Ma French Bank file vers une cessation de ses activités

Ma French Bank file vers une cessation de ses activités

Comme Orange ou ING, La Banque Postale a fini par engager une réflexion sur l'avenir de sa filiale Ma French Bank. De quoi remettre sous les projecteurs la question du modèle économique des banques en ligne, obligées d'investir énormément pour des revenus souvent insuffisants.
Banques en ligne

Rédigé par Olivier BALBASTRE

le 02 Février 2024

Ma French Bank file vers une cessation de ses activités

Ma French Bank, nouveau président et décision forte

La Banque Postale a communiqué le 18 décembre dernier l’étude « d’un projet de cessation des activités » de Ma French Bank. Lancée en juillet 2019, la banque en ligne n’a donc plus que 12 à 18 mois de vie tant l’inéluctable fin ne fait aucun doute. L’annonce stratégique va de pair avec la réflexion menée par les équipes du nouveau président du directoire de La Banque Postale, Stéphane Dedeyan.

Le communiqué explique sans détour la raison de cette décision : « Malgré un succès indéniable auprès des clients, Ma French Bank n’a pas atteint la rentabilité et n’a pas encore trouvé son modèle économique ». La filiale rencontre les mêmes difficultés que ses concurrents : atteindre au moins le point mort à défaut de rentabilité. Car les dépenses notamment marketing d’une banque en ligne sont bien plus élevées que les ressources tirées des activités proposées, sauf à développer son catalogue produits ou viser une croissance externe en conquérant des parts de marché à l’étranger.

Rentabilité : des pertes nettes qui s’accumulent

Selon L’Agefi, Ma French Bank présente 255 millions d’euros de pertes nettes entre 2018 et 2022. L’an dernier, le chiffre s’élève à 61 millions d’euros, alors que le produit net bancaire atteint 18 millions d’euros. Certes, la trajectoire du PNB est ascendante, mais n’est alimentée que par les rentrées d’argent résultant de commissions. Les charges fixes seraient de 75 millions d’euros par an. En dressant ce tableau, le constat de l’impossible viabilité de l’activité est évident, malgré les débuts en fanfare et la volonté de s’appuyer sur une clientèle accessible facilement par le réseau de bureaux de poste irriguant le territoire. Si Ma French Bank compte tout de même 750 000 clients, l’objectif fixé à 2025 de 1,3 million de clients semble hors d’atteinte.

Autre souci : l’offre se concentre uniquement sur un service peu rémunérateur de comptes bancaires et de cartes de paiement. L’application mobile contient des modules gratuits pour accompagner les clients dans la gestion de leur argent. Enfin, le catalogue propose des contrats d’assurance pour les moyens de paiement, le smartphone, l’habitation en partenariat avec Lovys ainsi qu’une solution de crédit renouvelable dont le prêteur est La Banque Postale Consumer Finance et l’assureur Sogecap. Ces services sont insuffisants pour atteindre le seuil de rentabilité qui requiert davantage d’investissements sur des produits d’épargne et de crédit. Or, La Banque Postale a décidé d’arrêter les frais, d’autant que la maison mère poursuit elle-même ses efforts dans la propre digitalisation de son offre.

La Banque Postale ou Orange : même modèle, même impasse

La banque mobile ne se sera jamais remise de son faux départ, le projet traînant entre 2016 et 2019 ce qui a laissé le champ libre à la concurrence et l’arrivée massive des néobanques. Pourtant, Ma French Bank est loin d’être un cas isolé quand on évoque la problématique de la rentabilité du secteur d’activités. Les déboires sont légion. L’échec de La Banque Postale se rapproche de celui du groupe Orange et de sa banque en ligne Orange Bank. L’idée était la même : proposer un compte courant et des moyens de paiement facilement accessibles en ligne ou dans une agence Orange de proximité. D’ailleurs, ce sont ces derniers points de vente qui apportaient le plus de clients.

Mais le mur de la rentabilité va également rattraper le groupe de téléphonie qui lance son projet en 2017 avec l’ambition d’atteindre 2 millions de clients en dix ans. Le seuil de rentabilité doit lui être franchi au bout de quatre à cinq ans. Le nombre de clients a fini par être validé, mais avec des contorsions : intégration du nombre de clients de la filiale espagnole et d’abonnés d’un contrat d’assurance pour smartphone (près de 600 000 !). Parallèlement, les déficits ont gonflé avec des pertes d’exploitation franchissant le milliard d’euros depuis le début. Orange a fini par jeté l’éponge, les 500 000 clients français titulaires d’un compte bancaire étant récupérés par Hello bank!, marque commerciale de BNP Paribas.

Recapitalisation, levées de fonds ou rachat

Pour survivre, Orange a régulièrement dû passer par la recapitalisation de sa banque mobile, tout comme ING dont l’activité de banque de détails s’est également arrêtée en France en 2021 « du fait des difficultés liées au contexte économique actuel, et notamment la faiblesse des taux d’intérêt, des résultats financiers négatifs enregistrés par la banque en ligne ces dernières années et de sa part de marché relativement limité ». D’autres acteurs ont aussi tout stoppé comme C-Zam (Carrefour Banque), Prismea (Crédit du Nord), Swoon, Boon lestée par le scandale WireCard, Ditto Bank, etc.

Les principales banques en ligne évoluent sous le bouclier protecteur de grands groupes. Bforbank est filiale du Crédit Agricole, BoursoBank de Société Générale, Fortuneo de Crédit Mutuel Arkéa, Hello Bank de BNP Paribas, et Monabanq de Crédit Mutuel Alliance fédérale. Mais seuls Fortuneo et récemment BoursoBank engrangent des profits. Si le Crédit Agricole accorde un dernier sursis à BforBank, le groupe BPCE a carrément renoncé à s’aligner sur le marché de la banque en ligne en refermant le dossier Fidor.

Du côté des acteurs disruptifs, les néobanques attaquent le marché par une verticale (par produits ou par profils de client) en espérant avoir suffisamment de traction pour grandir rapidement et gagner des parts de marché. Certains acteurs disent être rentables comme Nickel (BNP Paribas), Revolut, Bunq ou Manager One, quand d’autres se félicitent déjà d’être sur le chemin du point mort comme Lydia, Qonto ou N26.

Toutefois, la rentabilité n’est pas forcément un objectif de court terme, car l’argent des fonds d’investissement doit servir à optimiser la croissance. Sauf que les investisseurs finissent toujours par vouloir retirer leur profit d’où l’obligation de devoir s’auto-financer un jour. De plus, les levées de fonds se tarissent et les valorisations en Bourse réduisent. D'ailleurs, l’introduction boursière fait partie des portes de sortie pour continuer à se développer tout comme le rachat. Mais si toutes aboutissent à des impasses, la cessation d’activité finit par être inéluctable. Pour le nouveau président de La Banque Postale, cela ne fait aucun doute.

 



Articles les plus consultés

Patrimoine
Construire son patrimoine
L'actualité patrimoine