Médiateur bancaire : un processus sous le feu des critiques

Médiateur bancaire : un processus sous le feu des critiques

La médiation des entreprises sert à gérer les litiges avec les consommateurs. Mais, entre non respect des normes réglementaires et remise en cause de la désignation des médiateurs bancaires, l'utilité de cette instance interroge les parlementaires et les associations de défense des consommateurs. Eclairage.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 12 Juillet 2021

Médiateur bancaire processus sous le feu des critiques

Beaucoup trop de demandes irrecevables

La médiation bancaire a été instaurée afin de régler les litiges entre les usagers bancaires et les banques. Le médiateur intervient pour trouver une solution au problème avant une éventuelle poursuite en justice. L’objectif est de renouer un dialogue rompu entre les deux parties, asseoir un terrain d’entente, et résoudre les différends à l’amiable. Les banques jouent-elle le jeu ?

Pas forcément selon le Comité consultatif du secteur financier (CCSF), organe composé de représentants d'établissements financiers, d'organisations syndicales, de clients et des parlementaires. 84% des requêtes de médiation bancaire d’entreprises sont considérées comme irrecevables. Ce chiffre est bien plus élevé que pour les autres catégories de médiations : 51% pour les médiations publiques, 62% pour les médiations d’organisation professionnelle.

Des données qui ont tiqué à l’oreille du ministre de l’Économie. Dans l’attente de la parution du rapport de la mission parlementaire du 31 juillet prochain, Bruno Lemaire indique dans sa lettre de mission que « la procédure telle qu’elle était appliquée, soulevait des difficultés qui pesaient sur son efficacité ».

Un des dysfonctionnements est le mode de désignation des médiateurs bancaires. Alors que les compagnies d’assurance s’accordent pour n’avoir qu’une médiation unique, les banques ont préféré choisir des médiateurs d’entreprise. Résultats : les médiateurs sont sélectionnés par les banques contre qui les litiges sont engagés. Ils sont également payés et reconduits par ses banques. De quoi nourrir le conflit d’intérêts et peser sur le taux très élevé d’irrecevabilité des saisines.

Réorganiser les délais de procédure de saisine du médiateur

Parmi les motifs d’irrecevabilité des saisines de médiation bancaire : le délai légal de la procédure. Le CCSF incite à « limiter à deux mois le parcours du consommateur avant toute saisine du médiateur ». Pourquoi ? Parce que les entreprises font volontairement trainer les choses en instaurant deux niveaux de réclamation. Or, un litige recevable nécessite pour le consommateur d’avoir une réponse définitive de leur banque.

Cette réponse définitive n’arrive donc qu’après deux réclamations, une pratique qui allonge forcément les délais et rend irrecevables des saisines pourtant légitimes. De là à dire que le médiateur nommé par la banque elle-même est de mèche, il n’y a qu’un pas que l’UFC Que-Choisir n’hésite pas à sauter, dénonçant « l’excès de zèle de certains médiateurs qui n’ont rien trouvé de mieux que de demander systématiquement l’autorisation à la banque avant d’examiner leurs dossiers ».

Autre motif d’irrecevabilité : l’incompétence. Là encore, le CCSF souhaite supprimer les clauses d’exclusions générales pour éviter que des médiateurs d’entreprises se déclarent incompétents. Comment ? En reportant le litige sur « la politique générale » ou bien « la politique commerciale ».

Le CCSF pourra-t-il trancher au 31 juillet ?

L’UFC-Que Choisir relève aussi des problèmes de violations réglementaires au remboursement des fraudes à la carte bancaire sur internet. Sur ce point, l’association a saisi le Gouverneur de la Banque de France devant l’ampleur des manquements. Ces derniers se traduisent par des refus injustifiés de remboursements ou des délais d’indemnisation bien trop longs. Or, c’est justement le rôle du médiateur bancaire de rappeler à l’ordre les professionnels fautifs.

Face à ces nombreuses lacunes, l’UFC-Que Choisir émet un constat d’échec « de la médiation bancaire d’entreprise [incapable d’assurer] sa mission d’arbitre impartial des différents entre les consommateurs et les professionnels. » L’association préconise une refonte, avec « la création d’un médiateur public pour la banque et l’assurance réellement indépendant et efficace, comme le médiateur national de l’énergie, que le consommateur doit pouvoir saisir dès la première réponse du professionnel ».

Malgré les réflexions en cours, le CCSF n’a pas réussi à s’accorder pour réduire le nombre de médiateurs, voire engager leur mutualisation afin d’abaisser les écarts de traitement entre les organismes. Autre échec : l’absence d’ouverture du processus de désignation à des médiateurs indépendants.

Du côté de la Fédération bancaire française (FBF), on loue « les propositions constructives et consensuelles qui ont été élaborées ». L’organisation représentative estime que « les travaux n'ont pas pu produire des analyses factuelles et tangibles pouvant démontrer la valeur ajoutée attendue et justifier du besoin de modifier les éléments mis en question ». Le chemin est donc étroit pour un rapprochement entre les positions de toutes les parties d’ici au 31 juillet.

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