Quand les banques sortent des sentiers…bancaires

Quand les banques sortent des sentiers…bancaires

Depuis plusieurs années, les banques formulent des services extra-bancaires à leur clientèle. Maitrise du budget, télésurveillance, téléphonie mobile : elles deviennent des partenaires de leur quotidien. Pourquoi adopter cette stratégie ? Cet élargissement des offres vise à actionner de nouveaux relais de croissance.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 24 Avril 2018

Quand les banques sortent des sentiers…bancaires

Services non bancaires : un relais de croissance qui ne date pas d’hier

La banque est prise en étau entre le faible niveau des taux d’intérêt qui plombe les résultats dans le secteur de la banque de détail et le changement des usages d’une clientèle plus mobile en quête d’instantanéité et de transparence. Les établissements bancaires opèrent donc leur mue et puise dans la numérisation de leurs offres et de leurs services une voie salutaire. La banque se veut plus agile, mieux connectée et plus proche de ses clients dans une ère où l’acquisition et la fidélisation des clients se heurtent à une concurrence accrue et un cadre réglementaire toujours plus resserré.

Parallèlement, les banques s'engagent sur des chemins en dehors de leur zone de prédilection : les services extra-bancaires. Cette stratégie est loin d’être balbutiante puisque depuis des années les établissements l’ont embrassée. Les banques ont commencé par diversifier leur offre en ciblant des métiers proches de leur socle à l’instar de l’assurance-vie. Elles ont ensuite porté leur offensive sur les assurances dommages et la prévoyance. Désormais, ce sont des services extra-bancaires qu’elles lancent pour retrouver une position centrale dans le quotidien de leur clientèle. Avec l’essor des smartphones, la téléphonie mobile a rapidement été un sillon à creuser.

Quand la banque répond à l'appel de la téléphonie mobile

Entre 2011 et 2015, BNP Paribas a commercialisé des forfaits et des téléphones mobiles en partenariat avec Orange. Cette offre BNP Paribas Mobile incluait notamment des applications bancaires mobiles à l’image de l’application de paiement sans contact Kix. En 2011 aussi, la Poste Mobile voyait le jour, toujours actuellement détenue à 51 % par la Poste et à 49 % par SFR. Mais l’acteur pionnier est le Crédit Mutuel qui se targue d’être en 2017 le « premier opérateur de réseau mobile virtuel » (MNVO). L’établissement vend des téléphones et des abonnements dans ses agences avec un réel succès : 1,7 million de clients sur ce segment.

Du côté de La Poste Mobile, le bilan de l’année 2017 indique que le MNVO gagne 515 000 clients (lignes brutes), pour se constituer d’1,4 millions de lignes mobiles. Si les chiffres n’atteignent pas ceux de l’année 2016 (+ 550 000 clients), La Poste Mobile peut compter sur le lancement de son service à destination des professionnels (offres Côté pro) pour élargir sa clientèle. La téléphonie est un service extra-bancaire prisée par les banques mais l’inverse est vrai avec le lancement en novembre dernier d’Orange Bank, le projet d’AlticeBank pour 2019 et les velléités un temps propagées de Free d’emboiter le pas de ses concurrents.

Des assurances dommage à l’immobilier : le Crédit Mutuel est partout

Outre la téléphonie mobile et l’offre Avantoo qui combine banque et téléphone, le Crédit Mutuel s’attaque à de multiples services extra-bancaires. Nicolas Théry, président du groupe Crédit Mutuel CM11, incluant le CIC, s’imagine en « réseau multiservices de proximité » où le crédit immobilier est un produit d’appel autant que l’offre extra-bancaire dans l’immobilier, l’assurance ou la monétique. Celle-ci est illustrée par le développement de l’application de paiement mobile LyfPay. L’approche commerciale s’élabore d'ailleurs par grandes thématiques (quotidien, véhicules, logements, etc.) et non plus uniquement par produits financiers (épargne, crédit, assurance, etc.).

L’automobile reflète cette ambition. Choix du véhicule, solutions de financement, d’assurance et d’entretien : le Crédit Mutuel devient bien un partenaire du quotidien. Ainsi, l’assurance-automobile a bondi de 6,3 % en année glissante (12 % du PNB et 23 % du résultat net). Désormais, l’application mobile permet aux clients d’obtenir un devis d’assurance auto dématérialisée en trois photos : assurance, carte grise et permis de conduire. Dans la même veine, l’établissement proposera une offre de location automobile. Face à la baisse de l’assurance-vie en 2017 (-12,6 %), augmentent les activités de l’assurance de biens et risques (+5,9 %), de la télésurveillance résidentielle (+446 000 clients) et de l’agence de vente de logements neufs.

Services extra-bancaires : exemples, faiblesses et perspectives

Les autres banques suivent cette voie et s’appuient aussi sur d’autres relais de croissance pour ne plus dépendre que de la banque du quotidien. Parmi les exemples, on peut citer l’application Star Drive by Sogessur, proposée par Société Générale Insurance. Ce coach numérique étudie et perfectionne la conduite automobile. A terme, il permettra d’adapter les tarifs d’assurance en fonction du comportement du conducteur au volant. BNP Paribas déploie son Assistant Auto qui assiste l’usager lors de la rédaction d’un constat amiable en cas d’accident. La banque commercialise également l’offre PayCar qui permet l’achat et la vente d’un véhicule en ligne.

Pour mieux gérer son budget, le groupe BPCE propose Cyberplus, agrégateur de comptes. Comme l’offre de télésurveillance du Crédit Mutuel, la Banque Postale fournit un service de protection du domicile en temps réel. La filiale de la banque verte, Crédit Agricole Assurances, met en place une application mobile qui facilite la gestion de contrats d’assurances via smartphone (déclaration des sinistres, constat avec photographies, recherche d’un réparateur à proximité). Existante depuis des années, la carte bancaire So Music est issue d’un partenariat entre la Société Générale et Universal Music France. Cette carte bancaire classique inclut des services extra-bancaires comme l’offre de téléchargement illimité de musique, des jeux concours et autres places événements concerts.

Toutefois, en s’implantant dans des domaines autres que les métiers de la banque, les établissements ont tout intérêt à rester innovants pour se différencier. Tous doivent affronter des leaders puissants qui, dans un même mouvement, marchent aussi sur leurs plates-bandes (opérateur téléphonique, GAFAM, grandes enseignes de distribution). Ada di Marzo, experte Services Financiers Bain & Company, note qu’investir un secteur extra-bancaire peut s’avérer « contre-productif [si] ses clients ne la recommandent pas dans son métier cœur. Il faut d'abord traiter la qualité de service sur les basiques avant de se tourner vers des métiers adjacents ». Enfin, les banques doivent aussi s’interroger sur l’adéquation entre ses services extra-bancaires et les usages des clients, car certaines offres s’apparentent plus à une possibilité technologique qu’à une logique commerciale au service de l'acquisition et de la fidélisation client.



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