat à l'Economie Agnès Pannier-Runacher qui a annoncé de nouveaux contrôles : « Les banques se sont engagées, l'ACPR contrôle, nous ferons un point en fin d'année. Il y a aura des suites si ce n'est pas respecté ». Du côté du corps législatif, la réflexion va plus loin. Deux députés de la majorité militent pour un encadrement plus strict des frais de rejet de virement et de prélèvement, dont le plafond actuel est fixé à 20 euros. Sceptique, le ministère de l’Economie redoute les effets d’aubaine (alignement des tarifs bancaires sur le plafond réglementaire) et les contre-effets (création de lignes tarifaires non plafonnées supplémentaires, mesure profitable aux plus clients plus aisés). L’idée reste d’améliorer et d’harmoniser la détection des plus fragiles en instaurant des critères objectifs réglementaires. L’heure est aux discussions.



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