De la friture sur la banque en ligne : Orange arrête les frais
L’issue ne laissait guère de place au doute : le groupe Orange avait déjà avancé son intention de se retirer du marché de la banque de détail. C’est désormais acté. Le géant des télécoms s’était lancé dans l’aventure en 2017, sous l’impulsion de son ex-dirigeant Stéphane Richard, autour d’un positionnement de valeur : « une banque différente, une banque moderne et innovante », puis une signature valorisant un service « tellement simple, tellement mobile ».
Orange comptait s’appuyer sur sa présence sur le marché du smartphone justement pour greffer une nouvelle prestation à sa clientèle : leur vendre un compte courant mobile, puis d’autres solutions plus rémunératrices (prêt personnel en 2018, cashback en 2019, pack premium en 2020, solution pour les professionnels avec le rachat de la Fintech Anytime en 2021, prêt express en 2022).
Paradoxalement, la banque qui misait sur le tout mobile pour grandir s’est retrouvée à signer une majorité de ses contrats… en boutique. L’aspect hybride d’Orange Bank semblait être un avantage concurrentiel intéressant grâce à son vaste réseau d’agences irriguant le territoire. La filiale finit par séduire près de 2,6 millions de clients, mais seulement 478 000 comptes bancaires ouverts fin 2022 et un seuil de rentabilité hors de portée.
En 2022, Orange Bank faisait face à plus de 200 millions d’euros de pertes. Au total, la banque mobile a englouti un milliard d’euros en six ans d’existence. Le groupe a donc fini par dire stop, Stéphane Richard avouant même, en novembre 2022, après avoir quitté Orange : « J’ai peut-être surestimé nos chances de succès ».
Lancée il y a plusieurs mois, la revue stratégique de la filiale a débouché sur l’accord du Conseil d’administration pour entrer en négociation exclusive avec BNP Paribas. En premier lieu : le transfert du portefeuille client en France. Les deux entités vont également échanger au sujet des solutions de financement des terminaux mobiles et sur le devenir de l’activité de la banque en ligne en Espagne.
Modèle économique : du rouge pour Orange Bank, mais du vert pour Nickel
Que va-t-il concrètement se passer désormais ? Orange Bank va progressivement se retirer du marché. Les clients se verront proposer de clôturer leur compte ou d’ouvrir un compte dans la banque en ligne de BNP Paribas : Hello bank ! Généralement, l’établissement d’accueil incite ce mouvement par une prime de bienvenue. Pour rappel, Hello Bank ! compte 750 000 clients, un chiffre très éloigné du champion Boursorama Banque et ses 5 millions de clients.
BNP Paribas espère donc se renforcer sur le marché de la banque en ligne très concurrentiel avec les néobanques N26 et Revolut. Les deux acteurs ont chacun environ deux millions de clients en portefeuille. Dans un marché où la fragmentation des profils client devient la norme, BNP Paribas possède une autre arme : le compte sans banque Nickel (3 millions de clients en 2023, avec un objectif de 4 millions en 2024). Comme Orange Bank, Nickel présente un profil hybride puisque l’offre est distribuée par un réseau de buralistes partenaires.
Autre atout : un modèle économique rentable grâce à des offres payantes (forfaits annuels peu onéreux, services complémentaires) permettant l’autofinancement des développements. Pour Marie Degrand-Guillaud, directrice générale déléguée de Nickel, la stratégie consiste à « assumer qu'un compte bancaire a un prix, la technologie avec un core banking system développé en interne, la satisfaction client qui nous permet d'entretenir des coûts d'acquisition faibles, et un réseau de distribution à coûts variables ».
Un appel que n’a pas su prendre Orange Bank, désormais tourné vers l’accompagnement de ses clients et de ses salariés. Durant le processus, le groupe n’entrevoit aucun changement dans les services et les offres en cours. La réception de dépôts et l’octroi des emprunts continuent normalement. Fort d’un solide bilan, la banque en ligne répondra à toutes les obligations réglementaires en attendant son extinction.
Dans un communiqué commun, Thierry Laborde, Directeur Général Délégué de BNP Paribas souligne le partenariat de longue date entre les deux groupes et la volonté d’accompagner les clients « avec un dispositif bancaire solide et des services performants ».