Paiement par puces sous-cutanées : quand la réalité rattrape la fiction

Paiement par puces sous-cutanées : quand la réalité rattrape la fiction

Le secteur des paiements est en perpétuelle évolution ces dernières années. Exit le paiement sans contact, les montres connectées, les cryptogrammes dynamiques et la biométrie. Faites-place aux implants sous la peau pour régler vos achats d'un revers de la main. Chiche ?
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 15 Novembre 2021

Paiement par puces sous-cutanées

Walletmor et sa puce d’implant de paiement

S’implanter une puce sous la peau pour pouvoir payer sans avoir besoin de sortir sa carte bancaire n’est pas une chimère. Débarquée en France depuis peu, la solution est délivrée par la jeune pousse britanno-polonaise Walletmor. La puce coûte 200 euros. Elle est livrée par courrier postal dans un emballage stérile.

Le client l’associe ensuite à un compte iCard (plateforme européenne), avant de l’activer depuis l’application mobile. L’opération de chirurgie esthétique nécessite de prendre rendez-vous avec un médecin. L’intervention d’implant sur le dos de la main est rapide (15 minutes) et sans douleur, selon les arguments commerciaux.

Le client doit respecter un délai d’un mois de cicatrisation. Et c’est tout ? Non, pas vraiment. La durée de vie de la puce de paiement sous-cutanée est de huit ans. Autrement dit, il faut renouveler l’opération régulièrement pour pouvoir continuer à payer en approchant le dos de sa main d’un terminal de paiement.

La start-up se veut rassurante sur le plan sanitaire, la puce étant enrobée de biopolymères hypoallergéniques, inoffensifs pour le corps humain. Walletmor rappelle qu’aucun émetteur ni dispositif de géolocalisation ne sont intégrés. La puce « se contente de réagir aux requêtes émises par un appareil de lecture placé à proximité ».

Une innovation déjà bien connue des Suédois

En Suède, cette opportunité existe déjà depuis plusieurs années. Ce qui évolue, c’est l’arrivée sur le marché français d’un acteur déployant ce service commercial pour les plus audacieux. Alors, la puce sous-cutanée va-t-elle remplacer la carte bancaire ? Pour l’heure, les réticences sont nombreuses.

Le mouvement initié en Suède remonte à 2016. Trois ans plus tard, les chiffres recensaient 4000 « Bjorn Ciborgs » équipés de cette puce sous-cutanée. Il faut dire que le pays qui a vu naître plusieurs géants du numérique comme Skype, Spotify, Soundcloud, Pirate Bay, King (l’inventeur de Candy Crush) ou encore la plateforme de paiement en ligne Klarna, est un terreau favorable.

Ben Libberton, microbiologiste spécialisé en sciences de la communication à l’Université de Lund, rappelle que « les gens y sont très à l’aise avec les innovations, beaucoup moins méfiants qu’ailleurs ». Le fondateur de l’agence suédoise de développement de solutions implantables pour « augmenter l’humain » destinées aux entreprises, Hannes Söjblad, fait partie des convaincus. Il possède une puce sous la peau, entre le pouce et l’index, pas plus grande qu’un grain de riz. D’après son témoignage recueilli par L’usine digitale, « C’est très discret, et cela simplifie la vie de tous les jours. Plus besoin de badge pour aller au bureau ou à la salle de sport. Plus besoin de carte bancaire, non plus ».

Moins de 300 personnes en France

En France, le sujet est bien plus délicat. Moins de 300 Français se seraient laissés tenter par l’innovation. Pourquoi ? Une savante combinaison de rejet, de manque d’intérêt, et d’absence de cas d’usage. Les banques, salles de sport et autres réseaux de transport ont écarté pour l’heure ce dispositif.

Les micropuces génèrent énormément de fantasmes et de controverses sur leur véritable utilisation dans la population. Mais Wojtek Paprota, fondateur de Walletmor, endosse volontiers le rôle de prêcheur : « Notre produit est aujourd’hui axé sur le paiement sans contact, mais nous travaillons sur d’autres fonctionnalités, telles que l’ouverture des portes et son utilisation en tant que badge d’identification ou jeton d’autorisation numérique ».

La start-up indique avoir séduit 200 clients au Royaume-Uni, en Allemagne et en Pologne. Pour rappel, les puces RFID (Radio Frequency Identification Device) sont déjà courantes sur les animaux, mais aussi les cartons d’emballage et les machines automatiques.

Le secteur de la santé est particulièrement attentif à ce type d’innovation, une étude d’Acumen Research & Consulting estimant le marché dans ce secteur à 6,4 millions de dollars. Et dans les paiements ? Pas vraiment d’actualité, même si la crise sanitaire a accéléré le basculement du paiement traditionnel vers le paiement sans contact.

Du paiement mobile à Amazon One

D’abord associé à la carte physique, le paiement mobile séduit de plus en plus d’utilisateurs avec les wallets Apple Pay, Google Pay, Samsung Pay et Paylib. Toutefois, l’élan doit être tempéré, un sondage publié par la Monnaie de Paris montrait que seuls 8% des personnes interrogées disaient avoir entièrement confiance dans le paiement mobile, contre 61% pour les espèces.

Mais la tendance est à la hausse, et l’adoption du tout smartphone est de plus en plus marquée chez les jeunes générations. Les innovations dans le secteur des paiements concernent aussi l’arrivée du cryptogramme dynamique (carte éphémère) et de la carte biométrique (paiement sans contact grâce à son empreinte digitale).

De son côté, Amazon développe depuis 2020, aux Etats-Unis, le paiement avec un scan de la paume de la main. Attention, pas d’implants sous la peau ici. Comme Madame Irma, le géant du commerce en ligne lit les lignes de la main, non pour prédire l’avenir, mais en guise d’identification. En effet, les sillons et les vaisseaux de la paume reproduisent un dessin unique à chaque personne.

Moins intrusive que la reconnaissance faciale ou de l’iris, cette solution baptisée Amazon One permet de payer par numérisation de la main positionnée au-dessus d’un scanner. Cela ne vous rappelle rien ? De quoi repousser pour le moment l’idée d’un implant sous-cutané… n’en déplaise au fondateur de Walletmor. Reste l'épineuse question de la sécurité des données biométriques transmises aux géants du web.



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